L’économie américaine a mieux traversé la crise que l’Europe

  • Par :Laurent Lambrecht

Mais la médaille a un revers : la forte montée des inégalités des revenus qui a frappé le pays.

Lorsque Barack Obama a hérité des clefs de la Maison-Blanche, en janvier 2009, la situation économique était loin d’être idéale. Quelques mois plus tôt, la banque d’affaires Lehman Brothers tombait en faillite, aggravant la crise financière qui avait débuté, à l’été 2007, avec la crise des "subprimes".

Huit ans plus tard, quelques statistiques montrent que les Etats-Unis ont nettement mieux traversé la crise économique que les pays de la zone euro. Ainsi, le PIB américain est aujourd’hui supérieur de 11,5 % à son niveau d’avant-crise, alors que celui de la zone euro n’a progressé que de 1,5 %.

Depuis le plus bas atteint en 2010, les Etats-Unis ont créé 15 millions d’emplois, tandis que la zone euro n’en a créé que 4 millions. Et le taux de chômage américain est aujourd’hui tombé à 5 %, tandis que celui de la zone euro dépasse les 10 %.

Mais il s’agit du côté le plus positif des statistiques américaines - d’autres chiffres sont beaucoup plus préoccupants. Ainsi, bon nombre d’Américains sans travail ne sont pas repris dans les statistiques du chômage. Il ne sert en effet à rien d’être inscrit au chômage lorsque l’on n’a plus droit aux allocations…

L’importance de ce phénomène se reflète dans une statistique : le taux de participation au marché du travail. Si le chômage américain a reculé à 5 %, le taux de participation au travail n’a quasiment pas remonté depuis l’éclatement de la crise. Dans la zone euro, il est revenu à son niveau d’avant-crise, même s’il reste inférieur au taux américain.

En outre, les inégalités de revenus se sont fortement creusées aux Etats-Unis. L’Economic Policy Institute a calculé que 1 % des ménages américains les plus riches ont capté, à eux seuls, 85 % de la hausse des revenus intervenue entre 2009 et 2013.

Quelques éléments expliquent néanmoins pourquoi l’économie américaine s’est plus rapidement remise de la crise de 2008. Philippe Ledent, senior economist chez ING Belgique, en met trois en évidence.

1. Une moins grande dépendance vis-à-vis des banques. "Aux Etats-Unis, 75 % du financement des entreprises vient des marchés financiers, contre à peine 25 % des prêts bancaires", explique Philippe Ledent. "En Europe, c’est l’inverse : 75 % du financement des entreprises provient des banques, contre à peine 25 % des marchés financiers. Comme la crise de 2008 était avant tout une crise bancaire, les entreprises européennes ont souffert plus longtemps que leurs homologues américaines d’un accès compliqué au financement." Et cela d’autant plus que l’assainissement du secteur bancaire européen a mis plusieurs années pour se concrétiser. On voit d’ailleurs qu’une banque comme la Deutsche Bank fait toujours face à de gros soucis. "Les marchés financiers rebondissaient déjà en avril 2009", rappelle Philippe Ledent. "Pendant ce temps-là, les dirigeants européens entamaient seulement le travail de réforme du secteur bancaire."L’économiste ne conclut pas pour autant que le système américain est meilleur. En effet, si les marchés financiers sont plus importants aux Etats-Unis, c’est parce que les petits épargnants privilégient davantage les actions que le bon vieux compte d’épargne. Quand la Bourse dévisse, ils sont donc fortement pénalisés, ce qui diminue leur consommation et accélère la récession économique.

2. Une économie plus flexible. Si la récession a été brutale, la reprise a aussi été plus soutenue aux USA. "En raison du faible niveau de protection sociale, l’économie américaine s’est vite rééquilibrée. Huit millions d’emplois ont été détruits durant la crise", explique Philippe Ledent. "Le désendettement des ménages a été plus rapide, ce qui a permis une reprise plus forte de la consommation par la suite."

3. Une Banque centrale plus agressive. "Dès 2008, la Réserve fédérale américaine (Fed) a lancé son premier assouplissement quantitatif pour relancer l’économie locale, rappelle Philippe Ledent. De son côté, la Banque centrale européenne a attendu jusqu’en 2015". Il y eut aussi l’épisode controversé de 2011, quand l’ancien président de la Banque centrale européenne a remonté ses taux en pleine crise des dettes publiques européennes. "Cela n’a certainement pas aidé", précise Philippe Ledent.


  • Par :Laurent Lambrecht