UMI YORIMO MADA FUKAKU

  • Réalisateur: Hirokazu Koreeda
  • Acteurs:: Hiroshi Abe, Kirin Kiki, Yoko Maki,...
  • Origine:Japon
  • Genres: Drame
  • Année de production: 2016
  • Date de sortie: prochainement
  • Synopsis: Malgré un début de carrière d’écrivain prometteur, Ryota accumule les désillusions. Divorcé de Kyoko, il gaspille le peu d’argent que lui rapporte son travail de détective privé en jouant aux courses, jusqu’à ne plus pouvoir payer la pension alimentaire de son fils de 11 ans, Shingo. A présent, Ryota tente de regagner la confiance des siens et de se faire une place dans la vie de son fils. Cela semble bien mal parti jusqu’au jour où un typhon contraint toute la famille à passer une nuit ensemble…

La famille made in Kore-eda

Alain Lorfèvre

Entre le Festival de Cannes et Hirokazu Kore-eda, l'amour cinéphile remonte à 2004 et Nobody Knows. Le réalisateur japonais aime tellement la Croisette qu'il a trouvé le temps de boucler un film durant l'année écoulée, revenant un an tout juste après Notre petit soeur, non cette fois en compétition mais à Un Certain Regard.

Après la tempête ne déroge pas au statut du Kore-eda, le réalisateur de la famille - de Still Walking à Notre petite soeur, en passant par I Wish ou Tel père, tel fils. A chaque fois, une question de positionnement au sein la cellule se pose - comme devient-on soeur ? comment est-on père ? Cette fois, le point d'interrogation porte sur la place du père divorcé - vis-à-vis de son fils et de son ex-femme. Comme dans L'Economie du couple de Joachim Lafosse, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, le matériel pèse de son poids. Ryota, écrivain raté et fauché, vis d'expédients. Reconverti détective - traquant autant les maris volages que les chats perdus - il tente de doubler ses maigres revenus en jouant aux courses, dans l'espoir de gâter son fils et, peut-être, de reconquérir sa femme.

Mais chez Kore-eda, ce sont surtout les sentiments et l'humanité des personnages qui comptent. Ryota est confronté à l'apparent échec de sa vie suite à la mort de son père. Il revient dans le quartier de son enfance autant pour visiter sa mère que tenter de mettre la main sur quelque objet dont il pourrait tirer revenu. Le réalisateur a eu l'idée de ce film il y a plus de quinze ans. Elle est née suite à la mort de son propre père. Ce lien intime se retrouve jusque dans les décors du film, qui a été tourné dans le complexe immobilier où Hirokazu Kore-eda a grandi durant son adolescence.

Pour porter ce récit, une nouvelle délicat, profondément juste dans les ressorts intimes qu'il met en branle, le réalisateur s'appuie sur sa "famille" de comédien : Abe Hiroshi, avec lequel il collabore pour la quatrième fois, depuis Still Walking (2008), Maki Yoko, qu'il avait dirigée dans Tel père, tel fils (2013), sans oublier la doyenne Kiki Kilin, 73 ans, doyenne du cinéma japonais, dont c'est le cinquième film sous la direction du réalisateur. Il faut entendre cette dernière évoquer la possible réincarnation de son mari dans un papillon bleu qui l'a suivi peu de temps après sa mort. Le débit, les intonations, la gestuelle de la comédienne sont à cet instant pure merveille, alliance de son talent et du regard de son réalisateur. Pour des scènes comme celle-là, tout film de Kore-eda vaut le coup d'oeil.

Le point fort du film, c'est le basculement qui lui donne son titre, lorsqu'un typhon contraint toute la famille à se cloîtrer dans le même appartement. L'art subtil de l'observation du réalisateur se déploie alors pleinement, avec la "force tranquille" qui est la sienne. Après la tempête n'est peut-être pas son film le plus marquant, le plus émouvant. Mais il ne dénote pas dans une oeuvre décidément d'une rare cohérence et d'une tout aussi rare humanité. A cet instant, on rêverait d'être enfermé en pleine tempête avec une famille made in Kore-eda.