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En théorie et en pratique : qui vote ?

  • Par: Philippe Paquet

L’organisation des élections est du ressort des Etats. Il en résulte des procédures - et des lois - très diverses.

En théorie, c’est simple : tout Américain âgé de 18 ans au moins peut voter. En pratique, toutefois, les choses se compliquent. D’une part, le vote n’étant pas obligatoire, l’apathie politique jette une ombre sur le fonctionnement de la démocratie américaine et, en particulier, sur l’élection du Président, généralement choisi par à peine 25 % de ses compatriotes (compte tenu d’un taux de participation avoisinant les 50 % et d’une répartition plus ou moins égale des suffrages exprimés entre les deux principaux candidats). D’autre part, la procédure électorale relève du choix souverain des Etats de l’Union : il en résulte une grande diversité des techniques de vote (bulletin à remplir, machines à perforer, vote par correspondance…), des modes de scrutin (dans les primaires, tout au moins) et des règles en vigueur (pour l’inscription des électeurs ou les modalités du vote anticipé, notamment).

Cette réalité explique pourquoi les candidats consacrent en grande partie leurs efforts (et leurs moyens financiers) non pas à convaincre les électeurs de la justesse de leurs idées, mais à les persuader d’aller voter. La mobilisation est, en Amérique plus qu’ailleurs, le maître mot d’une campagne réussie, d’où l’importance du travail de terrain qu’effectuent des bataillons de volontaires. Ils font du porte-à-porte ou passent leurs journées au téléphone pour amener leurs concitoyens à s’inscrire sur les listes électorales et à prendre effectivement part au vote, le moment venu. Cette sensibilisation est très importante auprès des jeunes, traditionnellement plus indifférents à la politique. Et elle l’est par conséquent pour les Démocrates car les seniors votent volontiers républicain.

La mobilisation des minorités

La mobilisation est surtout essentielle auprès des minorités ethniques qui ont tendance à se croire naturellement exclues du jeu politique. Le combat pour les droits civiques a, certes, changé la donne. En 2012, le taux de participation chez les Noirs américains a même été, avec 67 %, légèrement supérieur à celui de l’électorat blanc (64 %) - il s’agissait, toutefois, de réélire un Président noir, et les Démocrates s’inquiètent cette année de la désaffection des jeunes électeurs noirs qui ne partagent apparemment pas l’enthousiasme de leurs aînés pour Hillary Clinton. La tâche est par ailleurs primordiale s’agissant des Latinos et des Asiatiques dont la participation au scrutin de 2012 n’a pas dépassé 48 % et 47 % respectivement.

Le succès croissant du vote anticipé est probablement le meilleur remède à l’apathie politique. Il permet de voter par correspondance ou de se rendre dans un bureau de vote pendant une période de temps plus ou moins longue, ce qui élimine la contrainte de se déplacer le jour du scrutin (qui n’est pas un jour férié aux Etats-Unis). La généralisation de cette pratique va bouleverser la dynamique des campagnes électorales parce que des millions d’Américains font ainsi leur choix plusieurs semaines avant que celles-ci se terminent.

Dispositions discriminatoires

La durée durant laquelle le vote anticipé est autorisé est en outre devenue matière à polémique. La nouvelle loi électorale de la Caroline du Nord a ainsi été invalidée par la Justice parce qu’elle mettait en place un dispositif clairement préjudiciable aux Noirs. D’une part, en réduisant de deux à un le nombre de dimanches durant lesquels on pouvait voter (or, c’est le jour où les Eglises noires organisent des transports vers les bureaux de vote). D’autre part, en limitant, dans un pays où la carte d’identité n’existe pas, les documents d’identification valables à ceux qu’utilisent surtout les Blancs (permis de conduire, passeport), au détriment de ceux dont disposent le plus souvent les Noirs (carte d’étudiant, attestations sociales).

  • Par: Philippe Paquet