La haine et le terrorisme disqualifiés pour 2046


Au cours des derniers mois, le terrorisme et la crise migratoire ont souvent squatté la “une” des journaux. On a sollicité les plus grands spécialistes pour traiter de ces questions, sans qu’ils parviennent à trouver de solutions. Alors, aujourd’hui, c’est au tour des protagonistes de notre série d’été d’y aller de leurs propositions pour qu’en 2046, on ne parle plus de l’Etat islamique, ni de la boue et la misère des camps de migrants.

Aymeric de Lamotte

26 ans

Conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre et avocat.


Le combat contre le terrorisme a porté ses fruits ces dernières décennies. En 2046, l’Etat islamique a finalement été vaincu. La grande coalition arabo-occidentale a progressivement appris à travailler ensemble, bombardant les structures des ennemis, asséchant leurs ressources financières et disposant de troupes au sol pour contrôler les territoires conquis.

Puis, la coalition a veillé à développer l’économie sur place afin de créer les germes d’une stabilité. Cela a évidemment diminué les flux migratoires, en grande partie liés aux guerres. Par ailleurs, on a aussi créé des “hot spots” autour de la Méditerranée, accueillant les candidats migrants, pour ne pas les laisser arriver illégalement sur nos territoires.

Mais revenons au terrorisme. Outre sa politique étrangère, la Belgique a entamé un combat sans relâche, avec le soutien de la grande majorité des musulmans, contre l’islamisme, une vision rigoriste et antidémocratique de l’islam sunnite. Et, plus important encore, elle a compris que la meilleure manière d’affaiblir l’Etat islamique était de se concentrer sur ce qui venait renforcer ses rangs : une jeunesse belge désemparée. De nombreux experts ne s’accordaient-ils pas déjà en 2016 sur le fait que la cause majeure de la radicalisation était le vide de sens de nos sociétés ? A cette jeunesse, nous avons donc proposé un imaginaire commun plus fort que la haine et le terrorisme, basé sur la transmission de notre culture, de notre démocratie, par l’école, par les médias, par les associations.

Christophe De Beukelaer

29 ans

Echevin cdH de la jeunesse à Woluwé-Saint-Pierre et CEO d’Allofruits.


Il y a trente ans, tout le monde commençait à s’accorder sur le fait que nous ne connaissions pas une guerre de religion. Au contraire, nous faisions face à une organisation criminelle, Daech. Et ce ne sont pas nos F-16 belges qui en sont venus à bout, mais l’aide internationale apportée à la population locale, lui permettant de reprendre le contrôle de sa terre. Il s’agissait en effet de faire confiance aux autochtones, pour éviter les erreurs commises précédemment en Irak.

Que le groupe terroriste Etat islamique ait été éradiqué ou non, en 2046, nous vivons toujours dans un monde marqué par des mesures sécuritaires. Ce n’est certes pas l’idéal, mais nous nous sommes habitués à la présence de militaires et de policiers dans les espaces publics. Et nous avons continué à vivre, en restant “à notre poste”, comme le conseillait, déjà en 2016, le curé de la paroisse de Saint-Paul, François Lagasse.

Je distingue le terrorisme de la crise migratoire vécue en 2016. Depuis, on s’est rendu compte qu’il était illusoire de vouloir fermer les frontières. D’une part, quand quelqu’un est en danger de mort, on ne peut pas lui fermer la porte. D’autre part, un jeune Bruxellois a davantage en commun avec un Irakien de son âge, qu’avec un agriculteur namurois de cinquante ans. Il est dès lors normal que les gens aient envie de voyager, de se rencontrer, de tisser des histoires d’amour… Reste qu’un parcours d’intégration est nécessaire pour que les migrants apprennent l’une des langues du pays d’accueil, son code de la route, etc.

Sophie Rohonyi

29 ans

Présidente de DéFI périphérie et Attachée parlementaire à la Chambre des représentants.


Au cours de ces trente dernières années, la Belgique a pris bon nombre de mesures pour circonscrire le terrorisme. Ainsi, en 2046, les cours de citoyenneté et d’histoire des religions détricotent les préjugés. Les lieux de cultes ne sont plus financés par des pays ou des associations dont les thèses sont contraires aux valeurs démocratiques. Le pouvoir judiciaire est renforcé, rétablissant l’effet dissuasif de la justice.

Vous noterez que le phénomène du terrorisme, qui n’a malheureusement pas disparu en 2046, n’a rien à voir avec la migration. Etant d’origine hongroise, j’ai été singulièrement touchée par la question de la fermeture des frontières. Mais, heureusement, aujourd’hui, on s’est rendu compte que même s’il n’y avait plus de conflits sur cette terre, il est impossible de lutter contre l’envie de quitter son pays, avec l’espoir de meilleures conditions de vie. C’est sans doute lié au fait que l’homme a toujours été nomade… Alors, on a fini par trouver la meilleure des solutions pour parvenir à “une migration intelligente” : des bureaux d’inscription ont été créés aux portes de l’Europe, où chacun peut se présenter dans l’espoir de venir ici, vivre ou travailler pendant un temps. En attendant de voir leur demande de régularisation ou leur visa accordé, les candidats migrants peuvent même suivre des cours de langue, voire des formations professionnelles organisées par des entreprises privées en demande de main- d’œuvre. C’en est ainsi fini des passeurs et des gens qui débarquent sans papiers.

© Belga

Nawal Ben Hamou

29 ans

Députée Fédérale, membre du PS de la Ville de Bruxelles.


En 2046, le terrorisme islamiste n’est plus qu’un sombre épisode de nos livres d’histoire. On ne peut d’aucune façon lier ce phénomène à celui des flux migratoires : les terroristes étaient souvent des personnes qui étaient nées dans notre pays, qui y avaient grandi, et qui, pour des raisons multiples et complexes, s’y s’étaient radicalisées; les réfugiés, eux, sont des personnes qui ont quitté leur pays pour sauver leur vie, pour construire un meilleur avenir à leurs enfants.

Il est d’ailleurs normal d’accueillir ces personnes qui fuient la guerre, C’est une obligation internationale, et cela n’a pas changé en 2046.

Ces trente dernières années, nous avons beaucoup travaillé en vue d’améliorer le vivre ensemble. D’abord sur les réseaux sociaux où, il y a trente ans, la parole s’était complètement libérée, avec pour conséquence des actes antisémites, l’islamophobie, des crimes homophobes odieux… Mais, heureusement, nous avons depuis lors compris que, pour construire une société harmonieuse, la répression seule ne suffit pas. Nous travaillons en amont, pour sensibiliser à la différence, avec l’étroite collaboration d’acteurs de terrain qui se révèlent excellents. Les éducateurs de rue et les assistants sociaux agissent au quotidien pour créer d’indispensables liens sociaux.

Enfin, en 2046, que l’on s’appelle Jean, Mohammed, Pietro ou Amadou, on peut mener la même vie apaisée, sans difficulté pour trouver un logement ou un emploi.

© Ecolo

Hugo Périlleux-Sanchez

25 ans

Conseilleur communal Ecolo à Watermael Boitsfort et activiste.


Suite aux multiples attentats que nous avons connus en Europe, il y a trente ans, on a entendu beaucoup de discours qui faisaient l’amalgame entre terrorisme et islam. Non seulement je trouvais ces discours horribles mais, en plus, ils étaient contre-productif, car à force de stigmatiser une communauté, on n’a pas apaisé les tensions qui divisaient la société.

Or, dans la bataille des discours, seul le discours de tolérance et de respect des cultures pouvait gagner. Au final, on l’a heureusement compris. Et, en 2046, il n’est par exemple pas rare de voir des chrétiens se joindre à des musulmans qui rompent le jeûne, après le ramadan, dans la plus grande église de Molenbeek.

A coté de ça, en 2046, l’Europe a ouvert ses frontières, considérant que le droit à une vie digne est un droit pour tous. En même temps, les flux migratoires sont devenus tout à fait gérables. C’est que les pays occidentaux, les pays riches, ont cessé de maintenir les pays du Sud, les pays pauvres, dans un état de guerre et dans la misère économique. Ils ont au contraire assumé leur part de responsabilité dans les conflits armés et les changements climatiques. Eh bien oui, à partir de ce moment, les gens du Sud, les gens des pays les plus pauvres, ont cessé de vouloir s’exiler pour rejoindre notre continent. A ce titre, je rappelle tout de même qu’il y a trente ans, la Belgique était le premier vendeur d’armes européen au Moyen-Orient, et on s’étonnait alors qu’il y avait des guerres…

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