Les femmes, la plus large "minorité" de l'Inde


« Les femmes portent la moitié du ciel » dit un proverbe chinois. C’est d’autant plus vrai en Inde. Filles, épouses puis mères, responsables de l’éducation des enfants et du foyer, nombreuses sont aussi celles qui travaillent pour ramener un salaire à la maison. Même garrotées dans une société patriarcale, les Indiennes sont une force majeure pour l’avenir du pays.

La constitution indienne garantit l’égalité entre hommes et femmes (Article 14) et l’absence de discrimination sur la base du sexe, religion, caste ou race (Article 15-1). Son préambule affirme « l’égalité de statut et d’opportunité » pour tous les citoyens.

UN EVEIL POLITIQUE

D’Indira Gandhi, ancienne Première ministre à Pratibha Patil, première présidente du pays de 2007 à 2012, en passant par Sonia Gandhi, chef de file du Congrès, le parti majoritaire indien, les Indiennes accèdent aux plus hauts postes de l’Etat.

Indira Gandhi, première ministre de l'Inde de 1966 à 1977 et de 1980 jusqu'à son assassinat en 1984.

Cependant, ces femmes font figure d’exception. Même si elles ont le droit de vote depuis 1950, les Indiennes sont peu représentées dans les organes du pouvoir: elles occupent moins de 8% des sièges au parlement, moins de 6% des postes ministériels, moins de 4% des postes de juges.

Alors que les femmes composent 49% de l’électorat, elles sont souvent considérées comme un groupe électoral passif qui intéresse peu les partis politiques. Les législatives de 2014 pourraient changer la donne. Le viol en réunion d’une jeune étudiante en décembre 2012 à New Delhi a soulevé un débat national sur la condition féminine en Inde et une prise de conscience qui pourrait se traduire aux urnes.

Femmes dans la population active : 29% (World Bank, 2012)

Espérance de vie : 68,7 ans (contre 66,33 chez les hommes)

UN SEX-RATIO ALARMANT

Le recensement de 2011 comptait 940 Indiennes pour 1 000 Indiens.

A l’origine de cette disparité, on trouve les avortements sélectifs, le manque d’accès aux soins, une moins bonne alimentation chez les filles que chez les garçons, et les violences à l’encontre des femmes.

Selon les économistes Siwan Anderson et Debraj Ray, plus de 2 millions de femmes “disparaissent” en Inde chaque année de causes qui pourraient être évitées : 12% à la naissance, 25% pendant l’enfance, 18% pendant les années de fécondité et 45% à un âge plus avancé.

Chaque année, 100 000 femmes meurent d’« accidents » liés au feu. L’immolation, souvent provoquée par la famille ou la belle-famille de la victime à la suite de disputes liées à la dot, est la première cause de décès chez les jeunes indiennes.

LE MARIAGE ARRANGÉ RESTE LA NORME

Moins de 5% des femmes choisissent un époux sans l’avis des membres de la famille.

Age moyen du mariage: parmi la population âgée de plus de 25 ans, 48% des femmes ont été mariées avant 18 ans. Seulement 18% d’entre elles connaissaient leurs époux avant les noces.

Montant moyen déboursé pour un mariage : 10 000 euros de la part de la famille du marié et 16 000 euros de la part de la famille de la mariée. A cela s’ajoute la dot, d’une valeur moyenne de 4000 euros, sous la forme de biens matériels comme une télévision, un frigo ou une voiture, ainsi qu’une somme en argent liquide, offert par la famille de la mariée à celle de son époux. Le montant déboursé varie du tout au tout en fonction des milieux économiques et peut atteindre le million d’euros dans les classes les plus aisées.

La dot est interdite en Inde depuis 1961. Pourtant, la pratique existe toujours et pèse lourdement sur la famille de la mariée.

L’émergence d’une importante classe moyenne fait s’envoler les codes anciens.


Dans India in love, la jeune auteure indienne Ira Trivedi décrit l’Inde en pleine révolution : une révolution sociale, une révolution amoureuse et une révolution sexuelle. Selon elle, les relations entre hommes et femmes en Inde ont évolué davantage ces dix dernières années qu’au cours des 10 000 ans précédents.

Le taux de divorce est toujours faible, de 10%, mais correspond à une augmentation de 400% au cours des 10 dernières années.

*The India Human Development Survey (IHDS), 2014



LE VIOL, L’ARME DE LA PEUR

Selon les chiffres officiels du National Crime Records Bureau (NCRB), une femme est violée en Inde toutes les 20 minutes. La capitale Delhi bat le record de l’insécurité avec 17% des viols dans le pays. Dans 94% des cas, la victime connaissait ses agresseurs. Dans certains crimes d’honneur, la propre famille de la victime est complice du crime.

Suite au viol collectif puis au décès d’une jeune étudiante à Delhi en décembre 2012, le parlement indien a durcit la loi condamnant les violences sexuelles. Le viol collectif est désormais passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins 20 ans, pouvant aller jusqu'à la condamnation à mort si la victime meurt ou se retrouve dans un "état végétatif".

Les filatures, les attouchements, les attaques à l'acide et le voyeurisme sont désormais considérés comme des affaires à caractère sexuel et punissables comme tel.

Le 4 avril 2014, trois Indiens ont été condamnés à la pendaison pour deux agressions sexuelles commises en juillet et août 2013 à Mumbai.

Amnesty International, tout en se félicitant de certaines avancées dans la prise en compte des crimes à caractère sexuel en Inde, dénonce l’absence de consultation publique et l’usage de la peine capitale.

« La nouvelle loi est loin de répondre pleinement à l’ampleur des violences sexuelles que subissent quotidiennement les femmes dans notre pays. Il est regrettable que des consultations avec le public et la société civile n’aient pas eu lieu, et que les parlementaires n’aient pas suffisamment étudié les diverses lacunes de cette loi. Le Parlement avait l’occasion de changer radicalement le traitement des femmes dans la législation indienne, mais n’a pas su l’exploiter totalement» 
G. Ananthapad-manabhan, directeur de la section indienne d’Amnesty International.

En savoir plus, cliquez ici