La lettre d’Ezequiel

Lierneux, le jeudi 26/11/2020




Point de vue personnel concernant les habitations protégées, demandé par Vincent de Lannoy




Je pense que les habitations protégées occupent bien le temps, et ce dans le cadre d'un retour à la vie normale. On y travaille des automatismes de survie pour nous rendre autonomes dans les tâches ménagères et ça c'est très important pour retrouver une sensation de débrouillardise très chouette.

Je sais bien que l'opinion publique à propos de la maladie mentale est très négative, car la Justice, bien souvent, vérifie avant d'envoyer les criminels en prison s’ils n'ont pas une maladie mentale qui expliquerait leurs crimes. Si maladie mentale il y a, ces criminels seront envoyés dans des centres psychiatriques au lieu de la prison, d'où l'amalgame entre criminel et malade mental. Par exemple moi, en tant que malade mental, je suis susceptible d'être considéré comme criminel du fait de ma maladie mentale, ou en tout cas d'être considéré comme dangereux et donc à éviter. C’est la stigmatisation de la maladie mentale. Pour déstigmatiser la maladie mentale, il faudrait que les criminels, c'est-à-dire les personnes qui font des crimes, n'aient pas comme seules issues l'hôpital ou la prison après leurs crimes, mais malheureusement ces deux issues se retrouvent liées et l'amalgame persiste. Donc je ne sais pas si c'est possible de déstigmatiser la maladie mentale tant que la Justice devra choisir entre hôpital psychiatrique et prison pour l’avenir des criminels. Le fait que ces deux choses soient mises ensemble fait que c'est mélangé par l'opinion publique.

Personnellement, je pense que les habitations protégées sont très utiles pour remettre les gens d'aplomb pour réapprendre à gérer convenablement un domicile et aussi à se remettre dans le bain pour tout ce qui est activité professionnelle. Je pense sincèrement que les habitations protégées contribuent grandement à réinsérer les gens socialement et professionnellement, et j'estime que j'ai beaucoup de chance de pouvoir me retrouver ici dans une habitation protégée. Il y a encore quelques années j'en avais peut-être entendu parler, mais je ne savais même pas ce que c'était et encore moins qu'un jour je m'y retrouverais et que j'y apprendrais autant.

Mon projet, c'est de vivre dans un appart et de travailler avec mon graduat (en comptabilité). Je vois que ce que j'apprends ici en habitation protégée est vraiment ce qu'il me faut pour être à la hauteur de mon projet. Tout ce que j'ai peur c'est que ma maladie ne me laisse pas y arriver, parce que la schizophrénie est une maladie très invalidante, mais j'ai déjà lu qu’avec un certain médicament je peux avoir une vie sociale et professionnelle satisfaisante donc je reste positif et je garde espoir.

Ça fait un peu plus d'un an et demi que je suis ici en habitation protégée et je pense que je vais y rester encore un an ou deux, le temps de franchir les étapes une à une. L'étape qu'il me reste, c'est de trouver un emploi via mon graduat, tout en ne négligeant pas les tâches ménagères à mon domicile. C'est une étape cruciale, car on va voir si je sais jongler avec les deux choses.

Je suis passé par la rue, car j'ai eu de l'anosognosie (incapacité pour un patient de reconnaître la maladie ou la perte de capacité fonctionnelle dont il est atteint, NdlR) pendant 18 ans, de l'an 2000 à l'an 2018. Je pense que j'ai bien de la chance que l'anosognosie ait disparu, car j'ai vu l'importance du traitement. Ça a changé ma vie, car c'est comme si ma tête s'était retrouvée sur mes épaules et que je pouvais enfin construire ma vie là où je l'avais laissée en l'an 2000, lorsque cette longue tempête a commencé. À l'époque, j'étais en plein graduat et je pensais à améliorer ma vie via un diplôme. Aujourd'hui je pense à améliorer ma vie via un appart et un travail avant que ne vienne l'âge de la pension où je ferai mieux de me reposer et où il sera trop tard pour travailler.




Ezequiel

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