DIVINES

  • Réalisateur: Houda Benyamina
  • Acteurs:: A Oulaya Amamra, Majdouline Idrissi, Déborah Lukumuena, ...
  • Origine: France
  • Genres: Drame
  • Année de production: 2016
  • Durée: 1h45
  • Date de sortie: prochainement
  • Synopsis: Dans un ghetto où se côtoient trafics et religion, Dounia a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par Maimouna, sa meilleure amie, elle décide de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien.

Divines, un film qui a du clitoris

Alain Lorfèvre

Les banlieues françaises reviennent annuellement sur les écrans du Festival de Cannes, écho inévitable de la réalité sociale et péri-urbaine de la France. Une rengaine sans esquive où les bandes de filles ont parfois la part belle. Divines de Houda Benyamina participe des trois références précitées, en reproduit certains motifs ou répète certaines antiennes tout en réussissant, gageure, à conserver une sacré dose fraîcheur dans la grisaille et élargir le champ d'un regard avisé au milieu des barres d'immeubles.

Dounia (Oulaya Amamra) et Maïmouna (Déborah Lukumuena) sont potes d'enfance. Deux ados au seuil de la maturité qui font les 400 coups, à la mode des cités : vas-y que je te nique le cours pratique d'hôtesse d'accueil, que je te chourre un caddy entier au Carrefour du centre commercial et que je te fais un concours de jet de molard sur la belle gueule du beau vigile qui apprend la danse moderne pour tenter d'échapper à la misère ambiante.

Ces deux-là ont la tchache, digne d'un Jamel, la rage au coeur et au ventre de Dounia en prime. Celle-ci traîne une mère alcoolique et déjantée, qu'elle cache dans le camp de Rom voisin, avec quelques autres proscrits - comme un surprenant travesti maghrébin. Dounia et Maïmouna, c'est un sacré duo : la petit et la grosse - osons le qualificatif - façon Laurel et Hardy au féminin. Ensemble, ces moulins à paroles sont des mitraillettes à te casser le plus arrogant des grands frères. D'ailleurs, dans leur cité, c'est les filles qui portent la culotte : "c'est bien, t'as du clitoris" balance à Dounia la caïd du territoire, Rebecca (Jisca Kalvanda). Adoubée, Dounia entame son ascension et sa quête de l'argent vite gagné, vite dépassé.

L'argent, la came, les explosions de violence (voiture incendiée, caillassage de flics et de pompiers) : la réalisatrice opère en terrain connu, cinématographiquement aussi. Mais ses Divines tiennent plus des Springbreakers d'Harmony Korine que de la Bande de filles de Céline Sciamma, sans même parler des Affranchis italo-américains, certes modèle séminal de tous les films gangsta mais désormais image d'Epinal cinématographique.

Si le récit n'est pas exemple de maladresses et si la forme peut pêcher par quelques facilités clipesques et musicales, l'énergie de la mise en scène et de l'interprétation font la différence, justifiant amplement la sélection à la Quinzaine des Réalisateurs de ce fougueux premier film. Le duo que forment Oulaya Amamra et Déborah Lukumuena est criant de vérité. La première, aussi charmante qu'effrontée, ne devrait pas en rester là. La seconde est bien plus qu'une faire-valoir. Entre elles, ça fuse et ça infuse. Elles justifient amplement le titre du film.

La réalisatrice Houda Benyamina quant à elle, va au bout de son désir de cinéma. Elle insuffle des moments de grâce, comme l'échappée imaginaire en Ferrari, très beau et inventif moment, hilarant aussi. Et si la sous-intrigue amoureuse est par instant bancale, elle est l'occasion de quelques très belles scènes de chorégraphies, superbement cadrées, filmées et incarnées.

Malgré les figures imposées, la réalisatrice évite aussi quelques écueils thématiques, ne cherche pas d'excuse dans le déterminisme social, sans pour autant le nier ou l'éluder. Elle est intègre, autant dans la part de réel que dans la dramaturgie colorée et vibrante qu'elle a choisie pour transcender le premier.

Plutôt que de répéter le constat ou prolonger le débat, Divines prend au contraire acte de la réalité durable des banlieues françaises et de leur contexte social. Elle en fait un décor d'un coming of age movie à l'américaine, tout en refusant de se laisser enfermer dans n'importe quel stéréotype. En 1986, Désordre d'Olivier Assayas, Mauvais Sang de Leos Carax et Subway de Luc Besson insufflaient un vent neuf dans le cinéma français. Trente ans plus tard, Divines d'Houda Benyamina prend la relève avec la même énergie juvénile.