Des pistes pour redonner envie d'Europe

L’approfondissement, c’est maintenant


C’est quand qu’on va où ? Et avec qui ? La “renégociation” du contrat d’adhésion britannique à l’Union européenne lors du sommet de février dernier a ouvert le débat sur le principe, fondateur “d’union toujours plus étroite”. Londres insiste sur le fait que le degré d’appartenance à l’Union peut être différencié – ce qu’il est déjà entre pays qui sont, ou non, membres de la zone euro et/ou de l’espace Schengen.

Le référendum britannique, quelle qu’en soit l’issue, devrait ouvrir une fenêtre d’opportunité pour clarifier les choses. A charge des Etats membres qui le veulent de relancer le processus d’intégration moribond. Ils pourraient se regrouper autour d’un noyau dur composé des pays la zone euro. En principe : car d’aucuns seraient d’avis de laisser les pays du sud de côté, tandis que certains pays d’Europe centrale et orientale, comme la Slovaquie, ne sont pas nécessairement demandeurs de plus d’intégration.

“Le noyau dur doit comprendre les deux, trois grandes économies”

“Le noyau dur doit comprendre les deux, trois grandes économies”, commente Charles de Marcilly, de la fondation Robert Schuman, “mais l’échéancier du rapport du président (de la Commission) Juncker (sur l’approfondissement de l’UEM, NdlR) tient compte des calendriers électoraux en France et en Allemagne. Peut-être d’autres pays doivent-ils prendre l’initiative”.

Autour de ce noyau dur serait “un second cercle uni à l’Europe. On aurait un marché commun, on partagerait un certain nombre de principes communs. Et puis, il y aurait un troisième cercle, nos voisinages, comme les Balkans, qui garderaient une perspective d’entrée dans l’Europe, plus réaliste puisqu’ils entreraient d’abord dans ce deuxième noyau”, avance Jacques Rupnik, professeur à Sciences-Po Paris.



Une vraie solidarité


En quoi pourrait consister ce saut vers plus d’intégration? D’abord par une politique de convergence économique plus poussée des pays de l’UEM, placée sous le “patronage” d’un ministre des Finances de la zone euro (vice-président de la Commission). Il faut encore compléter l’Union bancaire et l’Union des capitaux.

“On ne récupérera pas l’électeur sans justice fiscale et sociale”

Mais cela ne suffira pas si l’élément de solidarité est absent du projet. Entre Etats, cette solidarité doit prendre la forme d’un “budget de la zone euro” – idéalement financé par des ressources propres – destiné à absorber les chocs économiques subis par certains Etats membres. “Il ne faut pas traîner”, prévient M. de Marcilly, “parce que si un pays plus important devait se trouver en difficulté, on ne pourrait pas refaire ce qu’on a fait pour la Grèce”. A moyen terme, il faudrait convaincre les pays réticents d’accepter une mutualisation, du moins partielle, des dettes publiques des pays de l’eurozone. “On ne récupérera pas l’électeur sans justice fiscale et sociale”, ajoute Pierre Defraigne, président de la Fondation Madariaga-Collège d’Europe. Aussi, les objectifs sociaux devraient être considérés avec autant d’attention que le respect du pacte de stabilité. Une harmonisation fiscale partielle doit mettre un terme à la concurrence acharnée à laquelle se livrent les Etats membres.

Enfin, pour combler les hiatus démocratiques et renforcer l’efficacité des décisions prises, l’intégration doit également être politique. Les décideurs de la zone euro devraient être comptables d’un “Parlement de la zone euro” et/ou d’une chambre rassemblant des députés nationaux de pays de l’UEM, qui aurait son mot à dire sur le budget.

A l’échelon de l’UE, les fonctions de président de la Commission et du Conseil européen doivent être fusionnées, pour créer celle de président de l’Union, qui tiendrait son mandat des électeurs (via des listes partiellement transnationales lors des européennes).

Certaines choses peuvent s’effectuer à traité constant, d’autres nécessitent de prendre le risque de rouvrir le couvercle de la boîte de Pandore institutionnelle. Pour intellectuellement séduisante qu’elle puisse paraître, la voie du fédéralisme européen, chère au Belge Verhofstadt, est politiquement impraticable.



Plus d’intégration, mais pourquoi ?



Mais même un objectif d’intégration plus réaliste réclame une volonté politique… que l’on ne perçoit guère, au-delà des slogans. “Est-on certain qu’il y a un groupe de pays prêts à créer quelque chose d’une nature qualitative différente de ce qu’est l’UE ? Je me demande si même les six pays fondateurs sont sur une même ligne”, s’interroge Janis Emmanouilidis de l’European policy centre. “Aller plus loin dans l’intégration est à la fois une nécessité pour la survie du projet européen et en même temps une impossibilité vu l’état des opinions publiques. C’est la définition de la tragédie”, glisse Jacques Rupnik.

“Est-on certain qu’il y a un groupe de pays prêts à créer quelque chose d’une nature qualitative différente de ce qu’est l’UE ? Je me demande si même les six pays fondateurs sont sur une même ligne”

Pour Pierre Defraigne, l’argument fondamental en faveur de plus d’intégration est moins économique que géopolitique : “Le mal radical de l’Europe, c’est d’abord avoir été conduite sur le marché. Si on avait commencé par la Défense, on n’en serait pas là. Si personne ne dit que la mission de l’Europe c’est d’empêcher la rebipolarisation du monde, dominé par les Etats-Unis et la Chine, et de favoriser un monde multipolaire fondé sur le droit, il n’y aura pas d’enjeu pour la renforcer.”



L’équipe


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Journaliste à La Libre Belgique


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Journaliste à La Libre Belgique


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