Iran

Le nouvel eldorado

  • Par: Vincent Braun

L’intérêt de Washington demeurera inchangé pour la République islamique, nouvel eldorado économique et partenaire géostratégique.

Le rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis, initié grâce à l’accord international sur le programme nucléaire iranien en juillet 2015, est-il amené à se poursuivre ? Donald Trump avait promis en mars de faire du démantèlement de "cet accord catastrophique" son "objectif numéro un" s’il était élu. "La rhétorique de Trump est beaucoup plus anti-iranienne que celle de Clinton, qui est dans la ligne d’Obama. Mais je ne pense pas que la personnalité du prochain président puisse remettre en question un accord international dont les Etats-Unis sont partie, qui plus est signé avec les quatre autres membres du Conseil de sécurité. C’est inenvisageable", estime Ardavan Amir-Aslani. Cet avocat spécialisé en droit international avait pressenti le réchauffement entre les deux pays dans son ouvrage "Iran-Etats-Unis, les amis de demain ou l’après-Ahmadinejad" (2013). Pour lui, l’Iran est devenu un enjeu "central" pour les Etats-Unis au Moyen-Orient et il le restera quel que soit le prochain président.

Ali Akbar Salehi, le patron de l’Agence iranienne de l’énergie atomique, pense aussi que l’accord ne serait "pas sérieusement menacé" par l’élection du candidat républicain. "La personne qui assumera la présidence des Etats-Unis devra s’adapter aux réalités du terrain", a-t-il jugé fin septembre, tout en concédant que "certaines choses pourraient prendre du retard". L’ accord sur le programme nucléaire de la République islamique a , entré en vigueur au début de cette année, a permis de rouvrir la porte du monde à l’Iran, devenu Etat paria suite à la révolution islamique de 1979 et dont la longue prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran avait causé la rupture des relations diplomatiques avec Washington.

Un "cheval de Troie" économique

L’ouverture de la porte à l’Iran semble donc inéluctable. "Clinton serait toutefois plus inflexible et exigeante qu’Obama dans les procédures d’application de l’accord. Obama a fait trop de concessions, accordé trop de facilités afin d’obtenir le seul succès international de sa présidence", observe le sociologue Majid Golpour, spécialiste de l’Iran.

Les opportunités d’affaires que fait miroiter l’Iran, et ses 80 millions d’habitants, représentent un nouvel eldorado que Washington (et les autres grandes capitales) ne peut ignorer. "Des responsables iraniens et arabes de pays du Golfe m’ont dit qu’ils pourraient mieux s’entendre avec Trump parce que, malgré un discours très hostile à l’égard du monde musulman, c’est un homme d’affaires et qu’on peut faire du business avec lui", affirme M. Amir-Aslani. Malgré certains déboires dans ses affaires, "Donald Trump est un entrepreneur redoutable qui fait peu de cas de l’éthique et de la légalité. Il fascine autant qu’il est redouté dans la région", note Majid Golpour. "Cela rassure ceux qui veulent ouvrir leur business sur le monde mais inquiète les cercles ultraconservateurs qui voient en lui un cheval de Troie dévastateur pour le pouvoir religieux en Iran et son hégémonie idéologique dans la région."

Et puis, dans le contexte du terrorisme djihadiste, foncièrement sunnite, le caractère chiite de l’Iran offre aux Etats-Unis une opportunité de diversifier leurs alliances dans la région. Un contrepoids qui pourrait s’avérer utile.


  • Par: Philippe Paquet