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Menaces, arme à feu et cachettes improbables: "On ne s'ennuie jamais"

Lise-Ange Traufler, ex-contrôleuse de terrain, 25 ans de carrière

Qu’elle s’exerce à l’ancienne ou avec des moyens modernes, la chasse au travail au noir est une tâche sans fin. Comment dès lors ne pas se décourager ? “En début de carrière, je me disais souvent qu'on constate, qu'on verbalise et qu'il n'y a pas de suivi. On peut très vite se désespérer face à ça. Il faut faire preuve d'humilité et savoir quelle est la limite de ses compétences. Ma compétence, c'est d'observer, constater et rapporter les faits avec le plus d'exactitude possible, de manière à ce que le magistrat n’ait pas de bonne raison de ne pas traiter le dossier. Après, ça ne dépend plus de moi. Quand j'ai pris conscience de ça, j'ai mis toutes mes forces dans la qualité de mon travail. Et on ne s'ennuie jamais”, répond Lise-Ange Traufler.

Sa carrière d’inspectrice sociale a débuté en 1982 et, en un bon quart de siècle de contrôles de terrain, Lise-Ange Traufler en a vu de toutes les couleurs. Elle a fait face, de temps à autre, à l’agressivité voire aux menaces de certains contrôlés. Dans ces cas-là, surtout si on est seule, mieux vaut tourner les talons et revenir avec la police.

“J'ai contrôlé un garage, accompagnée par les collègues des Finances. Le frère de l'employeur a menacé de m'attraper par la peau du dos (il a dit autre chose, en fait) et de me foutre dehors. Je n'ai pas insisté et considéré que son attitude était un obstacle au contrôle. J'ai rédigé mon rapport en ce sens et l'affaire a été jugée. Ce monsieur a hérité d'une amende d'un million de francs belges”, se souvient-elle. Parfois, les clients s’en mêlent. “Dans l’horeca, ça arrive qu’ils prennent fait et cause pour le gérant. Alors, je stoppe le contrôle pour cause d'obstacle et les clients peuvent être verbalisés pour cela.”

Grosse méprise

Au milieu des années 90, Lise-Ange Traufler contrôle une friterie dont l’une des travailleuses, non-déclarée, a elle-même dénoncé son employeur. L’inspection débarque. “Nous faisons comme si de rien n'était, comme s'il s'agissait d'un contrôle généralisé dans la région pour ne pas que le patron comprenne par qui il avait été dénoncé. On constate que la travailleuse n'est pas inscrite dans le registre du personnel. Le patron tourne les talons, va à l'étage, redescend à toute vitesse avec sa 22 Long Rifle en mains. Il traverse la rue pour aller vers son concurrent d'en face car il était persuadé que c'était lui qui l'avait dénoncé. Heureusement que la police était avec nous. Maintenant, on en rit mais pas à ce moment-là. On était un peu médusés.”

Il y a donc les sanguins mais aussi les fuyards et les as de la planque. “Je faisais une visite domiciliaire dans un salon de prostitution. Cela n’autorise pas à ouvrir les tiroirs et les armoires. En arrivant dans une chambre au premier étage, je vois l'armoire bouger. J'appelle la propriétaire et je lui demande de bien vouloir ouvrir la porte parce que c'est bizarre une armoire qui bouge. Elle l'ouvre et une Africaine qui ne figurait pas dans le registre du personnel était cachée à l’intérieur.” Dans un restaurant de Rochefort, Lise-Ange Traufler s’est fait avoir, selon ses propres termes. “Il y avait des policiers et des contrôleurs à l'avant. On ne pouvait accéder aux cuisines qu’en passant par l’arrière du bâtiment car il n'y avait qu'un passe-plat côté salle. Deux travailleurs en séjour illégal sont passés par le soupirail, où l’on fait rouler les tonneaux de bière. On n'avait jamais pensé à ça. J'étais même sur la trappe par laquelle ils étaient passés, sans réaliser. On a fini par les attraper.”