A Moscou, on voterait pour Donald Trump

  • Par: Sabine Verhest

Les relations avec Washington s’amélioreraient-elles vraiment s’il était élu ?

L’élection présidentielle américaine tient une place tellement importante dans les médias russes, qu’elle en avait éclipsé le scrutin législatif qui se tenait de Saint-Pétersbourg à Vladivostok le 18 septembre dernier. L’enjeu américain s’accompagne, il est vrai, de plus de suspense.

Politiciens, artistes et autres célébrités locales ont rejoint le contingent de Russes favorables à Donald Trump, espérant que son élection permettra un rapprochement entre les deux puissances engagées dans une nouvelle guerre des nerfs depuis l’annexion de la Crimée en 2014 et, plus récemment, l’échec de la trêve en Syrie. Si les Russes pouvaient voter aux Etats-Unis, ils choisiraient le Républicain (35 %), loin devant la Démocrate (13 %), selon l’institut de sondage Levada.

Donald Trump et Miss Univers

"Trump nous promet une très très bonne relation. Clinton nous en garantit une très très mauvaise. La différence se voit, même sans jumelles", résume sur Twitter le député Alexeï Pouchkov.

"Les Russes ont le sentiment que Donald Trump est le seul politicien américain qui dise des choses positives sur la Russie et qui soit capable de s’entendre avec Moscou bien mieux que ce n’est le cas actuellement", explique Robert H. Legvold, professeur émérite à l’université Columbia. Aussi le magnat du pétrole Simon Kikes, Russe naturalisé américain, a-t-il versé plus de 150 000 dollars pour favoriser l’élection du Républicain.

Donald Trump, qui a tenté de faire des affaires en Russie, y met du sien pour s’y faire apprécier, lui qui n’a pas hésité à juger ouvertement les qualités du Président russe supérieures à celles de Barack Obama. Vladimir Poutine, lui, s’il ne soutient pas ouvertement la candidature du milliardaire qu’il n’a jamais rencontré, le qualifie d’"homme brillant". Il lui sait gré d’avoir amené, à Moscou en 2013, le concours de Miss Univers.

Les Russes, sans nier l’imprévisibilité du candidat républicain, comptent sur son élection pour mener leur politique comme bon leur semble. "Il ferme les yeux sur tout ce qui pose question en Occident. Il ne dit mot sur la répression politique en Russie et ne semble pas non plus s’intéresser à ce que fait Moscou en Syrie ou en Ukraine", estime le Pr Legvold. "La majorité des problèmes entre Washington et Moscou découlent, non pas des relations bilatérales, mais de la différence fondamentale dans la manière dont les deux pays comprennent l’ordre international", estime Dimitri Suslov, professeur à la haute école économique de Moscou."Trump sera plus que probablement indifférent aux politiques que la Russie mène dans son voisinage et ne s’engagera pas en faveur de la promotion de la démocratie ni d’un changement de régime."

Pourrait-il opérer un vrai rapprochement pour autant ? Nul ne le sait. "Parce qu’il est très difficile de savoir ce que Trump, qui n’a aucun sens de la diplomatie, fera dans n’importe quel domaine de politique étrangère", assène Robert Legvold. Et parce qu’il rencontrerait probablement des forces contraires au sein de son propre parti.

Hillary Clinton et Hitler

Avec Hillary Clinton à la Maison-Blanche, la partie s’annonce plus compliquée pour Moscou. La candidate démocrate y "est vue très négativement, par le président Poutine lui-même, par les médias et par l’élite", constate le Pr Legvold. "Cela ne date pas de cette campagne électorale, cela remonte à ses vives critiques des élections russes de 2011" , qui avaient débouché sur d’importantes manifestations. "Elle a aussi accusé Poutine d’essayer de recréer l’Union soviétique avec sa communauté eurasiatique" et, en 2014, "l’a comparé à Hitler" pour sa politique vis-à-vis de l’Ukraine . "Elle a donc une très mauvaise réputation qui est encouragée par le régime."

Mais, bien qu’ "Hillary Clinton et Vladimir Poutine ne s’aiment pas", affirme Robert Legvold, la Démocrate "est une femme pragmatique". Et le Président russe assure qu’il travaillera avec le vainqueur de l’élection, quel qu’il soit, "si tant est que le nouveau dirigeant veuille travailler avec notre pays".

La question, aujourd’hui, est de savoir jusqu’où les Russes sont prêts à s’aventurer pour que leur candidat favori entre à la Maison-Blanche, alors que les Etats-Unis font face à une vague d’attaques informatiques.

Washington a ouvertement accusé Moscou, le 7 octobre, d’essayer d’interférer dans le processus électoral américain. Des accusations que le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a jugées, le 12 octobre, "flatteuses" mais "ridicules". Enrayer le scrutin permettrait pourtant de jeter le discrédit sur un modèle démocratique que Washington tente d’exporter, notamment vers les pays de l’ancien bloc soviétique. "Je ne pense pas que les Russes seront capables de perturber le scrutin au point de rendre des résultats illégitimes ", déclare le Pr Legvold, "mais le simple fait d’essayer serait très grave et très négatif pour les relations russo-américaines".

  • Par: Sabine Verhest