Portrait de Rosario Valke

Rosario Valke

56 ans

Belge

Rosario Valke, bonne humeur, gentillesse et chienne de vie

Son prénom, il le devait à un petit Italien qui fréquentait l’école de sa maman et s’était pris d’amitié pour elle. Rosario Valcke, né à Menin en 1957, est mort à l’aéroport de Zaventem, le 22 mars 2016.

L’aéroport était devenu son refuge depuis qu’il avait perdu son emploi de cariste (conducteur de chariots élévateurs) et son logement. Il y dormait la nuit puis regagnait le village de Zaventem où vit sa mère, Nicole Hamel, 79 ans. Presque tous les jours, sur le coup de midi, il rejoignait celle-ci au New Carré, un snack-bar posé entre l’église Saint-Martin et le parc bordé d’un étang qui fait la fierté de la localité.

C’est là que, histoire d’arrondir sa maigre retraite, Nicole Hamel a travaillé pendant 17 ans après avoir passé sa vie chez Belgavia, à préparer des repas pour les passagers de la Sabena.

L’après-midi, Rosario faisait la tournée des bistrots de Zaventem. "C’était un bon vivant", racontent tous ceux avec qui, au café Cité, il partageait une tournée de bières, jouait aux cartes, parlait du RWDM, le club de football de cœur de cet ancien joueur du FC Nossegem.

Plus de travail, plus de toit, pas de permis de conduire, pas vraiment de vie amoureuse même si on lui connaissait une "petite amie" à Malines, où il se rendait en bus, son unique moyen de locomotion. La vie du "Rosse", comme le surnommaient ses copains, était pénible, mais cela ne l’empêchait pas de faire rire son monde quand il imitait Micky Curry, le batteur de Bryan Adams, ou chantait les hits de Simple Minds. "Mais sa première chanson, alors qu’il était encore tout petit, c’était ‘J’entends siffler le train’, de Richard Anthony. Il la reconnaissait à la première note et se mettait à susurrer ‘et z’entends sniffer le chien’", raconte, émue, sa mère.

Laquelle loue un petit logement social où il n’y avait, explique-t-elle, qu’une chambre. "Ma pension ne me permettait pas d’en prendre un plus grand pour loger Rosario", murmure-t-elle, un voile de regret dans les yeux.

Le matin de l’attentat, Nicole Hamel ne s’est pas inquiétée. "Quand un voisin m’a expliqué que toutes les sirènes que nous entendions passer sous nos fenêtres, c’était à cause d’une bombe qui avait explosé à l’aéroport, à 8 heures, je me suis dit que Rosario ne risquait rien puisqu’il devait se rendre très tôt à un entretien d’embauche dont il attendait beaucoup."

Mais les jours passent et toujours rien. "A partir du vendredi, je me suis réellement inquiétée. Et le mardi suivant, j’ai entendu sonner. J’ai entrouvert ma porte. On m’a mis une carte de policier sous le nez. J’avais compris."

Depuis, Nicole Hamel passe ses journées au New Carré entourée d’amies qui sont aux petits soins pour elle. "Je ne parviens pas à pleurer mais je vois Rosario partout, à chaque arrêt de bus, derrière la vitrine des cafés où il aimait boire un verre, partout."

Aujourd’hui, Rosario Valcke, à qui une chienne de vie n’aura jamais enlevé sa bonne humeur et sa gentillesse "qu’il avait de naissance" repose au cimetière de Zaventem, le village qu’il n’a jamais quitté. Le cimetière où l’ont accompagné plusieurs centaines de personnes le jour d’un enterrement rendu possible par la générosité d’un entrepreneur de pompes funèbres et d’amis. "Car, de la commune, je n’ai reçu aucun soutien", confie sa mère. "Même pas une visite de sympathie."

Jean-Claude Matgen


Tous les portraits