Semi-conducteurs: une guerre mondiale technologique

La pénurie de puces fragilise l'économie mondialisée

Avoir le nez fin et voir à long terme. Deux qualités qui permettent de se hisser au sommet du monde. C’est ce qu’a fait Taïwan en investissant massivement, il y a plus de trente ans, dans l’industrie des semi-conducteurs, ces éléments indispensables (et actuellement en pénurie à cause de la forte demande) dans toute la microélectronique actuelle. Une mainmise qui a révélé les tensions avec son voisin chinois mais qui a également permis de lui résister. L’île, à peine plus grande que la Belgique mais située au cœur de l’Asie “technologique” – entre la Chine, la Corée du Sud et le Japon – a donc compris très tôt l’intérêt de cette industrie, contrairement à d’autres qui ont préféré sous-traiter à bas coûts. Jusqu’à rendre le monde entier dépendant non pas à une ressource naturelle, mais à un savoir-faire.

1. Les semi-conducteurs, c’est quoi ?

Les semi-conducteurs sont des éléments de base pour les puces de notre matériel électronique. Ils ont des capacités d’isolation et, à la fois, de conductibilité électrique hors du commun. Ils permettent de créer des circuits intégrés microscopiques, avec des gravures de l’ordre du nanomètre, donc un millionième de millimètre. Soit… près de 80 000 fois plus fin qu’un cheveu. C’est cela qui permet de créer des objets connectés toujours plus petits, des smartphones toujours plus performants, des drones embarquant plus d’intelligence artificielle pour un poids limité mais également des voitures électriques, des consoles, des écouteurs sans fil, des écrans ultra-plats, etc.

2. Pourquoi la pénurie ?

La pénurie a commencé à faire parler d’elle surtout au début de cette année. Pour comprendre, petit retour en 2020. Alors que la Covid-19 a dans un premier temps freiné l’ensemble de l’économie, dont la production de semi-conducteurs, la demande en produits électroniques en tous genres provenant des particuliers confinés chez eux a augmenté. Dans un deuxième temps, les différentes industries du globe ont repris leurs processus de production. La plupart d’entre elles, comme le secteur automobile, sont très dépendantes des semi-conducteurs et travaillent avec des stocks à flux tendus. La demande a donc explosé et l’approvisionnement n’a pas suivi. D’autant plus que la Chine, gourmande, avait déjà constitué des stocks stratégiques lors de la guerre commerciale avec les États-Unis. Ajoutez à cela la hausse du prix du fret maritime causée par la pandémie et le cocktail devient chargé. Les dents grincent et l’industrie, quasiment paralysée, a la gueule de bois. Tous les secteurs technologiques sont touchés. Du côté d’Agoria, la fédération belge du secteur technologique, on estime que la situation ne devrait pas revenir à la normale avant 2022.

3. La Chine a-t-elle loupé le coche ?

Les semi-conducteurs, c’est le talon d’Achille de la Chine. Alors qu’elle est à la pointe dans de nombreux domaines technologiques et qu’elle a pris une place prépondérante dans la technologie 5G, elle ne maîtrise pas la nanogravure aussi bien que son minuscule voisin taïwanais. Elle arrive tant bien que mal à de la nanogravue à moins de 10 nanomètres (nm) quand Taïwan est déjà au-delà et devrait maîtriser la gravure à 4 nm d’ici 2022 et même atteindre du 2 nm dans la foulée.

Certes, maîtriser la 5G lui permet de dompter les standards de l’industrie des objets connectés qui en découle. Mais dépendre d’une nation externe pour les semi-conducteurs est délicat. Pour ne pas devenir un colosse aux pieds d’argile, elle tente de rattraper son retard et a investi près de 19 milliards de dollars en 2020 dans ce domaine. Le mois dernier, TSMC, le géant taïwanais de la production de semi-conducteurs, a, quant à lui, répliqué et investi… 100 milliards de dollars pour creuser son avance.

4. Pourquoi Taïwan résiste ?

Même si la Chine débourse de fortes sommes pour débaucher les ingénieurs taïwanais, TSMC possède environ 30 % des parts du marché mondial au niveau des puces. Et si on ne retrouve pas le groupe taïwanais dans les statistiques des plus gros exportateurs de puces, c’est trompeur. Il est de fait le plus gros acteur dans la “fonderie” (environ 60 % de la production mondiale), soit le processus industriel de création des supports de base (“substrats ABF”) et des semi-conducteurs utilisés par les autres fabricants, comme Samsung, Qualcomm, etc. “C’est un savoir-faire de l’ordre du nanomètre qui remet en question les équilibres mondiaux”, ironise Marc Julienne, chercheur à l’Ifri (Institut français des relations internationales). “La Chine veut être la première puissance mondiale d’ici 2049 et la première puissance technologique d’ici 2035 mais certains domaines nécessitent des décennies de développement. Elle en est consciente mais reste dépendante de Taïwan”, poursuit-il. “Asus, Acer… les marques taïwanaises se sont imposées dans l’informatique et fournissent le monde entier. Le pays, tout petit, a poussé son éducation dans le domaine, contrairement aux vieilles démocraties occidentales qui ont une appétence technologique moins forte”, ajoute-t-il.

5. Quels enjeux géopolitiques ?

Si la Chine a réussi à développer des relations commerciales avec de nombreux pays, en particulier en Afrique et en Amérique latine, elle a montré qu’elle pouvait faire usage de l’étranglement économique en cas de confrontation. Elle a réussi à se rendre incontournable, mais “elle a également commencé à se mettre beaucoup de monde à dos. Elle s’oppose aux États-Unis de manière beaucoup plus directe que par le passé. Elle n’hésite pas à utiliser l’arme commerciale et les relations se sont dégradées avec Taïwan depuis 2016 et l’arrivée de Tsai Ing-wen au pouvoir, qui est une démocrate. Plus la Chine montre les muscles, plus elle provoque des réactions”, renchérit Marc Julienne, qui estime que le géant chinois est certes puissant mais joue un jeu relativement dangereux.

Plus la Chine montre les muscles, plus elle provoque des réactions
Marc Julienne, chercheur à l’Ifri, spécialisé sur la Chine

Rappelons que la Chine caresse aussi le rêve de mettre la main sur Taïwan (ou République de Chine) depuis des années. Outre l’aspect historique de leurs relations, faire “sauter” Taïwan lui permettrait de s’extirper de la mer de Chine méridionale où beaucoup de puissances locales se partagent les zones maritimes. La Chine pourrait alors accéder plus facilement au Pacifique. “Ce qui pourrait être une avancée majeure pour la dissuasion nucléaire pour la Chine”, simplifie-t-il.

6. Le rôle des États-Unis

Les États-Unis sont très présents dans le Pacifique. Au-delà de ça, les Américains soutiennent directement Taïwan pour éviter que la Chine ne rattrape son retard technologique. Ils ont besoin de maintenir cet allié précieux. Même si la firme américaine Intel maîtrise la technologie des semi-conducteurs, Taïwan est incontournable.

Le flair de Taïwan aura donc clairement permis de faire face à son voisin et forcer le peu de pays osant s’opposer ouvertement à la Chine à sortir du silence. Ici, les États-Unis. Qui affichent d’ailleurs un soutien de plus en plus marqué à Taïwan et qui pourrait prendre une tournure militaire alors que la Chine viole “quasiment quotidiennement la zone d’identification et de défense taïwanaise”, signale Marc Julienne, qui pointe du doigt la volonté chinoise de maintenir la tension en permanence sur ce petit pays.

"On arrive au bout du système. Il faut une prise de conscience"

Avec seulement 10 à 15 % de la production mondiale de semi-conducteurs, l’Europe est à la traîne. De quoi créer un “malaise” chez la chancelière allemande Angela Merkel qui relève le risque que présente cette “très grande dépendance” vis-à-vis de l’Asie. Des projets existent pour doubler les capacités de production de ce nouvel or technologique sur le Vieux Continent d’ici 2030.

Rouvrir des mines en Europe ?

Mais est-ce la voie à suivre ? Ce sera en tout cas “compliqué”, selon Jean-Pierre Raskin, professeur à l’École polytechnique de Louvain (UCLouvain). Le problème n’est pas technique, mais plutôt de cohérence politique. “L’Union européenne ambitionne d’être neutre en carbone d’ici 2050. Or, si on veut avoir une certaine indépendance dans cet accès aux puces, il faudrait rouvrir des mines en Europe. Notre sous-sol comprend tous les minéraux nécessaires à la fabrication de ces semi-conducteurs, mais leur extraction est extrêmement polluante. Depuis trente ans, on ne veut plus voir notre pollution et on préfère la délocaliser.

“On a cambriolé nos puces”

Le projet viserait aussi à investir des milliards dans des “fonderies” européennes, où l’on produit les puces, alors que celles-ci ont massivement été délocalisées vers Taïwan, la Corée ou la Chine. “Cela pose aussi un problème social”, poursuit Jean-Pierre Raskin qui planche, avec une série de spécialistes européens, sur une autre stratégie. “On le voit avec cette nouvelle crise, on arrive au bout du système. Mais comme souvent, on va devoir aller jusqu’à la dernière limite pour comprendre que ce n’est plus possible.
Selon le spécialiste, cette tension sur l’accès aux puces ne va ainsi faire que s’accroître dans le futur. “La demande d’objets électroniques explose, surtout en Chine, et l’offre, qui n’est désormais plus assurée que par quelques mastodontes asiatiques, n’arrive plus à suivre. La crise actuelle était prévisible. Cela fait maintenant deux ans qu’on a des cambriolages répétés dans nos laboratoires car on possède des processeurs relativement puissants. Le rapport de la police explique que des commandes sont faites pour aller chercher des semi-conducteurs là où ils sont.”

Réutiliser plutôt que jeter

Pour M. Raskin, il est urgent de changer de paradigme. “Il faut passer d’une logique linéaire, de l’obsolescence programmée, à une économie circulaire où l’on réutilise ces puces. Une puce peut fonctionner plusieurs dizaines d’années sans aucun problème, mais actuellement, elles sont placées de telle manière dans les objets électroniques qu’il est quasiment impossible de les désassembler. Par exemple, un téléphone portable vit 18 mois avant de partir en container vers on ne sait où et sa puce meurt avec lui.”

L’échec du recyclage

Selon les spécialistes, plutôt que d’investir massivement dans des mines ou des fonderies, les Européens auraient tout intérêt à se spécialiser dans ce modèle de réutilisation de puces. “L’Europe a été au top et le reste dans la recherche en matière de nanoélectronique, mais la production est partie vers l’Asie. On doit prendre le prochain train et investir dans une électronique plus modulaire, réutilisable. Il faut partir de la base : revoir la conception d’un objet pour qu’on puisse le démonter à la fin de sa vie, qu’on soit capable de réparer ses différents éléments ou les réutiliser pour d’autres fonctions.”
Attention, réutiliser ne signifie pas recycler. “Le recyclage, c’est-à-dire broyer une puce pour en extraire les minéraux, a montré ses limites. Dans un semi-conducteur, on utilise 60 éléments du tableau de Mendeleïev. Or, le belge Umicore, qui est à la pointe dans le domaine, ne peut séparer que 17 éléments de ces puces et seulement quatre sont économiquement rentables.”

La voiture autonome est une “catastrophe”

Enfin, Jean-Pierre Raskin pose la question de la consommation quotidienne de ces puces. “A-t-on vraiment besoin de tous ces objets connectés qu’on nous vend à longueur de journée ? Moi, cela me va de lancer ma lessive en appuyant sur deux boutons, plutôt que de la programmer avec mon smartphone à deux mètres de là. On ne vit pas plus mal sans tous ces gadgets. Je pense qu’on ne manque pas de défis et qu’on a autre chose à faire de nos ressources limitées. La voiture autonome qu’on nous présente comme le Graal est une catastrophe en terme environnemental avec toutes ses puces intégrées et ces ondes. Il faut une prise de conscience de l’impact qu’ont nos achats.”

S’inspirer des modèles économiques des box Wi-Fi

Dans cette même idée, le professeur estime qu’il faudrait passer à un modèle de la fonctionnalité plutôt que celui de la vente d’un objet. “On devrait, par exemple, vendre trois ans de téléphonie mobile, smartphone inclus, comme on le fait avec la box Wi-Fi qui est récupérée en fin de contrat par le fournisseur. Croyez-moi qu’avec cette logique, l’industriel fera tout pour que son téléphone vive le plus longtemps possible et essayera de récupérer un maximum de son matériel. Il n’y aura plus aucun intérêt d’avoir cette obsolescence programmée qui nous mène droit dans le mur.

Quand les constructeurs doivent lever le pied

Voilà un an, les constructeurs avaient été contraints et forcés de ronger leur frein : arrêt de production des usines pendant plusieurs semaines pour cause de pandémie et chute drastique des ventes de véhicules en raison du lockdown et de la fermeture des réseaux de concessionnaires.

Depuis lors, les choses vont bien mieux : 862 226 voitures particulières se sont vendues en avril dans l’Union européenne, quatre fois plus que pour la même période de 2020. Et pourtant, le secteur automobile n’est pas à la fête. En cause, cette pénurie de puces qui entrave la production et entraîne parfois la fermeture d’une usine.

Production de la Peugeot 308 à l’arrêt

À Sochaux, la ligne de production de la Peugeot 308 a, par exemple, été à l’arrêt pendant quatre semaines en avril, ne disposant pas de la puce qui équipe les tableaux de bord. Stellantis (Peugeot, Citroën, Opel, Fiat, Alfa Roméo…) a produit 190 000 véhicules de moins que prévu au premier trimestre en raison de cette pénurie. Volkswagen annonçait pour sa part à la mi-mars que 100 000 véhicules n’avaient pas pu être produits, pour les mêmes raisons. Tous les constructeurs sont peu ou prou concernés.

Quel est le problème ? La baisse de production de l’industrie automobile l’an dernier s’est doublée d’une forte hausse de la demande d’appareils électroniques par des consommateurs avides de s’occuper à la maison.

Or, la hight-tech est très vorace en matière de semi-conducteurs. Et comme il n’y en a pas plus pour tout le monde, certains secteurs rencontrent de sérieux soucis.

Distorsion entre l’offre et la demande

C’est le cas des constructeurs. Les semi-conducteurs comme les puces électroniques sont en effet omniprésents dans les voitures, entre le moteur, l’ABS, les airbags, l’aide au stationnement, le tableau de bord… Sans ces composantes, la fabrication d’un véhicule est tout simplement impossible.

L’impact de cette distorsion entre l’offre et la demande est majeur. Le fabricant allemand de semi-conducteurs Infineon évalue à environ 2,5 millions le nombre de voitures qui ne pourront du coup être produites au premier semestre 2021. Selon une étude cette fois de AlixPartners, 3,9 millions de véhicules ne pourront être produits sur l’ensemble de l’année.

Un chiffre à comparer avec les 78 millions de véhicules produits en 2020 au niveau mondial (en baisse de 16 % par rapport à 2019).

Surtout, cet écueil va continuer à peser sur le secteur. “La situation va rester extrêmement tendue jusqu’à la fin de l’année et ensuite ça devrait commencer à se réguler”, estime Jean-Marc Chéry, patron du fabricant de semi-conducteurs STMicroelectronics, pointant un retour à la normale pour fin 2022.

Et si vous achetez un véhicule ?

Avec quelles conséquences pour l’acheteur ? “Nous faisons notre possible pour limiter l’impact sur les livraisons”, indique brièvement Anouk Van Vliet, porte-parole de Stellantis Belgique. “Nous n’avons pas de chiffres belges à communiquer.

“La crise des composants électroniques a effectivement un impact sur les délais de livraison. Tout dépend du modèle, de la motorisation et du niveau de finition. Pour nos bestsellers, Clio chez Renault et Sandero chez Dacia, il faut compter 3 à 4 mois pour les versions les plus impactées”, explique plus largement Karl Schuybroek, porte-parole pour Renault Belgique.

“L’impact est limité car il n’y a pas eu d’arrêt de la production des véhicules pour l’instant”, note pour sa part Jeroen Lissens, porte-parole chez BMW Belgique. “Nous avons des petits soucis avec certaines options moins disponibles.”

Pour tacler ce problème, Volvo propose, par exemple, de ne pas opter pour certaines options. “C’est au cas par cas”, précise René Aerts Jr, porte-parole. C’est, par exemple, le Park assist Caméra à 360°, le BLIS (radar angle mort) ou encore le Park assist Pilot. “Nous adaptons les packs en fonction de cette indisponibilité sinon les délais de livraison seront plus long.”

Nous roulons à vue. La situation est volatile et il n’est pas possible de faire un pronostic sur l’impact”, concède pour sa part Bastien Van den Moortel, Press Relations Manager chez Mercedes-Benz Cars. “L’offensive électrique Mercedes-EQ reste une priorité absolue”, détaille-t-il, évoquant l’offre du constructeur pour les modèles 100 % électriques et hybrides.

Les constructeurs ont en tout cas tout intérêt à privilégier dans ce contexte les modèles plus haut de gamme, qui leur offrent de meilleures marges.

Hyundai Belgique enregistre parfois des délais de livraison assez longs. “C’est plutôt dû au grand succès du modèle qu’aux problèmes de production”, assure Wim Doms, porte-parole. “C’est donc d’abord un problème de luxe.”

Les puces du futur ? Une affaire belgo-flamande

Sur la scène mondiale des semi-conducteurs, on a les géants de l’industrie électronique, les fournisseurs de composants, les fabricants. Au début de cette chaîne, on trouve aussi les concepteurs, ceux qui cherchent et développent de nouvelles puces, toujours plus petites, innovantes et performantes.

Beaucoup de personnes l’ignorent encore mais la Belgique, dont les atouts en matière de R&D sont reconnus au niveau international dans de nombreux domaines (comme la biopharmacie et les biotechnologies), possède le plus grand centre de recherche high-tech au monde. Son nom ? Institut de recherche interuniversitaire flamand en microélectronique et nanotechnologies ou Imec. Créé au départ de la KU Leuven en 1984, il compte aujourd’hui 4 555 chercheurs actifs à Louvain, Gand et Anvers, mais aussi à l’étranger, et réalise un chiffre d’affaires supérieur à 600 millions d’euros. Chaque année, le gouvernement flamand y investit plus de 100 millions.

Début mai, Thierry Breton, commissaire européen chargé, entre autres missions, de renforcer la souveraineté technologique de l’Union européenne, n’a pas tari d’éloges sur l’Imec. “Le meilleur institut de recherche sur les puces est ici en Belgique”, a-t-il déclaré selon des propos repris dans De Standaard. Et l’ex-patron du groupe Atos d’ajouter que l’institut flamand a trois à cinq ans d’avance sur le reste du monde dans la recherche fondamentale sur les puces. Venant d’un Français, le compliment vaut son pesant d’euros !

Des puces “neuromorphes”

L’Imec travaille, depuis ses débuts, avec les plus grandes entreprises mondiales de la micro/nanoélectronique (comme Intel, Samsung, etc.). Il a acquis une expertise dans la façon d’anticiper les besoins des entreprises dans ce domaine de pointe.

“Les chercheurs de l’Imec travaillent sur les puces du futur”, explique Mieke De Ketelaere, directrice de la stratégie en matière d’intelligence artificielle (IA) au sein de l’Imec-IDLab et auteure du livre Homme versus machine. L’intelligence artificielle démystifiée (voir La Libre datée du 20 mai). Il s’agit notamment de puces “neuromorphes”, c’est-à-dire des puces qui, à l’image de l’œil humain, ne consomment de l’énergie que lorsqu’il y a un changement de pixel. L’objectif est de réduire drastiquement la consommation d’énergie.”

Mieke De Ketelaere note que, par le passé, ce sont les puces et leur amélioration constante qui ont permis à l’IA de progresser. Les puces de type CPU et GPU, par exemple, n’ont pas été créées spécifiquement pour l’IA mais elles l’ont aidée. “Aujourd’hui, on assiste à un bouleversement dans la mesure où c’est l’IA qui force les puces à devenir beaucoup plus sophistiquées et diversifiées.”

L’un des principaux enjeux consiste à développer des puces capables d’offrir un équilibre optimal entre vitesse de calcul et consommation d’énergie. On parle, à présent, de TPU (Tensor Processing Unit, technologie que l’on doit aux chercheurs de Google). Dans le domaine de l’IA, les puces, qui réalisent des milliards de calculs à grande vitesse, sont très énergivores. Et ça, sans parler des capacités de stockage et de mémoire dont ont besoin les systèmes d’IA (comme les “réseaux de neurones”). “Nous implantons, aujourd’hui, des transistors à une échelle tellement réduite que nous nous heurtons aux limites de la physique. Nous devons donc chercher d’autres voies pour améliorer la technologie, comme de nouveaux matériaux ou de nouvelles manières de construire des micropuces”, conclut l’experte de l’Imec.

Textes: Antonin Marsac, Raphaël Meulders, Patrick Dath-Delcambe, Pierre-François Lovens.

Photos: Agences (AFP, AP), Shutterstock.