Les questions éthiques au second plan

  • Par :Philippe Paquet

Si le premier ne fait pas recette, le vote des seconds intéresse les candidats.

De façon plutôt inattendue, le débat des candidats à la vice-présidence, le 4 octobre, s’est terminé par une passe d’armes sur l’avortement, le Démocrate Tim Kaine et le Républicain Mike Pence opposant longuement leurs arguments, le premier en faveur du droit des femmes à contrôler leur fertilité, le second au nom du droit à la vie dont le respect s’impose à tout bon chrétien.

C’était surprenant parce que les questions éthiques sont, dans cette élection, passées largement au second plan, si l’on excepte la dimension morale de la polémique sur les armes à feu. Certes, depuis l’arrêt historique de la Cour suprême "Roe v. Wade" du 22 janvier 1973, le problème est censé être réglé une fois pour toutes, la plus haute juridiction du pays ayant fait de l’avortement un droit constitutionnel que rien ne peut plus entraver. Il n’empêche qu’à chaque scrutin, il se trouve des groupes de pression "pro-life" pour remettre le dossier sur la table à l’échelle des Etats en y organisant un référendum sur d’éventuelles restrictions à l’exercice de ce droit.

La place de la religion dans la société

L’avortement n’a, certes, pas été totalement absent de la campagne - on se souvient que Donald Trump s’était déclaré partisan de "punir" les femmes qui interrompent leur grossesse. Et la préservation des droits des femmes, à la lumière des menaces que le candidat républicain ferait peser sur eux, est au cœur de l’argumentation d’Hillary Clinton pour rallier un électorat féminin qui ne lui est pas aussi spontanément acquis qu’elle pouvait l’espérer. Il n’en reste pas moins que l’avortement - mais aussi son prolongement politique, lié à la place de la religion dans la société américaine - n’a, cette année, qu’une importance marginale.

Il n’en va pas de même, en revanche, des droits des homosexuels. La communauté LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transsexuels) a remporté deux victoires retentissantes sous la présidence de Barack Obama. La première avec l’abrogation, en décembre 2010, de la loi "Don’t ask, don’t tell" qui interdisait depuis 1993 de s’enquérir de l’orientation sexuelle des recrues dans l’armée américaine (cette loi, que Bill Clinton fit voter, facilitait l’accès des homosexuels à une carrière militaire - "Don’t ask" - mais n’en continuait pas moins à empêcher l’expression de son homosexualité - "Don’t tell"). La seconde avec l’arrêt de la Cour suprême "Obergefell v. Hodges" du 26 juin 2015, qui autorise les unions homosexuelles en garantissant les mêmes droits que le mariage traditionnel.

Un enjeu électoral non négligeable

Dans un pays où la communauté LGBT représente quelque 3,4 % de la population adulte, l’enjeu électoral n’est pas négligeable, a fortiori dans l’hypothèse d’un scrutin serré. Les deux candidats à la présidentielle l’ont bien compris en s’engageant à protéger les homosexuels.

Logiquement, sur ce terrain, Hillary Clinton aurait dû prendre facilement l’ascendant sur Donald Trump. Il n’en est rien, cependant, parce que, comme sur d’autres sujets d’actualité (le Partenariat transpacifique, par exemple), la Démocrate a changé son fusil d’épaule. Elle n’a soutenu que tardivement l’union homosexuelle, quand elle a senti le vent tourner.

  • Par :Philippe Paquet