Des toilettes pour les bidonvilles

Nom: Priya Dutt
Profession: Députée
Affiliation: Parti du Congrès national indien
Circonscription: Mumbai Centre Nord
Age: 47 ans

Ses parents, Sunil Dutt et Nargis, sont tombés amoureux sur le plateau de « Mother India », dont ils étaient les vedettes. Ce film culte de Bollywood racontait les difficultés pour une femme seule d’élever ses deux fils dans l’Inde rurale des années 50. Un demi siècle plus tard, leur fille, Priya Dutt, est l’une des rares députées de la Lok Sabha, la chambre basse du parlement indien. Le 24 avril, elle remettait en jeu son titre dans sa circonscription du centre nord de Mumbai, sous les couleurs du Congrès national indien, présidé par Sonia Gandhi. « Des toilettes », répond-t-elle tout de go à la question des préoccupations de ses administrés, dans un quartier défavorisé de Bandra West. « Ma circonscription englobe aussi bien des zones très aisées que des bidonvilles. A certains endroits, dans les poches de population les plus pauvres et les plus denses, 2000 personnes se partagent seulement 10 toilettes.

Nous devons constamment les remettre en état. C’est un problème qui affecte surtout les femmes et les jeunes filles», précise-t-elle, lors d’un tête à tête dans son imposant 4x4 climatisé, entre deux meetings politiques. « Voilà le problème », explique un de ses supporters, pointant du doigt un bloc sanitaire en piteux état, équipé de trois WC à la turque. Autant dire que dans ces conditions, les besoins se font la plupart du temps en plein air, dans les caniveaux, les terrains vague ou en bordure de mer.


Priya Dutt est l’une des 58 femmes siégeant actuellement à la Lok Sabha, sur 552 membres. Comment explique-t-elle cette faible représentation des femmes, juste au dessus de 10%, au sein de l’organe législatif, alors que la moitié de l’électorat est féminin? Le problème, selon elle, serait le manque de volontaires. Cette année, les candidates sont toujours peu nombreuses  sur les listes électorales: 133 sur 1250 nominations au sein des trois principaux partis. « L’Inde est un pays très centré sur la famille, qui passe avant tout. La femme indienne est vue principalement comme une mère au foyer, une mère nourricière. Il est donc très difficile pour celle-ci de se lancer en politique, qui est une activité à plein temps », explique cette femme de 47 ans, mère de deux fils, issue d’un milieu privilégié. Elle avoue être entrée en politique par la force des choses. « Pour une femme, il existe la peur de ne pas y arriver. Est-ce que je consacrerai assez de temps à ma famille, à mes enfants ? C’était ma hantise quand je me suis lancée en politique en 2005. Je n’avais jamais imaginé le faire. Quand mon père, Sunil Dutt, acteur puis homme politique admiré, est décédé, et je me suis présentée à sa place, pour une élection qui avait lieu six mois plus tard. J’étais enceinte de mon premier fils. J’ai accouché et cinq jours après, je faisais campagne. C’était difficile car la politique en Inde a toujours été un monde très masculin et paternaliste ».

Les électeurs de Mumbai Nord-Centre avaient le choix entre deux femmes candidates, Priya Dutt et Poonam Mahajan, représentante du parti d’opposition Bharatiya Janata Party (BJP). Le signe sans doute de l’attitude très progressiste de la capitale du sud de l’Inde à l’égard de la gente féminine. Contrairement au nord du pays, les résidentes de Mumbai jouissent d’une grande liberté de mouvement, d’expression et de choix vestimentaire. « Notre pays est très contrasté. Vous passez d’un Etat à un autre, et les gens, leur langue, leur façon de penser sont différents. C’est ce qui rend ce pays difficile à gouverner», regrette l'élue.

Après dix ans au pouvoir, le Congrès national indien, grand parti historique à l’origine de la lutte pour l’indépendance, est à bout de souffle. Face à la corruption et à l’inflation, son programme socialiste ne séduit plus. La popularité de Priya Dutt, largement élue en 2005 et 2010, est menacée, alors que les habitants de Bandra West attendent toujours de meilleures conditions d’hygiène.