MONEY MONSTER

  • Réalisateur: Jodie Foster
  • Acteurs:: George Clooney, Julia Roberts, Jack O'Connell,...
  • Origine: USA
  • Genres: Thriller
  • Année de production: 2016
  • Date de sortie: mai 2016
  • Synopsis:Lee Gates est une personnalité influente de la télévision et un gourou de la finance à Wall Street. Les choses se gâtent lorsque Kyle, un spectateur ayant perdu tout son argent en suivant les conseils de Gates, décide de le prendre en otage pendant son émission, devant des millions de téléspectateurs…

L'autre casse du siècle

Alain Lorfèvre

"Money Monster" est le nom du talk-show financier qu'anime Lee Barnes (George Clooney). Auto-proclamé expert de la sphère économique, Barnes est plus un bateleur qu'un journaliste. Son pouvoir, énorme, influe moins sur les marchés que sur les petits porteurs. Et c'est là que la mécanique du spectacle se grippe.

Au lendemain de l'évaporation de 800 millions de dollars des avoirs d'Ibis, une société de placement que Lee a défendu sur antenne, Kyle (Jack O'Connell), un petit épargnant qui a tout perdu, débarque en plein direct et prend Lee et son équipe en otages, menaçant de toute faire sauter s'il n'entre pas en contact avec Walt Camby (Dominic West), le patron d'Ibis - lequel est introuvable ce matin-là. La police bloque le périmètre, tandis que Patty (Julia Roberts), la réalisatrice de l'émission, tente, depuis la régie, de garder Kyle, Lee et la situation sous contrôle, tout en traquant Camby avec l'aide de Diane (Caitriona Balfe), la directrice de com' d'Ibis.

Le titre est approprié : on parle bien d'un monstre financier, une chimère fabriquée par des alchimistes de la finance et des apprenti sorciers de la communication. Les traders et spéculateurs de l'économie dématérialisée n'ont plus la cote. Des films comme "Margin Call" ou le récent "The Big Short" ("Le Casse du Siècle") sont revenus sur les origines de la crise de 2008. Ici, le ton est à la fiction, mais la réalité n'est pas loin. Quand Camby affirme n'avoir pas agi dans l'illégalité, mais qu'on l'interroge sur l'éthique de ses actes, on ne peut que penser aux arguties sémantiques qui ont suivi les révélations "Luxleaks" et "Panama Papers".

Jodie Foster mêne avec rythme et conte avec limpidité cette intrigue. Clooney est parfait en roi de l'infotaitment et de la poudre aux yeux. Mais c'est un roi aux pieds d'argile. Face à Kyle, son personnage succombe d'abord à la peur et à la panique. Avant de reprendre son rôle d'animateur, d'abord pour gagner du temps et sauver sa peau. Ensuite, lorsqu'il prend conscience qu'il a lui-même été instrumentalisé, pour découvrir le fin mot de l'histoire.

Face à des hommes écrasés par leur égo, leur cupidité ou trop prompts à réagir avec leurs tripes, les personnages féminins du film offrent des contre-points autrement dignes et responsables. La Patty incarnée par Julia Roberts est un modèle de sang-froid et de sagacité. Et Diane, de pure façade, évolue au cours du film vers un profil qui sauve son intégrité.

L'intérêt de "Money Monster" réside dans ce jeu de nuance autant que dans ses rebondissements. Mais aussi dans ses grilles de lecture multiples. Ce thriller, qui n'est pas dénué d'humour par instant, charge autant les baudruches spéculatives de Wall Street que le cirque médiatique actuel. Sont aussi égratignées au passage les méthodes expéditives des forces de l'ordre et l'opinion publique, si aisément manipulable et si rapidement amnésique - la fin est implacable à cet égard. On repense par instant à certains grands films sur les dérives des médias, comme "Le gouffre aux chimères" (1951) de Billy Wilder : le journaliste qui incarnait Kirk Douglas suivait une évolution similaire à celle que traverse Lee Barnes. Même si au final, tout restera business as usual...