Vers un Israël binational de facto ?

  • Par: Vincent Braun

Aucun des deux candidats, une fois élu, ne serait capable de débloquer le processus de paix israélo-palestinien.

Donald Trump avait jeté un froid glacial dans les milieux pro-israéliens en déclarant, au début de l’année, qu’il souhaitait adopter une stricte "neutralité" dans le dossier israélo-palestinien qui, pourtant, s’y prête peu. Tout est depuis rentré dans l’ordre des choses du Parti républicain, traditionnellement favorable à Israël jusqu’au bout des ongles du pachyderme qui sert d’emblème au parti. Il a suffi que le candidat réaffirme son "amitié" à l’égard de l’Etat hébreu, qu’il promette s’il est élu de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, qu’il reconnaît comme "capitale indivisible et éternelle d’Israël", pour que la neutralité ne soit plus qu’un lointain souvenir. Et que, finalement, le milliardaire américain de Las Vegas et "faiseur de rois" républicain Sheldon Adelson, réputé très proche de Benjamin Netanyahou et dont la sécurité d’Israël est l’une des priorités, décide de lui ouvrir ses comptes bancaires bien garnis.

"L’Amérique a les moyens mais pas la volonté politique d’exercer des pressions sur Israël. Il semblerait donc qu’il n’y ait rien à attendre ni d’Hillary Clinton ni de Donald Trump sur ce dossier. Et puis, aucun des deux candidats n’est populaire dans les pays arabes", explique Karim Emile Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste du Moyen-Orient et de la politique étrangère américaine. Il y a fort à parier que, si elle est élue, Hillary Clinton - qui a le soutien du principal lobby israélien aux Etas-Unis - soit pressée par Israël de se montrer "plus intransigeante (que Barack Obama) vis-à-vis de l’Iran", ennemi juré des Israéliens.

Dérive droitière et Etat binational

Le processus de paix israélo-palestinien est au point mort depuis la fin de la dernière ronde de négociations indirectes qui s’est déroulée sous le parrainage américain jusqu’au printemps 2014. L’échec de cette initiative de plus de neuf mois initiée par l’administration Obama s’était matérialisé quelques semaines plus tard par la troisième guerre de Gaza. "Le Président américain s’est heurté, avant même sa prise de fonction, à un blocage absolu des Israéliens qui ont lancé la guerre à Gaza (la première, en 2008-2009, NdlR) et qui ont refusé de cesser la colonisation", relève M. Bitar. "Mais malgré la froideur des relations personnelles entre MM. Obama et Netanyahou, la coopération militaire, technologique et économique entre les deux pays n’a jamais été aussi forte. Et on devrait assister à une continuité dans ces domaines."

La tendance démographique favorable à la population arabe se double, selon le chercheur, d’une tendance à "l’imbrication de plus en plus importante des populations juive et arabe", en Israël et en Cisjordanie. Ce qui pourrait "rendre impraticable la solution à deux Etats et aboutir, à un horizon plus éloigné, à un Etat binational de facto". Un scénario qui paraît inéluctable si la dérive droitière continue en Israël et si le prochain président américain ne prend aucune initiative pour le contrer.


  • Par: Vincent Braun