Schengen prend l’eau de toutes parts

par Gilles Toussaint

Plus que des coups de canif, ce sont véritablement des coups de hache qui ont été portés à l’espace Schengen au cours de ces derniers mois. Incapables de répondre solidairement à l’afflux de réfugiés que le conflit syrien pousse à chercher des cieux plus cléments, les Etats membres ont sérieusement mis à mal le principe de libre circulation des personnes en restaurant, souvent unilatéralement, des contrôles à leurs frontières nationales. Pour justifier ces décisions, les uns et les autres s’accusent plus ou moins diplomatiquement de se "refiler" ces exilés dont ils ne veulent pas - ou plus. Mais surtout, tous en rejettent la faute sur la Grèce, accusée de ne pas assurer l’étanchéité de sa frontière extérieure - et donc celle de l’UE - en mer Egée.



Le retour des murs


L’Allemagne, qui a tenté de montrer l’exemple en optant pour une politique d’accueil généreuse, s’est retrouvée débordée par les arrivées de demandeurs d’asile. Mi-septembre 2015, elle s’est donc résolue à rétablir temporairement ces contrôles, après avoir informé la Commission européenne. Une décision qui a provoqué un effet domino.

L’Autriche, la Slovaquie et la République tchèque ont suivi le mouvement, tandis que les Pays-Bas décidaient de multiplier les inspections aléatoires. Au passage, Vienne a fait savoir qu’elle allait implanter une clôture le long de sa frontière avec la Slovénie. Une première dans l’espace Schengen. Quelques semaines plus tard, la Suède décidait à son tour de réinstaurer des contrôles sur l’ensemble de ses frontières, entraînant là encore une réaction similaire de ses voisins danois et norvégien.

La France fera de même dans la foulée des attentats de novembre et en raison de l’organisation du sommet sur le climat de Paris; tout comme la Belgique, à la mi-février de cette année, arguant du risque de voir des migrants tenter de rejoindre la Côte, à la suite du "nettoyage" partiel de la jungle de Calais par les autorités françaises.



La Grèce isolée


Cette mesure, autorisée en cas de situation exceptionnelle, devait durer deux mois. Prolongée une première fois de six mois, elle a fait l’objet, début mai, d’une nouvelle prolongation d’un semestre pour l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norvège.

Face aux velléités de certaines capitales d’exclure la Grèce de l’espace Schengen, la Commission européenne a estimé plus prudent d’activer un mécanisme qui permet de reconduire cette autorisation pour une durée maximale de deux ans, le temps de s’assurer qu’Athènes met bien en œuvre toutes les mesures nécessaires pour maîtriser les flux migratoires.

Après la fermeture de la route des Balkans, initiée par la décision de la Hongrie de clôturer sa frontière avec la Serbie puis la Croatie, plusieurs dizaines de milliers de réfugiés se sont retrouvés bloqués en Grèce, laissant craindre des mouvements secondaires pour tenter de rejoindre d’autres Etats membres. Car si l’accord migratoire passé avec la Turquie a permis de réduire considérablement le nombre d’arrivants, il est probable que de nouvelles voies de passage voient le jour. La pérennité de ce deal est en outre très incertaine vu la dégradation des relations entre l’Union et le président turc.

L’Autriche envisageait d’ailleurs récemment de lancer préventivement la construction d’une barrière anti-migrants au col du Brenner, à la frontière italienne. Sait-on jamais…

Pour tenter de rebâtir la confiance, l’exécutif européen a pris l’initiative de lancer la mise sur pied d’un corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes qui sera chargé de protéger les frontières extérieures de l’Europe. Il pourrait voir le jour au début de cet été.






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