Chapitre V


Myciculture

Pied court. Chapeau brun, voire fauve. Chaire épaisse et blanchâtre. Le bien nommé shiitaké exhale une odeur aromatique particulière, épicée.

Originaire d'Extrême-Orient – où il est exploité depuis deux millénaires - ce saprotrophe du shii (espèce absente des forêts européennes) est couramment cultivé dans la Chine de l'Est et au Japon.

Dans les forêts de l'île de Kyüshü, le shiitaké a jadis servi d'elixir de jouvence. Utilisé pour améliorer la pression sanguine, sous la dynastie Ming, il est désormais produit dans des proportions considérables : 850000 tonnes par an. Il s'agit du second champignon de culture le plus produit au monde, après les champignons de Paris.

Outre sa richesse en minéraux, en oligo-éléments et en vitamines, il contient pratiquement tous les acides aminés indispensables - dont une bonne partie (de 25 à 35%) sous forme « libre ». C'est pourquoi, il conserve aujourd'hui un double débouché : thérapeutique et culinaire.

Photo: Aurelie Moreau

Introduit en France, au milieu des années 80, le shiitaké préfère les substrats de paille et de sciure au marc de café ; l'écorce à l'aubier ; et l'aubier à la sciure du coeur. Cultivé dans les caves de Bruxelles, il pousse désormais sur des drèches de bière.

« Seuls 10% des ingrédients utilisés pour brasser une bière belge termine dans le verre », indique Thibault Fastenakels, responsable de la production pour « Le champignon de Bruxelles ». Rien que dans la capitale, des tonnes de matières organiques sont inexploitées. »

Avec l'aide d'un partenaire hollandais, l'équipe a donc développé son propre substrat à partir de résidus de brassage.


Le shiitaké bruxellois en image





Agronome de formation, ancien professeur de sciences, il rejoint « Le champignon de Bruxelles » après une première expérience dans la culture de pleurotes à Montréal.

Thibault
Thibault
« Après mes études en agronomie, j'ai fait des stages dans les énergies renouvelables, l'huile de palme, etc. Et je me suis dit : «  Tout ça pour ça ? ». J'aimais beaucoup l'Enseignement mais j'ai finalement retrouvé la foi et j'ai decidé de revenir en redonnant un peu de sens à tout ça. Je n'y connaissais pas grand-chose dans la culture de champignons en particulier mais j'ai organisé une semaine consacrée à l'agriculture urbaine quand j'étais à Montréal et j'ai rencontré deux nanas sympas qui bossaient sur un projet similaire et que j'ai aidées. »

A présent face à Thomas Lau, sur les hauteurs de Yuen Long, il visite la myciculture bio d'Auden. Ancien responsable marketing, Thomas a retroussé ses manches pour « améliorer la productivité de la ferme ». Devenu responsable de la production, il ne vend pas des shiitakés mais ... des champignons de Paris ! « Directement aux supermarchés ».





« Nous sommes des pionniers dans la culture de champignons bio à Hong Kong, insiste Thomas Lau. On a dû tout apprendre. Ca n’a pas toujours été évident mais on voit enfin le bout du tunnel. » Vendu 9 euros le kilo contre 2,5 euros le kilo de champignons importés de Chine, le pari « était loin d’être gagné ».

La myciculture, en effet, est particulièrement compliquée. A toutes les étapes de fabrication, les cultures peuvent être contaminées par des micro-organismes.

L’air, par exemple, est impregné de contaminants. A chaque mouvement, à chaque courant d’air, la masse d’air entre en mouvement. La température, l’hygrométrie (humidité de l’air), concentration de CO2, le brassage de l’air et sa vitesse de circulation, influencent la myciculture.

« Le problème, c’est que ces micro-organismes colonisent la culture, avant le mycélium, reprend Thomas Lau. Le fait de faire du bio complique les choses dans la mesure où on ne peut pas utiliser de produits pour régler ce problème mais on a remarqué que le sel permettait d’isoler la prolifération de ces micro-rganismes. »

Photo: Aurelie Moreau

Il y a quelques mois, le responsable a en effet découvert des « bubbles », dit-il. Soit des champignons parasitaires. « C’est un phénomène assez commun. On ne connait pas l’origine du problème mais on pouvait enlever 600 bubbles par jour parfois. A la main et un par un. Le phénomène n’a pas disparu mais il à est à présent sous contrôle. »

« Contrairement aux caves de Brxuelles, Hong Kong doit faire face à d’importantes variations de température, reprend Thibault Fastenakels. Thomas a dû mettre au point un véritable système de contrôle de l’air sur plusieurs niveaux, sur plusieurs mètres carrés et de façon homogène. »

Coût de l’opération : 2,5 millions de dollars hong kongais (HKD). Soit 300000 euros pour un bail de 10 ans (avec un préavis de deux ans). « C’est un problème que rencontrent tous les paysans », explique Thomas Lau.

Thomas Lau vend à présent l’ensemble de sa production, directement aux supermarchés. « Ca fonctionne très bien. Les Hong Kongais sont devenus tellement méfiants à l’égard des champignons en provenance de Chine que nous rencontrons un vrai succès. »

Un marché de l’emploi dynamique et flexible


A SAVOIR