SIERANEVADA

  • Réalisateur: Cristi Puiu
  • Acteurs:: Mimi Branescu, Bogdan Dumitrache, Andi Vasluianu ,...
  • Origine: Roumanie
  • Genres: Drame
  • Année de production: 2016
  • Date de sortie: prochainement
  • Synopsis:De retour d'un voyage d'affaires à Paris, un neurologue rejoint sa femme pour un dîner organisé pour l'anniversaire de la mort du père de cette dernière. Sur place, tous les convives attendent le prêtre censé célébrer la cérémonie..

« Sieranevada » de Cristi Puiu joue avec l'estomac des spectateurs

Fernand Denis

Pas de film italien en compétition, pas de chinois non plus, ni de mexicain ou de japonais mais deux roumains. Soit cinq heures de cinéma. C'est qu'il prend son temps, il aime les plans séquence et l'authenticité qui s'en dégage. « Sieranera » en est un nouvel exemple.

Si ce titre restera un mystère opaque, les intentions du réalisateur Cristi Puiu sont évidentes : jouer avec les nerfs du spectateur ou plutôt avec son estomac, le tirailler jusqu'à ce qu'il demande grâce trois heures plus tard .

Lary et sa femme quitte Bucarest dans leur grosse BMW pour se rendre à un dîner de famille. L'ambiance est électrique car elle veut s'arrêter au Carrefour faire ses courses et lui refuse car ils sont déjà affreusement en retard. C'était pas la peine de se presser, le prêtre n'était pas encore arrivé pour bénir la table, les plats et le costume du papa défunt auquel le repas rend hommage comme le veut la tradition orthodoxe. La caméra se pose dans le hall, observe les va-et-vient – un vrai hall de gare -. De temps en temps, elle pousse son objectif dans une pièce pour écouter les conversations.

Il se passe toujours quelque chose qui empêche le repas d'avoir lieu, alors la faim justifie les potins. Dans la cuisine, une vieille voisine, ex-membre du parti, fait l'éloge du communisme. Dans la chambre, l'épouse du défunt console sans conviction sa sœur des infidélités de son mari. Dans le salon, les hommes parlent des récents attentats de Charlie hebdo, du 11 septembre, de la théorie du complot, de la peur comme méthode de gouvernement (sans toutefois évoquer Charles Michel). Ça parle dans les coins à mots masqués ou tranchants et un fil rouge finit par apparaître : faut-il croire la vérité officielle de l'Etat, des médias, de papa ? Est-ce l'héritage du communisme, mais les Roumains, semble-t-il, doute de tout , autant de la parole d'un politicien que celle d'un conjoint. Et puis échafauder des hypothèses est un beau sport de l'esprit.

Si Vladimir et Estragon attendent Godot ; ici mère, tante, enfants, neveux et même voisins attendent le borsch. Ça ne manque pas d'absurde, ni de longueurs mais c'est plus drôle. Cristi Puiu , dont on n'a pas oublié « La mort de Dante Lazarescu », manie cet humour roumain cinglant dans un huis-clos que la caméra empêche d'être théâtral.