La première scène de “L’Economie du couple” plante tous les éléments du contexte : Marie (Bérénice Bejo) et Boris (Cédric Kahn) ont rompu mais cohabitent encore, alternant les jours où chacun s’occupe de leurs deux petites filles. Cette situation inconfortable découle du manque de ressource de Boris. L’appartement luxueux dans lequel ils vivent est au nom de Marie, d’origine aisée. Pierre d’achoppement dans cette séparation : le montant que prétend récupérer Boris, et que Marie lui refuse. Cette “économie du couple” est celle-là même que l’on néglige – car elle importe peu – quand passion et désir sont là. Comment ensuite solder les comptes ? Pour Marie et Boris, comme pour bien d’autres, il n’y a pas de recette. Alors on se déchire, on se fait du chantage, on se provoque. Le cas échéant, on prend les enfants en otages.
Après deux films inspirés de faits réels (“A perdre la raison”, “Les Chevaliers blancs”), Joachim Lafosse revient au cinéma de ses débuts : le drame intime. Ce n’est pas faire injure à ce film que d’y voir une variation de “Folie privée”, le premier long métrage du réalisateur belge. Mais une variation un rien plus optimiste, presque paradoxalement, au vu du thème et de la profondeur des déchirements auxquels on assiste. Loin d’une banale mise en scène héritée du théâtre, il convient à nouveau pour le réalisateur de mettre littéralement en image l’enfermement inconscient de l’entité couple, même lorsque celui-ci n’est plus.
Bérénice Bejo livre une partition aussi juste, dont les variations se modulent tout au long du film : murée dans sa colère, ravagée de tristesse, dépitée lorsqu’elle prend acte que tout ce qui faisait son amour pour cet homme est sujet de détestation. Face à elle, Cédric Kahn, réalisateur de son état, se confirme acteur talentueux, également nuancé. Son personnage pourra agacer, par son obstination matérielle, sa vague manipulation des sentiments et des enfants. Mais le comédien parvient à faire percer la souffrance de l’amant et du père.