Train Liège-Maastricht

Par Isabelle Lemaire

Curieux manèges dans le train de l'enfer

Le train qui va à Maastricht ? Le train de l'enfer. Quand je travaillais à Maastricht (comprendre dealer de l' héroïne pour couvrir sa propre consommation, NdlR), les gens ne descendaient même plus du train. Ils nous achetaient à bord puis ils faisaient demi-tour." Ce toxicomane liégeois, comme tant d'autres, a été un usager de la ligne 40, qui relie Liège à Maastricht en une demi-heure. Un train par heure qui fait l'aller-retour toute la journée.

Si à bord on trouve des touristes, des Liégeois qui vont profiter d'une journée de shopping ou de balade dans cette jolie ville néerlandaise traversée par la Meuse et distante de 30 km, le gros des passagers était tout de même composé de toxicomanes en quête de quelques grammes de drogue dure, achetés à moindre coût aux abords de la gare. Etait car il semble que le narco-tourisme soit devenu moins fréquent ces dernières années.

Dans les wagons, on pouvait assister à de curieux manèges : des toxicomanes faisant de fréquentes et fébriles visites aux toilettes, où ils avaient vraisemblablement planqué leur drogue. Certains y consommaient aussi leur produit, avant de revenir s'effondrer sur leur siège. A la sortie du train, à la gare de Liège Guillemins, les regards se faisaient inquiets. C'est que des policiers, et parfois la brigade canine, pouvaient se trouver sur le quai ou au pied de l'escalier menant au hall. Et là, peu de chances de passer entre les gouttes. La confiscation du produit était assurée, l'arrestation probable.

La révolte des accompagnateurs

Pour les accompagnateurs SNCB de la ligne 40, le travail n'était pas de tout repos. Fin 2011, excédés par un quotidien fait d’un sentiment d’insécurité, d’agressions verbales et physiques, de nuisances, causés principalement par des toxicomanes allant s’approvisionner à Maastricht, ils avaient remis au procureur du Roi de Liège une lettre détaillant leur ras-le-bol.

Mon record personnel : 36 PV dressés sur quatre aller et retours dont quatre délivrés à une même personne sur l’après-midi !

Ils soulignaient également un nombre extrêmement élevé de fraudes au titre de transport (12 000 PV dressés en 2010 sur cette ligne !) et le peu de suivi de la justice en la matière. "Une dizaine de constats de fraude sur une journée, c’est la norme. Mon record personnel : 36 PV dressés sur quatre aller et retours dont quatre délivrés à une même personne sur l’après-midi ! Entre nous, on a baptisé la carte d’identité de certains voyageurs le "Vas-y Pass". Beaucoup de ces fraudeurs sont en effet insolvables. Ils savent donc qu’ils ne risquent pas de devoir payer leurs amendes", nous révélait à l'époque une accompagnatrice.

Drastiques mesures de sécurisation

Sur demande des syndicats, la SNCB a mis en place, dès novembre 2012, des mesures de sécurisation de la ligne rarement vues sur le réseau ferroviaire belge. "Nous avons obtenu un renfort policier. Une fois par mois et à date non fixe, une équipe de policiers fédéraux, d’agents de Securail et de la brigade spéciale de contrôle (dépendants de la SNCB, NdlR) contrôle les voyageurs à quai, de 6h à 22h, côté belge et hollandais. Ces jours-là, on sait qu’on sera tranquille. Mais les problèmes reprennent très vite", expliquait alors l'accompagnatrice. La surveillance des passagers est désormais très étroite. Lors de ces opérations spéciales, tout passager souhaitant embarquer dans un train de la ligne 40 doit présenter une pièce d’identité et son titre de transport.

Selon la SNCB, ces mesures ont fait chuter le nombre d'agressions sur les accompagnateurs. "La ligne 40 ne figure plus dans le top 10 des lignes à problèmes", affirmait, en 2013, la porte-parole de la SNCB. Aujourd'hui, difficile d'en savoir plus, et notamment sur le nombre de fraudes au titre de transport constatées. La SNCB indique qu'elle "ne communique plus depuis des années sur ce type de statistiques". Le porte-parole actuel se refuse à faire le lien entre toxicomanes et fraudeurs. Il déclare ne plus entendre parler de problèmes particuliers, grâce aux mesures de sécurisation renforcées autour de la ligne Liège-Maastricht.







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