Le Parlement européen hésite encore à s’affirmer

par Olivier le Bussy

Depuis 1979, et l’élection de ses membres au suffrage universel, le Parlement européen joue des coudes pour trouver sa place dans le triangle institutionnel. Bien qu’il soit co-législateur, avec le Conseil (qui rassemble les Etats membres), dans la majorité des politiques européennes, “la Commission et les Etats membres ont tendance à tenir le Parlement à l’écart en certains cas. Le Parlement européen se retrouve un peu dans le rôle de celui qui tient la chandelle”, constate Olivier Costa, directeur d’études au Collège d’Europe à Bruges. Pour prendre deux exemples, sur les dossiers grecs et de la crise migratoire, les eurodéputés sont cantonnés au balcon et réduits à tenir un rôle “tribunicien”.

Même s’il est sevré de textes législatifs en raison du souci de la Commission de “mieux (et surtout moins) légiférer”, l’actuel Parlement est par ailleurs peu enclin à mettre l’exécutif européen sous pression. D’abord parce qu’il a quasi-imposé aux Etats membres le processus de candidats des partis paneuropéens à la présidence de la Commission – dont Jean-Claude Juncker est sorti vainqueur. Le Grand-Ducal est en quelque sorte “le champion” du Parlement.

Ensuite, la Commission a été adoubée grâce au soutien de la “grande coalition” parlementaire formée par les deux grands groupes politiques : le Parti populaire européen (centre-droit et droite) et l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates. Comme “lot de consolation”, la gauche social-démocrate a obtenu la présidence du Parlement, l’Allemand Martin Schulz se réinstallant au perchoir – où il aimerait demeurer jusqu’à la fin de la législature, même s’il est censé céder le siège à la PPE à mi-mandat.



La crainte d’aller au bout


Ce soutien de la “grande coalition” peut s’apparenter parfois à une sorte de pacte de non-agression entre les deux institutions. “Au Parlement européen, les députés favorables à plus d’intégration sont assis entre deux chaises. Ils voudraient que la Commission en fasse plus, mais ils hésitent à la bousculer”, constate Olivier Costa. Pour le coprésident des Verts au Parlement européen, Philippe Lamberts, l’alliance PPE-S&D fait surtout office d’éteignoir et diminue le pouvoir du Parlement européen : “Les socialistes se sont fait avoir. C’est le Parti populaire européen qui fixe l’agenda. Pour Juncker, c’est bien commode d’avoir Schulz à la présidence du Parlement. Il va dans le sens de la Commission et cherche à déminer tout ce qui pourrait la gêner. Il a notamment fait en sorte que le projet de commission d’enquête Luxleaks se mue en simple commission spéciale (avec moins de pouvoir, NdlR)”.

Olivier Costa note encore "l'obsession du Parlement européen d'être considéré comme un partenaire crédible par les autres institutions". Cela le pousse, notamment, à entrer "dans une logique assez bureaucratique", qui s'incarne, notamment dans la "techinicité" des amendements déposés et dans le processus des "accords précoces" et des “trilogues” – avec la Commission et la présidence du Conseil – , ces conciliabules qui servent à dénouer des dossiers sur lesquels eurodéputés et Etats membres sont en désaccord. “Les textes des accords sont alors ficelés par un petit nombre d'acteurs, lors de réunions discrètes et peu politiques", ce qui a pour effet d'escamoter l'intérêt du débat en séance plénière sur tel ou tel sujet. "Peut-être serait-ce de la responsabilité du Parlement européen de créer un rapport de force plus perceptible, d'agir dans un registre plus politique”, avance Olivier Costa.




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