Cinquante nuances de vert en 2046


Face au défi climatique, nos modes de vie et nos modes de consommation vont inévitablement évoluer. Dans quelles directions ? “La Libre” a posé la question à cinq jeunes politiciens, tout en leur demandant de nous tracer le cheminement de leurs idées jusqu’en 2046. Au programme : des détours et des embûches, toujours vaincus par une bonne dose d’optimisme.

© Ecolo

Hugo Périlleux-Sanchez

25 ans

Conseilleur communal Ecolo à Watermael Boitsfort et activiste.


En 2046, les mouvements citoyens pour la justice climatique, appuyés par l’opinion publique, ont gagné leur combat contre les lobbies du capital et les grandes industries. Ainsi, après un combat acharné de plus de trente ans, la société civile a enfin repris le contrôle de son destin.

Aujourd’hui, il n’y a plus de voitures de société. Et, tandis qu’on dédaigne les énergies fossiles, on investit massivement dans la SNCB et les transports en commun. On voit aussi s’éloigner le temps où les institutions rivalisaient d’hypocrisie, en recourant entre autres au “green washing”. Rappelez-vous, en 2016, une université comme l’ULB se déclarait “verte”, alors qu’elle sous-traitait la gestion de son fonds de pension à AG Assurances, sans aucune clause sur la destination des placements. De l’argent de l’ULB était donc très probablement placé dans le secteur des énergies fossiles sans aucune remise en question. Mais, désormais, l’opinion publique n’est plus dupe !

Enfin, je constate que les réponses aux défis climatiques – si elles ont été trouvées – ont découlé de changements collectifs et pas seulement d’initiatives personnelles. Face à de graves menaces environnementales, il faut en effet faire des choix politiques radicaux, influant de façon drastique sur nos modes de vie; on ne peut pas se contenter de trier nos déchets ménagers, tout en pensant à éteindre la lumière en quittant la pièce…

© Belga

Nawal Ben Hamou

29 ans

Députée Fédérale, membre du PS de la Ville de Bruxelles.


Dans la société de 2046, nos modes de vie ont profondément évolué. Surtout en ce qui concerne les questions de mobilité : les voitures de société, comme on les connaissait il y a trente ans, n’existent plus. On a aussi cessé de commercialiser des véhicules fonctionnant aux énergies fossiles, à l’image de la Norvège qui s’était déjà engagée sur cette voie en 2016

De toute façon, nos villes sont désormais totalement orientées vers les piétons, les cyclistes et les transports en commun, de sorte que, dans la majorité des cas, il n’y a plus grand intérêt à se déplacer en voiture individuelle

Nos modes de consommation ont aussi énormément changé. C’est bien simple, les nombreuses nouvelles manières plus écologiques de penser et de se comporter, qui pointaient déjà le bout de leur nez en 2016, sont devenues la norme en 2046. Si auparavant, on utilisait tous énormément de sacs en plastique quand on faisait nos courses, aujourd’hui, il est naturel de prendre ses sacs recyclables avec soi. On consomme également de plus en plus local et bio. Les “repair cafés” – ces endroits où l’on retape du vieux pour faire du neuf – continuent de se développer. Comme je le remarque, cela bougeait déjà énormément il y a trente ans, et ce mouvement n’a cessé de s’accroître. Derniers exemples : en 2046, il n’y a plus d’emballages jetables et les garanties des produits vendus sur le marché doivent couvrir une période beaucoup plus longue qu’auparavant pour éviter l’obsolescence programmée.

Sophie Rohonyi

29 ans

Présidente de DéFI périphérie et Attachée parlementaire à la Chambre des représentants.


Après avoir effectué le décompte des avantages et des inconvénients de la voiture de société, on a décidé, en 2046, de la remplacer par une augmentation de salaire qui peut être investie dans le moyen de transport de son choix. Et pourquoi pas dans les transports en commun ? Les métros sont désormais plus fréquents, les trams plus rapides et le RER opérationnel !

En plus d’avoir solutionné le problème de la mobilité, l’Etat belge, qui a fait des choix budgétaires forts, a aussi beaucoup investi dans les énergies renouvelables. En 2016, le Solar Impulse avait déjà donné le ton. Sur les routes de notre plat pays, les voitures roulent désormais grâce à une batterie électrique alimentée par l’énergie solaire. Et il n’y a plus de centrales nucléaires qui polluent le paysage. Elles sont remplacées par de nouvelles éoliennes révolutionnaires. Reliées au sol par un câble, elles volent haut dans les airs, à la recherche des vents les plus forts. Quant aux anciennes éoliennes, non, l’Etat n’a pas décidé de tirer un trait dessus. Il a plutôt demandé à des artistes de les décorer, afin qu’elles constituent des monuments de notre patrimoine historique et culturel.

Enfin, nos modes de consommation alimentaire ont également évolué. On mange beaucoup moins de viande qu’il y a trente ans, privilégiant d’autres aliments riches en protéine mais qui rejettent moins de CO2. Dans les supermarchés, on ne jette plus les invendus, qui sont redistribués à des associations.

Christophe De Beukelaer

29 ans

Echevin cdH de la jeunesse à Woluwé-Saint-Pierre et CEO d’Allofruits.


Dès 2016, on sentait bien que les gens étaient en quête de sens, avec notamment ce besoin de se reconnecter à la nature et au vivant qui s’illustrait par le succès de la méditation et des formations à la pleine conscience. Je me rappelle aussi qu’à l’époque, le film “Demain” de Cyril Dion et Mélanie Laurent avait rencontré beaucoup de succès

Depuis lors, on n’a cessé de surfer sur cette énergie positive, sur cette vague de changements inarrêtable, allant dans le bon sens d’un point de vue écologique. C’est que chacune de nos actions est désormais envisagée sur le long terme : il n’est plus question de continuer à se comporter sans se soucier de savoir si l’on pourra encore vivre ainsi d’ici cent ans. Fini donc de miser sur les énergies fossiles, et vivent les potagers collectifs. Les villes ont ainsi changé de visage

D’une économie linéaire, on est aussi passé à une économie circulaire. En 2046, par exemple, on cultive toujours plus de champignons sur les déchets organiques des Bruxellois. Du coup, rien ne se perd. Puis, au lieu d’acheter des tonnes de nouveaux vêtements, on peut louer des tenues à la mode, avant de les rendre aux magasins. C’est tellement logique.

Enfin, en 2046, on est revenu à une économie locale. Au cours de ces trente dernières années, les gouvernements n’ont d’ailleurs pas eu peur d’édicter des règles en ce sens, limitant le rayon d’action et la croissance de certaines industries. Toujours avec ce même souci : faire sens.

Aymeric de Lamotte

26 ans

Conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre et avocat.


Nous ne sommes pas tombés dans les théories catastrophiques des tenants de la décroissance. Non, en 2046, on a développé un libéralisme “écologique”. Ainsi, les marchés sont devenus plus verts grâce à des mécanismes simples tels le principe du pollueur-payeur, les incitants fiscaux pour l’acquisition de voitures propres et les réductions pour les investissements économiseurs d’énergie. S’il y avait une envie de plus grand respect de l’écologie de la part de la population, l’offre a suivi la demande.

En ce qui concerne la politique de l’énergie, les gouvernements successifs n’ont pas renoncé au nucléaire, car on a mis au point des solutions sûres et pérennes à la question du stockage des déchets radioactifs. Les anciens réacteurs ont dès lors été rénovés, voire remplacés. En fait, même si l’on a aussi investi dans les énergies renouvelables, le nucléaire reste toujours la solution la plus pragmatique pour garantir l’approvisionnement en énergie de notre pays.

Et, comme je le disais déjà en 2016, il est bon de se baser sur la raison et de faire des choix pragmatiques au cas par cas. Si l’on avait suivi la logique de certains – un “précautionnisme” basé sur les peurs – on aurait fini par faire chacun son potager dans son jardin, vivant en autarcie, quitte à abolir le concept de la division intellectuelle du travail, qui, je le rappelle, amène la connaissance et le progrès.

©LaLibre.be - 2016