Le risque d’un coup de froid

  • Par: Gilles Toussaint

Trump pourrait ralentir la lutte contre le réchauffement, mais pas l’enrayer.

La perspective de voir débouler Donald Trump à la Maison-Blanche ne réjouirait pas - c’est un euphémisme - ceux qui œuvrent pour lutter contre le réchauffement climatique. Un phénomène qui, aux dires du candidat républicain, est "une invention des Chinois" visant à mettre en difficulté l’industrie américaine…

Si ce scénario se concrétise, Donald Trump pourrait-il pour autant, comme il l’a promis, saborder l’Accord de Paris ? Pas si vite… "Cela n’a pas été mis en avant mais le texte de l’accord comporte une petite subtilité introduite à l’initiative de l’administration américaine : une clause interdit à un pays de se retirer du traité au moins durant les quatre années qui suivent son entrée en vigueur", explique Thomas Spencer, directeur du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) à Paris. En conséquence de quoi, les Etats-Unis ne pourraient pas, du moins sous le premier mandat de M. Trump, se retirer de l’accord comme l’a fait le Canada pour le protocole de Kyoto. Voilà une promesse de campagne qui ne sera pas tenue.

Un pouvoir de nuisance

Le magnat de l’immobilier n’en garderait pas moins "une capacité de nuisance significative dans la diplomatie climatique internationale", poursuit notre interlocuteur. En adoptant sans nul doute une attitude d’obstruction qui risque de ralentir la dynamique actuelle.

Toute la question est de savoir comment la communauté internationale réagirait. D’autres pays en profiteraient-ils pour se cacher à nouveau derrière l’inaction des Etats-Unis et faire marche arrière sur leurs propres engagements ? Ou assisterait-on à l’inverse à un isolement de Washington ? " Les efforts diplomatiques énormes qui ont été déployés pour atteindre le seuil de ratification nécessaire à l’entrée en vigueur de l’accord dès la fin de cette année laissent penser que la balance pourrait pencher vers le second scénario", juge M. Spencer. "Les leaders des grands pays ont retiré un tel capital personnel de ce deal qu’il serait délicat pour eux de le remettre en question. L’Inde et la Chine ont, en outre, des intérêts directs, notamment économiques, qui motivent leur action contre le changement climatique."

Sur le plan de la mise en œuvre nationale des mesures promises, il est clair que Trump tenterait de détricoter les dispositions réglementaires décrétées par Barack Obama sur la base du "Clean Air Act" - qui lui a permis de passer au-dessus des blocages systématiques du Congrès et du Sénat, dominés par les Républicains. Mais là encore, il pourrait se heurter à une bataille juridique et au fait que certains industriels concernés par ces réglementations, singulièrement dans le secteur automobile, ont déjà largement intégré ces changements dans leur planning stratégique. Donald Trump, par contre, prendrait très probablement le parti de l’industrie du charbon et des pétroliers, en relançant par exemple le projet du très controversé oléoduc Keystone XL.

Hillary en mode prudence

Sans surprise, l’élection d’Hillary Clinton serait un scénario beaucoup plus positif, "même si celle-ci est sans doute plus portée vers les dossiers sécuritaires et géopolitiques classiques", précise Thomas Spencer. Alors que Barack Obama a fait du climat une priorité de son second mandat "à défaut d’autres sujets sur lesquels il pouvait engranger un succès", Mme Clinton devrait opter pour une certaine continuité teintée de prudence. Elle pourra pour ce faire s’appuyer sur une équipe déjà opérationnelle, dans la mesure où plusieurs personnalités de son entourage censées occuper des rôles importants dans sa future administration ont été très engagées dans les enjeux climatiques et les négociations avec la Chine ces dernières années. C’est en particulier le cas de son bras droit, John Podesta, qui fut aussi le chef de cabinet de Bill Clinton quand celui-ci occupait le siège de la présidence. "Il est un peu l’architecte de la stratégie climatique d’Obama."

Quoi qu’il en soit, même si la candidate démocrate l’emporte il ne faut pas s’attendre "à une grande rupture où les Etats-Unis mettraient soudain en œuvre une vraie politique climatique coordonnée et ambitieuse", précise Thomas Spencer. Même s’ils récupèrent la majorité au Congrès et au Sénat, les Démocrates ne pourraient pas compter sur 100 % de leurs troupes pour soutenir pareil virage, les élus issus des Etats charbonniers étant par nature hostiles à ces mesures.

  • Par: Gilles Toussaint