Une élection atypique

Un scrutin présidentiel historique

  • Par :Philippe Paquet

Cette élection restera dans les annales : une femme y affronte un homme qui se bat aussi contre son propre parti.

Les Américains se rendront aux urnes, le 8 novembre, pour une élection présidentielle qui ne ressemble à aucune autre. Parce qu’une femme, investie pour la première fois par un des deux grands partis politiques, brigue la Maison-Blanche. Parce que - autre phénomène sans précédent - l’homme qui veut lui barrer la route n’a aucune expérience de la chose publique : il n’a jamais dirigé une ville, gouverné un Etat, siégé dans une Assemblée. Parce que, et c’est sans doute l’originalité la plus troublante, ces deux candidats hors norme ont un point en commun : ils n’inspirent pas la confiance d’une écrasante majorité de leurs compatriotes.

Les électeurs n’ont donc pas d’autre issue que de choisir une personnalité dont la plupart d’entre eux se méfient, à moins de ne pas voter "utile" et de jeter leur dévolu sur le représentant de l’une des petites formations traditionnellement marginalisées aux Etats-Unis (les Libertariens, les Verts…), ou encore de s’abstenir. La lassitude que provoque la candidature d’Hillary Clinton, l’inquiétude que suscite celle de Donald Trump, font craindre un fort absentéisme dans un pays où la participation politique est déjà faible, et la première préoccupation de chaque prétendant est plus que jamais de mobiliser ses troupes, de faire en sorte que chaque soldat monte au front, et qu’il vote.

Le risque est considérable, en particulier chez les Républicains. Beaucoup d’entre eux, en effet, ne se reconnaissent pas dans leur candidat. Il est habituel, certes, que celui qui est appelé à défendre les couleurs d’un parti dans la course présidentielle n’ait pas l’heur de plaire à toutes ses factions ou tendances. Le mormon Mitt Romney n’était pas, en 2012, le candidat idéal aux yeux de nombreux Républicains. Quatre ans plus tôt, le modéré John McCain ne faisait pas davantage rêver les conservateurs. Et le Texan George W. Bush, avant eux, était loin de jouir, lui aussi, d’un soutien unanime.

Un fossé rarissime entre un parti et son candidat

Il est rarissime, cependant, que le fossé soit si large entre l’appareil du parti et son candidat. Les ténors républicains n’ont pas vu venir ce néophyte narcissique et ambitieux à qui personne ne donnait la moindre chance. Donald Trump a pourtant balayé ses seize adversaires et survolé les primaires. Quand il s’est, contre toute attente, imposé, il était trop tard. Les caciques du parti ont boycotté la Convention nationale à Cleveland - du jamais vu - et les Républicains se retrouvent ainsi à devoir voter pour un homme qui a été publiquement désavoué par une partie de leurs dirigeants et qui n’est que mollement soutenu par l’autre partie (qu’on songe aux atermoiements du speaker de la Chambre, Paul Ryan, le Républicain aujourd’hui le plus influent).

Les Républicains ont tellement peur de ce qu’un président Trump pourrait faire (sa croisade contre l’establishment visant aussi bien son propre camp que l’ennemi démocrate) qu’il se dit que leur volonté de conserver la majorité au Congrès répond moins au souci de paralyser le Parti démocrate qu’à celui de placer des garde-fous contre l’imprévisible et incontrôlable Donald Trump s’il est élu.

La compétence, mais aussi la dissimulation

Si le tempérament de Donald Trump, son inexpérience et son attachement relatif à leurs valeurs indisposent les Républicains, les Démocrates ne sont pas beaucoup plus à l’aise avec Hillary Clinton. Elle est sans aucun doute infiniment plus compétente (seul, dans l’histoire nationale, James Monroe était mieux préparé qu’elle à devenir président des Etats-Unis). Il n’empêche qu’elle et son mari traînent, à tort ou à raison, une réputation de dissimulation et de mensonge qui empêche les Démocrates de déborder d’enthousiasme à l’idée de voir une sorte de dynastie Clinton succéder à la dynastie Bush.

  • Par :Philippe Paquet