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Christophe

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Allez en prison » : une case du Monopoly pour beaucoup, une vieille routine pour Christophe. Les non-respects de conditions, c’était son filon. Il ne s’en vante pas, loin de là. Mais à 47 ans, ce Carolo peut raconter ses épreuves et ses regrets avec recul et autodérision.

Bouille joviale, sourire timide, le bonhomme a presque toujours vécu avec sa mère et ses deux grands-parents. Lors de son 17e anniversaire, dans une synchronisation presque parfaite, les dépressions ont débarqué et ses amis ont foutu le camp.


Peu de temps après, la boisson a également gâté son quotidien. Son service militaire terminé, le jeune adulte est reconnu handicapé et travaille en tant qu’ouvrier polyvalent dans une entreprise de travail adapté (ETA). « On confectionnait des trucs pour L’Oréal. On réétiquetait les bombes de laque avant de les mettre en carton, sur palette, puis dans le camion », rembobine-t-il en versant un café noir dans une des tasses de son appartement ultra-minimaliste.



Les non-respects de conditions, c’était son filon. Il ne s’en vante pas, loin de là.

Au début des années 2000, Christophe est condamné pour coups et blessures. Etant sous les effets de ses médicaments, il est interné à l’annexe, une aile spécifique de la prison de Charleroi. « On avait tous des problèmes différents mais on vivait à vingt dans une grande pièce, puis on dormait dans une même chambrée. C’était
terrible »
, insiste-t-il comme pour fustiger tout ce que ce souvenir porte d’inhumain. Nonante jours plus tard, sac à la main, il se retrouve au pied du mur extérieur de la prison avec des règles à respecter, dont l’interdiction de boire de l’alcool jusqu’à la fin de ses jours. « Je vais fuguer et reboire, témoigne-t-il sans fard. Je me suis rarement rendu dans les centres où mes conditions m’imposaient d’aller. » Durant près de vingt ans, l’homme fait fi des conditions qui lui sont imposées par la justice et alterne les nuits dehors ou derrière les barreaux, peu préoccupé par son propre sort. Pourquoi carapater sans cesse ? Son grand-père est décédé en 2001, sa mère en 2009. À partir de 2012, sa grand-mère vit dans un home. Alors que lui reste-t-il ? Ni un logement ni la peur de peiner qui que ce soit. « Un jour, on m’a remis en prison pour avoir bu une bière sur un banc, assure-t-il. Mais la plupart du temps, je me rendais de moi-même à la police. J’étais persuadé qu’un jour j’allais changer. »





Alors que les matons sont plus ou moins devenus ses amis, Christophe parvient à réprimer ses envies de fugue à répétition. Terminé de pousser le temps à l’épaule, il veut quitter la prison pour de bon. Avec l’assistante sociale et le chef psychiatre, ils montent un projet pour être admis au Petit Bourgogne, un hôpital liégeois où il se rend lors d’une sortie autorisée. « Le médecin m’a expliqué que je n’avais rien à faire chez eux ni en prison, car aujourd’hui on n’était plus enfermé pour les faits qui me sont reprochés. Il m’a refusé et orienté vers une collègue qui m’a parlé de Lierneux. »

L’asbl Fagnes-ardenne, dont l’IHP de Lierneux fait partie, s’est engagée à encadrer un maximum de quatre trajets de soins de personnes internées (TSI) : des procédures qui visent à faciliter la sortie de détenus des annexes psychiatriques des prisons.

Des personnes avec un casier judiciaire peuvent donc candidater pour une place en habitation protégée et accéder à un projet de réinsertion sociale. Lors du dépôt de son dossier, Christophe rencontre Marie-Charlotte, l’assistante sociale de la structure, et Héloïse, l’agente de liaison qui accompagne ces âmes en quête d’un avenir loin des grilles pénitentiaires. Après trois mois à l’hôpital du village, il obtient une chambre sous le toit de la maison Albert. Un seul objectif : ne pas décamper.

Une fois dans cette maison protégée, la détermination, les perspectives et l’estime de soi réapparaissent. Et bingo, Christophe y trouve aussi l’amour. « Ma copine, c’est mon médicament. On se parle, on s’écoute, on se voit tous les jours. » Elle aussi a terminé son parcours à l’IHP dans l’appartement individuel, avant de louer un studio. Il espère suivre son exemple. « On s’occupe vraiment de moi ici donc trois ans plus tard, je suis encore là. Mais je sens que je vais mieux aujourd’hui, assure-t-il, assis dans son fauteuil favori, juste devant la fenêtre. J’ai envie de tourner la page, de laisser ma place à quelqu’un d’autre. » Emménager avec sa copine ? D’abord tout seul, une étape à la fois. « Je ne l’ai pas encore dit à Marie-Charlotte, confie Christophe, mais je souhaite retravailler à temps plein. Je ne risque rien dans un atelier protégé et, à 47 ans, j’ai encore quelques années devant moi. »





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