Vendeurs et conseillers à la fois
Sophie Devillers
En France, en matière de pesticides, la mesure fait polémique, mais le gouvernement d’Edouard Philippe semble malgré tout déterminer à l’imposer : il exige une nette séparation entre les vendeurs de pesticides aux agriculteurs et ceux qui les conseillent, pour réduire l’utilisation de ces produits conventionnel. Le gouvernement français y voit un conflit d’intérêt, déjà évoqué par Ségolène Royal en 2017. “Comment voulez-vous inciter un agriculteur à moins traiter ses cultures si c’est vous-même qui vendez les pesticides ?”, s’interrogeait alors la ministre de l’Environnement.
Aujourd'hui, les agriculteurs reçoivent l'essentiel de leurs informations par l'intermédiaire des firmes, déplore le Pr Bruno Schiffers.
La Belgique ferait bien de suivre l’initiative française, estime le professeur Bruno Schiffers (Gembloux Agro-bio Tech). “Chez nous, on a supprimé le conseiller indépendant agricole qu’on avait pour chaque province et qui passait dans les fermes. C’était un fonctionnaire du ministère qui pouvait conseiller de manière indépendante et donner un avis objectif à l’agriculteur. Aujourd’hui, l’agriculteur reçoit l’essentiel de ses infos par les firmes. Et donc forcément, celles-ci ont un intérêt. Il ne faut pas se leurrer. C’est tellement gros qu’on ne le dit pas, mais c’est comme cela. Si elles vous disent que cela n’a pas d’influence, ce sont des menteuses. Dites-moi pourquoi les Français prennent cette mesure, alors ? Dans le plus grand marché phyto d’Europe...”
Passé du conventionnel au bio il y a six ans, l’agriculteur Robert Lisart ne dit pas autre chose : “Il y a un conseiller qui vient et dit : ‘Tiens, là dans ton champ, tu dois mettre ceci’”, raconte-t-il. Un problème, selon lui, car même si les agriculteurs ont leur libre-arbitre, ces conseillers jouent sur la peur, en lançant des avertissements du genre: “Si tu ne mets pas ça, tu n’auras rien comme récolte ou ta terre va être dégueulasse”.