Portrait

De la Première Dame à la première femme

  • Par: Philippe Paquet

Hillary Clinton a suivi son mari. Avant de se hisser elle-même jusqu’au sommet.

Aucun candidat à la Maison-Blanche n’a jamais été aussi qualifié, déclara Barack Obama à la Convention du Parti démocrate, le 27 juillet dernier, en faisant l’éloge de celle qui aspire à lui succéder et à devenir la première présidente des Etats-Unis. Il ne s’agissait ni d’un compliment gratuit ni d’une figure de style. Hillary Clinton est effectivement on ne peut mieux préparée.

Ancienne secrétaire d’Etat, elle connaît les rouages du gouvernement. Ancienne sénatrice de New York, elle connaît le fonctionnement du Congrès. Ancienne Première Dame, elle connaît déjà la Maison-Blanche de l’intérieur. Tout au plus lui manque-t-il l’expérience de la gestion d’une ville ou d’un Etat : contrairement à son mari, elle n’a pas été maire ou gouverneur.

Quarante ans de vie politique

La candidate démocrate a plus de quarante ans de vie politique derrière elle. En novembre 1976, Bill Clinton remportait sa première élection pour devenir le procureur général de l’Arkansas, un Etat du Sud dont il serait par la suite le gouverneur pendant douze ans. Cette victoire et celles qui suivraient furent l’œuvre d’un couple - très probablement le couple politique le plus fascinant de la seconde moitié du XXe siècle. Un couple qui a résisté à toutes les épreuves, publiques comme privées. Féministe dans l’âme, Hillary Rodham s’est résolue un jour à n’être plus qu’Hillary Clinton. Et quarante ans plus tard, malgré la mémorable affaire Lewinsky qui faillit briser le ménage et ruiner la présidence de Bill Clinton, le mari est plus que jamais au côté de l’épouse pour retourner à la Maison-Blanche.


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Sans Bill Clinton, Hillary ne serait pas là où elle est aujourd’hui. Elle ne manquait, certes, ni d’ambition ni d’engagement. Elle a grandi à Park Ridge, une banlieue bourgeoise de Chicago dans les années 1950 et 1960, mais elle n’a pas tardé à découvrir les inégalités sociales et la question raciale dans les quartiers défavorisés de la plus grande métropole du Midwest. Elle a reçu, à Wellesley, la célèbre université pour jeunes filles près de Boston, la formation qui sied à une femme indépendante. Elle a appris son futur métier d’avocate à Yale, où elle entama, avec Bill Clinton, en 1971, "une conversation qui dure toujours", et où, sur fond de guerre du Vietnam, elle se frotta aux débats politiques, troquant bientôt la sensibilité républicaine héritée de son père contre un ralliement définitif à la cause démocrate.

A l’école de l’Arkansas

C’est néanmoins en rejoignant son futur mari dans une obscure cité universitaire de l’Arkansas, Fayetteville, où Bill Clinton avait décroché un emploi à la faculté de droit, qu’elle décida de son destin. Entraînée bientôt dans les campagnes électorales du gouverneur, initiée au rôle d’une Première Dame, fût-ce celle d’un Etat rural de deux millions d’habitants à l’époque, Hillary Clinton allait prendre goût à la vie publique. Et d’autant plus qu’elle pouvait, dans l’un des Etats les plus pauvres du pays, nourrir des projets de réformes sociales qu’elle aurait plus tard la volonté de transposer à l’échelle nationale, notamment en matière de santé, quand elle serait devenue la Première Dame, cette fois, des Etats-Unis.

Un jour de septembre 1995, à Pékin, alors qu’elle proclamait, à la tribune d’une conférence des Nations unies, que "les droits des femmes sont aussi des droits de l’homme", Hillary Clinton démontra qu’elle était une femme politique à part entière. La suite, ou plutôt le début de sa carrière dépendrait alors moins de ses compétences que de sa capacité à sortir de l’ombre d’un mari encombrant. Elle y parvint en deux temps. En sauvant pour les Démocrates, en 2000, un des deux sièges new-yorkais au Sénat. Puis en surfant sur la vague Obama qui aurait pu l’engloutir avec l’échec de sa première tentative présidentielle en 2008, pour devenir secrétaire d’Etat.

La réussite fut telle qu’au moment de se représenter à l’élection de 2016, sa candidature parut aller de soi. Personne n’osa l’affronter, hormis un sénateur quasi inconnu, Bernie Sanders.

  • Par: Philippe Paquet