Thunder Power : le retour de la production automobile en Wallonie

Le site de Caterpillar revit

L'accord avec les pouvoirs publics wallons a pris un peu plus de temps que prévu mais on y est : le constructeur chinois de voitures électriques Thunder Power va prochainement prendre ses quartiers sur l'ancien site de Caterpillar à Gosselies. Ce vendredi 19 septembre, en présence du ministre de l’Économie Pierre-Yves Jeholet (MR) et du patron de la Sogepa (le bras financier de la Région) Renaud Witmeur, son CEO Wellen Sham y signera l'accord conclu avec la Sogepa, qui co-finance ce projet à 175 millions d'euros.

Petite urbaine, berline et SUV

On dévoilera pour l'occasion le prototype du modèle Chloé, une petite voiture urbaine d'entrée de gamme, qui sera construit à Gosselies, en exclusivité pour le marché européen. Un modèle plus imposant, la Sedan (une berline) et un SUV devraient, dans un second temps, être assemblés dans la future usine.

Cette signature met un point final à un dossier dont l'origine est la fermeture, aussi brutale que douloureuse pour les travailleurs et la région de Charleroi, du site de Caterpillar. La multinationale américaine qui fabrique des engins de chantier en avait fait l'annonce le 2 septembre 2016. Une fois n'est pas coutume, les pouvoirs publics avaient réagi avec une extrême célérité pour éviter que le site ne se transforme en friche sans perspective de réhabilitation. Des discussions avec le groupe Caterpillar ont abouti, en mars 2017, à la cession du terrain et de ses installations à la Wallonie pour un euro symbolique. Une recherche active de repreneurs industriels s'est mise en œuvre et c'est donc les Chinois de Thunder Power qui ont emporté la mise. Mais pas sans concession de la part de la Sogepa...

Paradis fiscal

En effet, elle va injecter, sur fonds propres et en plusieurs phases, 150 millions d'euros dans l'aventure. Malgré les fortes réticences de la Sogepa, les Chinois ont imposé que le holding Thunder Power reste basé aux Îles Vierges britanniques, un paradis fiscal autrefois placé sur la liste noire. Il figure depuis le mois de mars sur la liste grise puisque le pays consent désormais à une certaine transparence. Aux côtés de partenaires privés, les Wallons auraient voulu ne participer à l'investissement que via une société de droit belge à créer, Thunder Power Belgium, mais leur argent va finalement devoir transiter par les Îles Vierges, pour un temps très court, avant de repartir dans la filiale belge où il sera taxé.

Une concession qui soulève des questions éthiques mais qui s'accompagne de garanties, nous affirmait Renaud Witmeur il y a un mois. "Le problème avec les Îles Vierges britanniques, c’est que le pays ne communique pas d’informations sur les bénéficiaires finaux. Nous avons obtenu des Chinois qu’ils nous les communiquent. Notre argent sera vraiment investi en Wallonie et nous pourrons le vérifier". L'entrée en Bourse, à une date encore indéterminée, de Thunder Power est une autre garantie (contractuelle) de transparence fiscale.

30.000 voitures par an

Le projet industriel à Gosselies s'est sensiblement modifié lors des mois de négociations. C'est donc la Chloé qui sera d'abord construite au lieu de la Sedan, pour trois raisons : cela coûtera moins cher à produire, ce serait commercialement moins risqué de lancer une petite voiture pas chère sur le marché européen et puis, les homologations de la Chloé sont en bonne voie.

Thunder Power compte produire en Belgique 30.000 véhicules par an d'ici à la fin 2020 et embaucher 350 personnes. En 2023, l'objectif est d'engager près de 600 personnes et, si le projet est un succès, 4000 à terme. Ce qui ferait de Thunder Power le troisième plus gros employeur privé de Wallonie. Les Chinois ambitionnent aussi de créer une division moteurs, qui fournirait ses usines et celles d'autres constructeurs. De quoi faire revivre un site industriel qui, comme tant d'autres en Belgique, aurait pu ne pas se relever après le départ de son propriétaire.

Pour les syndicats des métallurgistes carolos, l'arrivée de Thunder Power est une "très bonne nouvelle"

Tant du côté de la CSC que de la FGTB, on se réjouit de la requalification rapide du site de Caterpillar Gosselies.

"C'était l'une de nos priorités, après le départ de Caterpillar, que le site soit reconverti. Il y avait beaucoup de marques d'intérêt des PME locales mais nous ne voulions pas de cette option afin de ne pas simplement déplacer l'emploi. En 20 ans de présence syndicale, je n'avais assisté qu'à des fermetures d'entreprises. Ici, on lance une dynamique nouvelle en Wallonie. Au niveau des citoyens, je n'entends que des échos positifs quant à l'arrivée de Thunder Power", déclare Jean-Marie Hoslet, permanent principal de la CSC Metea de Charleroi.

Il salue également le travail collectif réalisé par la Région wallonne, la cellule Catch qui pilote un grand plan de redéploiement de Charleroi et les organisations syndicales pour maintenir le site en l'état et trouver un repreneur. "C'est la preuve qu'en conjuguant nos efforts, il y a moyen de sortir la tête haute."

Le caractère risqué du projet industriel de Thunder Power ne fait pas peur au syndicaliste. "C'est un pari audacieux, oui, mais des risques, ce genre d'industriel doit en prendre. Les véhicules électriques sont un créneau d'avenir et le petit modèle citadin qui sera assemblé à Gosselies sera abordable pour Monsieur et Madame tout le monde. Il faut certes installer un réseau de bornes et de stations de rechargement pour ces voitures en Belgique ; la question des points de vente des Thunder Power se pose aussi (en ligne, chez des concessionnaires de la marque ?) mais c'est ça qui est beau : il faut tout construire."

Jean-Marie Hoslet ne souhaitait pas que les anciens travailleurs de Caterpillar soient prioritaires dans l'embauche au sein de Thunder Power, "pour ne pas discriminer les sous-traitants de Caterpillar, qui n'ont, eux, pas bénéficié d'une prime de licenciement et de l'encadrement des cellules pour l'emploi". Il indique que la CSC est en train d'établir une liste de PME et de sous-traitants locaux qui pourraient travailler pour Thunder Power, "afin qu'on n'aille pas les chercher à l'étranger".

"Tout gros investissement est un risque. On verra si les produits Thunder Power auront un intérêt sur le long terme."
Antonio Cocciolo

Antonio Cocciolo, le président de la Fédération des métallurgistes FGTB du Hainaut et de Namur, évoque "une gestion assez remarquable du dossier de reconversion du site". Il souligne que "les pouvoirs publics ont bien négocié les garanties avec les Chinois. Ils ont mis tous les verrous pour ne pas qu'on se retrouve avec une catastrophe à la Caterpillar sur les bras". Contractuellement, en effet, la Sogepa a obtenu la rétrocession du site si le projet Thunder Power tournait court. "La région de Charleroi a besoin d'investissements de grande ampleur", ajoute-t-il.

Le permanent syndical n'est pas du même avis que son homologue du syndicat chrétien concernant la priorité d'embauche pour les ex-Caterpillar. "On a exigé que ceux qui sont encore dans une cellule pour l'emploi soient prioritaires. Et s'il faut les former, le Forem est prêt. Pour les anciens sous-traitants, c'est important aussi d'obtenir des contrats avec Thunder Power."

Il croit lui aussi en ce projet. "Tout gros investissement est un risque. Caterpillar, aussi, on y a cru et on verra si les produits Thunder Power auront un intérêt sur le long terme mais il devrait y avoir un boom des ventes de voitures électriques, avec les inquiétudes environnementales et grâce notamment aux nouvelles technologies qui amélioreront l'autonomie des batteries."

Jean-Marie Hoslet

Jean-Marie Hoslet

Antonio Cocciolo

Antonio Cocciolo

"On s’est dit que ce serait mission impossible"

Thomas Dermine

Crédit: Alexis Haulot

Crédit: Alexis Haulot

Thomas Dermine, qui pilote le plan de reconversion Catch à Charleroi, raconte comment on a mis la main sur Thunder Power.

Carolo pur sucre, Thomas Dermine a été choisi, il y a un peu moins d’un an, pour prendre la tête du plan de reconversion Catch, qui vise à développer l’économie et l’emploi dans la région de Charleroi, au départ du site abandonné par Caterpillar. Avec l’Agence wallonne à l’exportation, la Sogepa et l’intercommunale locale Igretec, la cellule Catch a été au plus près de la recherche de repreneurs pour le site de Gosselies.

"On s’est dit que ce serait mission impossible mais qu’on allait essayer le plus sérieusement du monde de le faire. On avait les exemples des non-reconversions de Ford Genk et Opel Anvers en tête, des sites meilleurs que celui de Gosselies à la base et avec des pouvoirs publics flamands pourtant capables", explique Thomas Dermine.

Six mois à contacter des industriels

Une stratégie est alors élaborée entre les différentes structures publiques en charge du dossier. "Nous avons listé les industriels les plus adéquats : les constructeurs d’engins de génie civil (concurrents de Caterpillar) et de véhicules de transport, identifié tous les groupes au monde qui avaient des projets d’expansion et nous les avons contactés. On y a passé six mois et on était quasiment certain d’échouer", raconte le pilote de Catch.

Puis, les choses se précisent. "Notre intuition, c’était que la conjoncture, la croissance sont assez bonnes en Wallonie et que donc un site comme celui de Caterpillar a de la valeur. Et où y a-t-il de la croissance aujourd’hui ? Dans l’électro-mobilité en Chine. On est dans un basculement de technologie. La Chine est très dépendante du pétrole; elle n’a jamais réussi à s’imposer dans les véhicules à moteur thermique et elle investit beaucoup dans les véhicules électriques depuis plusieurs années."

"Comme des marchands de tapis"

C’est en octobre dernier, au Salon de l’auto de Francfort, où étaient présents plusieurs constructeurs de véhicules électriques, que le premier contact avec la société Thunder Power a été pris. "C’est un ex-travailleur de Caterpillar, entré comme ouvrier il y a 20 ans et qui a fini sa carrière dans le réseau international de Caterpillar, qui s’y est rendu", précise Thomas Dermine. "Les constructeurs chinois ne savaient pas qu’on serait présents et qu’on voulait leur parler. On leur a présenté le site de Caterpillar comme des marchands de tapis, à l’audace. Thunder Power nous a répondu qu’ils étaient déjà en négociations avancées avec la Catalogne pour s’y installer. Puis, trois semaines plus tard, il y a eu le référendum sur l’indépendance et ils nous ont rappelés. On est alors parti les rencontrer à Hong Kong."

Les négociations avec les Chinois ont duré quatre mois. "On a investi beaucoup de temps car, pour les Asiatiques, la confiance interpersonnelle est très importante. Ils sont venus plusieurs fois en Belgique. On a mangé des gaufres avec eux à la Grand-Place de Bruxelles; ils ont rencontré le bourgmestre de Charleroi, des anciens travailleurs de Caterpillar. C’était une aventure humaine", souligne Thomas Dermine. Les représentants de Thunder Power sont revenus à Gosselies en janvier. "C’est là qu’ils ont compris que s’ils l’investissaient ici, ils gagneraient du temps au niveau des permis et des infrastructures."

Un risque mesuré

La marque Thunder Power se lance en Europe, avec un échec toujours possible à la clé. Thomas Dermine estime-t-il qu’il s’agit d’un pari risqué d’avoir misé sur cette entreprise ? "Oui, c’est un projet risqué mais on n’arrive à poser des choix ambitieux en terme de reconversion industrielle que si on accepte une certaine dose de risque, mesuré. Et puis, qu’est-ce qu’on a à perdre si c’est un échec ? Le site aura été occupé, modernisé et donc ce sera moins difficile pour un repreneur de s’y installer."

L’ambitieuse stratégie de Thunder Power pour conquérir l’Europe

Crédit: Imago/Sebastian Geisler

Crédit: Imago/Sebastian Geisler

L’arrivée de la start-up Thunder Power en Europe, notamment en Belgique, marque une évolution radicale dans la stratégie de conquête chinoise. Jusqu’ici, toutes les tentatives, ou presque, de mettre un pied sur le territoire européen se sont soldées par un échec. On ne compte plus les marques, au nom parfois tarabiscoté, qui ont présenté dans les grands salons de Francfort, Genève ou Paris, des véhicules à l’allure peu attrayante, voire même rébarbative, avec une finition laissant à désirer et des performances très en retrait par rapport à la concurrence, non seulement européenne, mais aussi japonaise ou coréenne. Et, in fine, la sentence : la plupart de ces véhicules présentés ne correspondent pas aux normes de sécurité.

Mais les temps ont changé, le marché chinois, qui représentait environ 1 % du marché mondial en 2000, a atteint les 29 % en 2017. Avec quelque 28,9 millions de véhicules écoulés l’an dernier, la Chine s’impose comme le premier marché mondial. Pour y parvenir, le régime communiste a joué de main de maître. Il s’est montré accueillant aux investisseurs étrangers, tout en les contraignant à s’associer pour moitié avec un groupe industriel local, le plus souvent étatique, histoire d’acquérir toutes les technologies.

L'option évidente de l'électrique

En Chine, on a bien dû se rendre compte que l’on ne rattraperait pas les constructeurs traditionnels sur des technologies conventionnelles, essence et Diesel. Rançon du succès industriel, dans les grandes métropoles côtières, l’air est devenu irrespirable, l’automobile étant considérée comme responsable de 30 % de la pollution. Le dieselgate, qui ébranle l’industrie européenne depuis fin 2015, n’a fait que conforter les autorités chinoises dans leur option vers l’électrification.

La technologie d’un moteur électrique étant beaucoup plus simple que celle d’un moteur thermique, la Chine contourne ainsi l’obstacle, tout en s’imposant dans le domaine des batteries, de la connectivité et de l’automatisation. Le tout puissamment soutenu par le régime : primes ou détaxation, et maintenant quotas de véhicules électrifiés dans la production, y compris étrangère.

"Tesla killer"

A côté des grands groupes comme SAIC, Dongfeng ou FAW, une kyrielle de start-up se rue dans la brèche, avec souvent l’ambition de se positionner face à la référence actuelle : NIO, marque de la start-up NextEV, va commercialiser un grand SUV deux fois meilleur marché que le Model X de Tesla. Aujourd’hui, quasi-tout le monde, d’Audi à Jaguar en passant par Mercedes-Benz et Porsche, fait de l’anti-Tesla.

Né à Taïwan et basé à Hong-Kong (c’est plus simple si l’on veut atteindre l’Empire du milieu), Thunder Power ne propose pas autre chose, avec sa grande berline TP-01, son SUV conséquent et son coupé qui, pour l’instant, s’appelle Limited Edition…

Derrière son nom puéril – le Pouvoir du Tonnerre, on se croirait dans un dessin animé ou un jeu vidéo asiatique bon marché –, Thunder Power cache une stratégie nouvelle. Il y a bien une usine chinoise, à Ganzhou, dans la province de Jiangxi, au sud-est du pays, implantation construite en partenariat avec la municipalité locale et avec le fonds industriel d’Etat Gannan.

Collaborations

Mais Thunder Power ne répète pas les erreurs d’autres candidats chinois au marché européen. Great Wall avait débauché chez BMW le designer bastognard Pierre Leclercq, tandis que Qoros, anciennement Chery, s’adjugeait les services de Gert Hildebrand, qui fut chef du design de Mini. Avant d’installer un centre R&D à Milan, où fut dessiné son SUV, la start-up taïwanaise a fait dessiner le concept car de sa berline par Zagato, tout en collaborant avec des firmes comme Bosch, CSI et Dallara.

Avec une capacité de batterie jusqu'à 125 kWh, des performances annoncées jusqu’à 650 km d’autonomie (théorique) et le zéro à 100km/h en moins de 4 secondes, les produits Thunder Power sont conçus pour une bonne part en Europe. Cela devrait leur garantir de passer sans encombre les tests d’homologation. Europe où ils seront aussi produits : à Gosselies, exclusivement. Quant aux batteries, le si onéreux cœur énergétique de la voiture, elles sont construites… à Taïwan.

À première vue, le plan semble donc bien ficelé, Thunder Power ayant mis tous les atouts dans sa manche. Dans un premier temps, le groupe ne va pas produire sa grande berline en Europe, celle qui paraît osée, avec une calandre en ovales concentriques, censée incarner l’esprit zen, et des optiques de phares inspirées de la calligraphie chinoise… Il préfère s'attaquer au marché occidental de la citadine à l'allure et au nom sympa, la Chloé faisant écho à la Zoé de Renault, qui reste le précurseur. Une citadine à un prix logiquement proportionnel, c'est-à-dire abordable.

La Wallonie, ce désert automobile

Credit: Roger Job

Credit: Roger Job

Il fut un temps où le gouvernement belge mettait le paquet pour soutenir son industrie automobile. Dans les années 1920, de lourdes taxes ont été imposées à l’importation de produits finis, comme les voitures : 24 %. Par contre, à leur entrée en Belgique, les pièces détachées n’étaient taxées qu’à hauteur de 8 %. Un boulevard pour les industriels de l’automobile qui voulaient prendre pied sur le territoire d’une Belgique encore très riche. Mais la plupart des constructeurs, tels les Trois Grands américains, General Motors, Chrysler et Ford, ainsi que Renault, Citroën et autres, s’installent sur l’axe Bruxelles-Malines-Anvers, riche en communications ferroviaires et maritimes. Et non en Wallonie.

Une seconde vague de taxes à l’importation de produits finis, en 1954, attire de nouveaux arrivants, mais toujours rien en Wallonie. Ce système devient caduc avec l’instauration du Marché commun européen, suite au Traité de Rome de 1957 : toutes les barrières douanières tombent. Il n’empêche que la Belgique reste attractive.

La même année, le 26 juin 1957, était créée la Samaf, Société anonyme de montage des automobiles Fiat, dont le siège social se trouvait à Bruxelles et le site de production à Waterloo. Le but était de servir de tremplin pour l’Europe du nord et la Grande-Bretagne, avec des voitures volant à droite. A partir de 1958, on y a fabriqué des Fiat 600, 1100, Urania, Nettunia, et enfin la Fiat 1500. La fin progressive des barrières douanières sonna le glas du site waterlootois, dès 1968. Aujourd’hui, il reste connu comme le parking Fiat, qui pourrait bien devenir un complexe sportif.

Les Anglais à Seneffe

Il faut attendre 1963 pour voir arriver une seconde implantation en Wallonie, avec BMC, British Motor Corporation, qui deviendra British Leyland. Sur le site, judicieusement installé près d’une ligne ferroviaire, des deux autoroutes E19 et E42 et du canal Bruxelles-Charleroi, furent montées des MG (MGB, MGB/GT, etc.), des Jaguar XJ, des Triumph (Spitfire, Stag, etc.) et les très populaires Austin Mini. En 1970, Seneffe était le seul site wallon sur une douzaine d’usines d’assemblage en Belgique. Il compta jusqu’à 3000 employés, les ouvriers non diplômés étant formés sur place, avec des aides de l’Etat belge. Le site de Seneffe subit de plein fouet la crise de l’automobile britannique, vieillissante, ne correspondant plus aux standards de qualité. L’assemblage s’arrête en 1980 et l’usine ferme l’année suivante.

Depuis, à part les buggys Apal sur châssis de VW Coccinelle aujourd’hui disparus, les automobiles Gillet et Carat Duchatelet, sur de très petits volumes, l’assemblage automobile a déserté les terres wallonnes. Il fut cependant un temps où la Wallonie, cœur industriel de l’Europe continentale avec la Rhur, connut une intense activité automobile, à l’époque de l’âge d’or. En terre wallonne comme dans les autres régions de haute activité métallurgique, fin XIXe, début XXe, des dizaines d’artisans se lancent dans la construction de cycles, de motocyclettes, d’automobiles, de camions et camionnettes mais aussi du matériel de chemin de fer et des tramways, voire de l’armement.

La plupart de ces noms sont oubliés aujourd’hui, sauf par ceux qui fréquentent les musées comme Autoworld à Bruxelles. Qui se souvient de Gérard Dasse, qui construisit son premier prototype en 1894 rue de Dison à Verviers ? En 1897, son tricycle à moteur n’avait rien à envier à celui de Carl Benz. Il y eut aussi les voitures Germain à Monceau sur Sambre, Linon à Verviers, Nagant à Liège, Métallurgique à Marchienne au Pont, Springuel à Huy.

Minerva à Anvers, Imperia à Liège

Dans la mémoire collective, outre l’anversoise Minerva, restent les voitures et motos de la FN, Fabrique nationale d’armes de guerre de Herstal, qui construisit, à côté de bus, trolleys, tracteurs, camions et matériel militaire, de prestigieuses automobiles ainsi que des voitures de course. De classe mondiale aussi, Imperia est né à liège, rue de Fragnée, en 1904, avant de déménager à Nessonvaux. Une piste d’essais fut aménagée sur les toits de l’usine. En péril après 14-18, Imperia ne survivra pas mieux que le reste de l’industrie automobile locale au deuxième conflit mondial. En 2008, une tentative de renaissance de la marque, surfant sur la vague électrique, n’a pas abouti.

La première voiture chinoise en Belgique sera produite à Gand

Credit: Reporters

Credit: Reporters

La première voiture chinoise montée en Belgique et, partant, en Europe, ne le sera par contre pas à Gosselies, mais à Gand, chez Volvo. Ce sera une Lynk & Co, start-up du groupe Geely. Propriété de Geely, Volvo Cars, racheté en 2010 à une Ford Motor Company alors en pleine crise, est la partie la plus visible de la stratégie d’expansion internationale de l’automobile chinoise.

Contrairement à la plupart des autres groupes automobiles chinois, propriétés d’État, Geely est indépendant. Sentant le vent tourner, Li Shufu, dixième fortune chinoise selon saint-Forbes, a transformé son entreprise d’électroménager en géant de l’automobile pour en faire le septième groupe chinois actuel.

Geely se différencie de ses homologues par une stratégie haut de gamme. L’acquisition de Volvo n’est pas le seul exemple. En mai 2017, Geely s’emparait des voitures de sport anglaises Lotus, avant d’acquérir, en novembre dernier, la start-up américaine Terrafugia, spécialisée dans les voitures volantes. Avant cela, en 2013, Monsieur Li avait racheté la société britannique London Taxis International (LTI), dont les voitures typiques sont célèbres dans le monde entier. Dernier événement en date, qui a résonné comme un coup de tonnerre dans le secteur : l’acquisition, en février, de 9,6  % du capital de Daimler, qui produit Mercedes-Benz et Smart. Via Geely, M. Li est le premier actionnaire du groupe allemand de référence en matière de luxe automobile.

Non content d’étendre sa toile dans le monde par acquisitions, Li Shufu dynamise Geely en faisant émerger une start-up, Lynk &Co, chargée de casser les codes : connectivité maximale, ventes en ligne, etc. Fondée en 2016, Lynk & Co a conçu le modèle 01, un SUV, et le modèle 02, un crossover, basés sur la plateforme CMA (compact modular architecture) du Volvo XC40, nouveau SUV compact, produit sur le site gantois pour le monde entier.

C’est aussi à Gand que seront produites, à la fin 2019, donc avant la Chloé de Thunder Power, les voitures Lynk & Co, qui apparaissent comme le tremplin de Geely et de l’industrie automobile chinoise pour le marché occidental. Le rachat de Volvo, avec ses sites de production et sa technologie avancée, est probablement la première étape de l’expansion mondiale de l’industrie automobile chinoise.