Quand la ponctualité reste à quai

Depuis des années, la ponctualité demeure la principale source de crispation des usagers du rail. Et encore : ils n’ont jamais vu les chiffres aux heures de pointe. Depuis l’instauration en 2005 d’un holding SNCB qui a confié le rail belge aux mains d’un gestionnaire d’infrastructures, Infrabel, et d’une société d’exploitation ferroviaire, la SNCB, la ponctualité est un sujet de friction entre les deux entités. Et pour cause : depuis 2015, les “trains à l’heure” se raréfient. Alors que 90,9 % des trains, dixit la SNCB, ont “atteint leur destination finale ou la première gare bruxelloise de l’axe Nord-Midi avec moins de 6 minutes de retard” cette année-là, la ponctualité a régressé à 89,2 % en 2016, à 88,3 % en 2017 et à 87, 2 % en 2018. De quoi mécontenter les quelque 244 millions de voyageurs annuels recensés en 2018 (+3,7 % par rapport à 2017) qui ne prêtent aucune importance aux causes de ces retards mais se lassent de leurs répercussions sur leur vie personnelle et professionnelle.

Des montagnes russes sur le rail belge
Parmi les 900.000 voyageurs quotidiens qui empruntent le réseau ferroviaire national, tous ne sont pas logés à la même enseigne. Surtout aux heures de pointe (6H-9H et 16H-19H), tant les lignes présentent des différences considérables. Celles qui se rendent à Bruxelles le matin et qui en repartent le soir affichent les plus faibles taux de ponctualité moyenne annuelle. Les voyageurs qui joignent Bruxelles au départ de Tournai, Mons ou Namur le matin ont 4 chances sur 10 d’arriver en retard, ces lignes enregistrant des taux de ponctualité de 59,52 %, 61,95 % et 63,21 % respectivement.
De même, entre 16 et 19H, les navetteurs qui effectuent un trajet de Bruxelles à Charleroi-Sud doivent s’armer de patience puisque seuls 6 trains 10 sont dans les temps (68,2 %). Pire, la ligne Mons-Bruxelles aux mêmes horaires n’a rien à envier à sa jumelle du matin avec ses 62,7 % de trains à l’heure.

La Flandre n’est pas en reste. Effectuer Courtrai-Bruxelles mais surtout Gand-Bruxelles le matin n’a rien d’une sinécure avec des taux de 73,5 % et 77,81% de trains ponctuels à ces heures délicates.
De l’autre côté du spectre, certaines lignes sont presque irréprochables. A l’image de la ligne qui joint Gand à Anvers, impeccable dans les deux sens, ou celles de Charleroi-Sud, Binche et Liège à destination de Bruxelles qui frôlent la perfection le soir, avec 9 trains sur 10 à l’heure. Toutefois, joindre la capitale dans les temps promis semble majoritairement plus compliqué. La ponctualité moyenne des six lignes qui relient la Wallonie à Bruxelles (Namur, Charleroi, Liège, Mons, Tournai, et Binche…) s’élève à 76,64 %. La faute aux pannes, aux vols de câbles et aux chantiers qui parasitent le trafic.

Les trains P restent un mystère
Comme les lignes, tous les types de trains ne jouissent pas de la même fiabilité. Certains d’entre eux sont problématiques, à l’image du train P7803 Mons-Bruxelles de 07h35 qui arrive à l’heure… 16,9 % du temps, ce qui équivaut à plus de 8 chances sur 10 d’être en retard. Dans la même veine, le train P8803 Bruxelles-Mons de 17h30 est dans les temps à peine plus d’une fois sur quatre (26,6 %) et le P7515 Tournai-Bruxelles de 07h28 enregistre 68,9 % de chances d’être en retard (ponctualité de 31,1 %). Encore une fois, certains véhicules affichent des résultats remarquables. Il faut toutefois être bien matinal si on entend se laisser conduire par les meilleurs d’entre eux. Les trains qui flirtent avec une ponctualité de 100 % démarrent à 06h08 (Bruxelles – Namur ; 99,2 %) et à 06h06 (Bruxelles-Tournai ; 97,5 %). Ce sont les trains P, mis sur les rails pendant les heures de pointe pour désengorger les trains cadencés, qui enregistrent les plus mauvais scores ! La tendance se confirme au nord du pays avec le train P7009 qui relie Gand à Bruxelles à 8H14 et qui cumule 83 % de trains en retard, ou avec celui qui raccorde Hasselt à Bruxelles à 7h52 (7306) qui n’est dans les temps convenus qu’une fois sur trois (34,4 %). Pour tous les convois de ce type analysés et qui ont un lien avec Bruxelles, la moyenne globale de la ponctualité pointe à 60,9 %. Un résultat désastreux que ni Infrabel ni la SNCB ne s’expliquent.

Réformer le système d’indemnisation
Les différents observateurs du rail s’accordent à dire que le réseau actuel est saturé, en proie à un problème structurel qui ne lui permet plus de répondre totalement à la demande des voyageurs, lésés sur certains tronçons. A ce propos, la société de protection des consommateurs “Test-Achats”, par la voix de sa porte porte-parole Julie Frère, préconise une refonte du système d’indemnisation. “Les passagers qui n’ont pas pu bénéficier d’un service pour lequel ils ont payé doivent être indemnisés. Les procédures pour recevoir cette compensation devraient être grandement simplifiées.” Pour Test-Achats, la voie ferrée doit fournir des offres fiables dans le cadre d’un développement des politiques de mobilité douce. “Dans ce scénario, l’ensemble du nœud de mobilité que nous connaissons aujourd’hui ne verra pas d’amélioration.”

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Méthodologie

L’analyse de la fiabilité des trains se base sur les jeux de données mis à disposition par Infrabel via leur portail https://opendata.infrabel.be/pages/home/

Lors de l’Open Belgium 2019, un “hackaton” organisé par Open Knowledge Belgium et supporté par Infrabel, une joyeuse bande de jeunes génies ont développé un outil interactif et open source analysant, sur l’année 2018, la fiabilité de la majorité des trains : www.traindelays.be. L’équipe était composée de Sam van der Kris, Clément Janssens, Dylan Van Assche, Rutger Bevers (coach) et Pieter Colpaert (coach).

Notre but, à ce stade, était d’extraire (“scrapper”) les données de trindelays via une API (une interface qui permet de se connecter aux données) et d’établir des templates d’analyse pour répondre à notre principale question : Quelles sont les lignes et les trains les plus fiables ?

Un train est considéré à l'heure lorsqu’il a moins de 6 minutes de retard. C’est la méthode de calcul inscrite dans le contrat de gestion d'Infrabel.

Nous avons choisi les créneaux horaires en heure de pointe (6h-9h et 16h-19h), tels qu’ils sont définis par Mobipulse (l’outil d’Infrabel qui prend le pouls de la ponctualité sur le rail). Sont analysés les jours de la semaine, pas les week-ends.

Le choix des lignes a été un choix arbitraire, guidé par l’ASBL Navetteurs.be. Les lignes choisies sont principalement des lignes directes. Les trajets avec correspondance n'ont pas été pris en compte.

La gare à Bruxelles de référence est la gare de Bruxelles-Central (contrairement à la SNCB qui compte la ponctualité des trains à leur arrivée dans la première gare bruxelloise).
Tous les chiffres de ponctualité des trains et des lignes sont des chiffres d'arrivée à leur gare de destination, et non la ponctualité à la gare de départ.

Bonne lecture !