Les dix mots clés
du nouveau Japon

Premier calendrier de l'ère Reiwa, qui débutera le 1er mai 2019. (Photo Charly Triballeau/AFP)

Premier calendrier de l'ère Reiwa, qui débutera le 1er mai 2019. (Photo Charly Triballeau/AFP)

1. Heisei

L’ère de l’accomplissement de la paix

L'empereur Akihito lors de son intronisation, en 1990. (Photo Belga)

L'empereur Akihito lors de son intronisation, en 1990. (Photo Belga)

Le 30 avril 2019, l’empereur du Japon Akihito abdiquera. La passation de pouvoir symbolisera la fin de l’ère Heisei, entamée en 1989, lorsqu’il a pris la succession de son père Hirohito. Dans le système japonais, le règne de chaque empereur donne lieu à une nouvelle ère (gengô, ou nengô), qui débute lors de son intronisation (1989 fut donc Heisei 1, 2018 était Heisei 30).

Jusqu’au bout, le 125e empereur du Japon, garant de la lignée Yamato (qui règnerait sur le Japon depuis 660 avant Jésus-Christ), se sera démarqué. Né avant la Seconde Guerre mondiale, il est le dernier empereur élevé dans son enfance comme un “dieu vivant”. La Constitution de 1947 imposée par les Etats-Unis après la défaite du Japon retire à l'empereur tout pouvoir politique (et même son titre de chef de l'État). Il n’est plus que “Symbole de l'État”.

Plus que son père Hirohito, décédé en 1989, il a appartenu à Akihito d’incarner ce changement - ce que semblait symboliser le nom de son règne, Heisei,  officiellement traduit par « accomplissement de la paix ».

Soucieux de modernisation - peut-être plus que le Japonais ordinaire -, Akihito s’est distingué. D’abord, en épousant une roturière catholique, Michiko Shoda. Ensuite, en décidant de garder leurs enfants auprès de lui pour les élever.

L'empereur et l'impératrice visitant les sinistrés de Fukushima. (Photo Belga/AFP)

L'empereur et l'impératrice visitant les sinistrés de Fukushima. (Photo Belga/AFP)

Akihito a cultivé une image de proximité. Déjà présent auprès des victimes après le séisme de Kobe, en 1995, il a compensé les atermoiements des autorités après la triple catastrophe en mars 2011, en s'exprimant pour la première fois de son règne directement à la télévision, afin d'affirmer son soutien aux victimes. Sa visite à des sinistrés, où on l’a vu avec l’impératrice s’agenouiller devant eux, a marqué les Japonais.

L’empereur a mis aussi un point d’honneur à défendre le pacifisme hérité de la Seconde Guerre mondiale - au point de s’opposer dans les limites de la réserve politique qui lui est imposée - à son très nationaliste dernier premier ministre Shinzo Abe.

Ce dernier lui refusait même l’abdication. Au point qu’Akihito l’a finalement annoncée lui-même lors d'une allocution télévisée.  

L'ère Heisei aura duré trente ans, trois mois et 23 jours.

2. Ushinawareta jūnen

La Décennie perdue

Traders à la bourse de Tokyo au début de la crise bancaire asiatique, en 1997 (Photo EPA)

Traders à la bourse de Tokyo au début de la crise bancaire asiatique, en 1997 (Photo EPA)

L'année où Akihito est monté sur le trône marqua le faîte du « miracle économique » japonais : en 1989, l'indice boursier Nikkei atteint son plus haut niveau, à 38 957 points. Les industries automobiles (Toyota, Nissan, Honda, …) et électroniques (Fujitsu, Mitsubishi, Canon, Panasonic, Sony, Akai, Nintendo,..) inondent le monde de leurs produits.

Exsangue à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon se redresse spectaculairement après 1945, avec l’aide des Etats-Unis, qui y voient un rempart face à la montée du communisme en Asie. Avec une croissance annuelle à deux chiffres entre 1965 et 1970, le Japon devient la 2e puissance économique mondiale en 1968. Il est en excédent commercial avec l’ensemble des pays industrialisés.

Afin de freiner les exportations japonaises, et réduire leur déficit commercial, les États-Unis imposent les Accords du Plaza en 1985. Ils débouchent sur une baisse du cours du dollars et un rapatriement rapide de capitaux japonais (en dollars) en provenance des États-Unis. Cet afflux de dollars dévalués est absorbé dans une bulle immobilière spéculative qui éclate en 1990. Les exportations baissent.

Le Japon entre dans une période de stagnation économique et de chômage, accentuée par la crise asiatique de 1997, qui entraîne la faillite de plusieurs banques nippones. Cette longue récession (les prix du foncier ont baissé jusqu'en 2005) est appelée la "décennie perdue" (ushinawareta jūnen) et la génération active des 30-45 ans qui l’ont vécue est surnommé “génération perdue”.

Si l’économie a repris à partir des années 2000 (au prix de l'intervention de la Banque centrale et d'une dette publique devenue la plus importante de l'OCDE), la crise des subprimes de 2008 et la triple catastrophe de 2011 (tremblement de terre, tsunami et accident nucléaire de Fukushima), conjuguées à la crise démographique, n’ont pas permis au Japon de retrouver son dynamisme. S’il reste la 3e puissance économique mondiale, l’archipel peine à rester compétitif face à ses deux voisins et rivaux, la Chine et la Corée du Sud, dont sa propre économie est désormais dépendante.

Sa balance commerciale avec la Chine, son premier partenaire économique, est négative. En 2018, l'ensemble de sa balance commerciale a été dans le rouge, pour la première fois depuis trois ans, conséquence de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine.

3. Shimaguni-konjo

Mentalité insulaire

Manifestation d'un mouvement nationaliste, à Tokyo, en 2011. (Photo EPA/Franck Robichon)

Manifestation d'un mouvement nationaliste, à Tokyo, en 2011. (Photo EPA/Franck Robichon)

Dans les années 1970-1980, les Japonais se référaient souvent à l'insularité, comme clé de leur mentalité et de leur singularité, sous le terme shimaguni-konjo. De même, nihonjinron désigne les théories sur la singularité supposée du Japon - non exemptes de nationalisme, voire de xénophobie. L’époque du « miracle économique » a mis en exergue la résilience, la ténacité et la discipline d’une nation dont la supposée homogénéité ethnique reste vantée et appréciée et où le respect de la hiérarchie et des normes (familiales, sociales et culturelles) est une vertu cardinale.

Tout qui et tout ce qui n’est pas japonais suscite méfiance, sinon rejet. De longue date, l'étranger est appelé gaijin, abréviation de gaikoku-jin (littéralement "personne de l'extérieur"). A l'origine, le mot était péjoratif, marque de séparation étanche avec le "dehors" (soto). Aujourd'hui, gaijin est moins péjoratif et désigne surtout les Occidentaux, Gaikoku-jin englobant tous ceux qui ne sont pas des Japonais de souche - notamment Chinois et Coréens.

Dans les deux cas, même sans connotation négative, l'expression souligne l'idée que tout étranger reste un intrus. En témoigne aussi le terme nikkejin, qui désigne les descendants des migrants japonais installés en Amérique du Sud au début du XXe siècle, dont le retour fut favorisé au début de l’ère Heisei pour pallier la natalité en berne. Ils suscitent le même type de préjugés que les migrants nord-africains en Europe : ils auraient des mœurs différentes, "voleraient" le travail des Japonais, abuseraient des aides publiques, leurs enfants seraient délinquants et incapables de s'intégrer...

De surcroît, le Japon applique le jus sanguinis  (droit du sang) : la nationalité - même pour un enfant né au Japon - ne peut être accordée que si un des parents est d’origine japonaise et détient la citoyenneté. De manière piquante, les enfants d'unions mixtes - qui ne sont donc pas considérés comme cent pour cent japonais - sont désignés d'un terme emprunté à une langue étrangère : halfu (de l'anglais half, demi).

Mais la « décennie perdue  » et l’incapacité des entreprises japonaises à s’adapter à la troisième révolution industrielle (celle du numérique) ont révélé les limites du « modèle japonais » et du nihonjinron. 
Plus ouverts sur le monde, plus polyglottes et plus curieux, les Japonais nés après 1989 (la « génération Heisei ») sont aujourd’hui moins enclins à entrer dans le moule que leurs aînés de la « génération perdue ».

Une nouvelle génération de sportifs de haut niveau, d’origine métisse (dont la championne de tennis Naomi Osaka), offre un visage avenant au multiculturalisme. Et face à la crise démographique, le mot « immigration » n’est plus un tabou. Si le Japon reste très homogène, vu de l'extérieur, il s’ouvre petit à petit à une plus grande mixité sociale et culturelle.

4. Kōreika shakai

La société vieillissante

Une seniorerie, à Niigata. (Photo Everett Kennedy Brown/EPA)

Une seniorerie, à Niigata. (Photo Everett Kennedy Brown/EPA)

L’année où Akihito monta sur le trône, l’indice de fécondité du Japon tomba à son taux le plus bas, 1,57. Depuis, la population du Japon diminue et vieillit inexorablement. L’âge médian y est de 46 ans. Le futur empereur Naruhito, déjà âgé de 59 ans, en est l'incarnation malgré lui du pays le plus âgé du monde. Un Japonais sur cinq a 70 ans ou plus.

Depuis 2008, le pays perd plus de citoyens qu’il n’en gagne. De 127,5 millions, la population pourrait chuter à 88 millions d’âmes en 2050, si les tendances de la natalité ne se modifient pas.

Conjuguée à une espérance de vie la plus élevée au monde, la dénatalité entraîne une shōshikōreika shakai, une “société à faible natalité à fort taux de vieillissement”, où la part  la croissance des plus de 65 ans dans la population totale ne cesse de croître (22 % en 2010, et probablement supérieure à 30 % à l’horizon 2040).

Le « trou de la sécu » japonais en est devenu abyssal, grevant un quart des dépenses publiques, tandis que le pays affronte une grave pénurie de main-d’œuvre. Afin de compenser les deux, huit millions de seniors exercent déjà des métiers non qualifiés, parfois de labeur : concierges, nettoyeurs, caissiers,... Tout en palliant le manque de main-d'œuvre, ils complètent leur maigre pension.

5. Genkai shuraku

Village en voie de disparition

Maison abandonnée dans la préfecture de Niigata. (Photo A.Lo.)

Maison abandonnée dans la préfecture de Niigata. (Photo A.Lo.)

Dès que l'on sort des grandes villes et de l'axe Tokyo-Osaka, on découvre un pays en dépeuplement. Dans les localités rurales, les maisons et commerces abandonnés sautent aux yeux. Dans la préfecture de Niigata, qui enregistre une baisse annuelle moyenne de sa population parmi les plus importantes du pays, nous avons vu des villages et hameaux qui luttent pour leur survie, comme le hameau d'Iketani, qui ne compte plus que 22 habitants.

En 2016, 46,4% des communes japonaises étaient classées en «surdépeuplement», c’est-à-dire en phase de déclin démographique sévère. Elles ne regroupent que 9% de la population mais englobent les six dixièmes du territoire national - touchant notamment les zones rurales et les zones agricoles qui souffrent d’un manque de main d’œuvre problématique. C’est le « Japon du vide », avec des densités inférieures à 50 habitant/km², alors que la moyenne nationale s’élève à 350 hab/km².

Ce phénomène menace l'industrie agricole, vitale. L’âge moyen du paysan est désormais de 67 ans. Il manque déjà 70 000 actifs dans les champs et les rizières. Pour résoudre ce problème, le gouvernement a lancé un programme de « revitalisation » des régions. S'il existe un courant de « retour à la terre », que les Japonais appellent furusato, chez les moins de 40 ans, « c’est un phénomène limité, qui ne pourra pas inverser la tendance du dépeuplement » nous a expliqué Rémi Scoccimarro, docteur en géographie et chercheur à la Maison franco-japonaise de Tokyo, qui étudie le sujet depuis vingt ans.

6. Shukatsu

Recherche d’emploi

La nouvelle ère impériale va débuter avec une révolution dans le monde du travail japonais. Le Keidanren, la fédération patronale japonaise, a annoncé en octobre que d’ici 2020, les entreprises aboliront le shukatsu.

En vigueur depuis 1953, cette tradition permettait l’engagement des jeunes diplômés dès leur troisième année d'université. Porte ouverte à un engagement à vie, cette présélection garantissait carrière, formation continue et promotions à intervalle régulier, suivant un système hiérarchique aussi rigoureux que rigide.

Si rigide qu’on estime qu’il a en partie desservi l’évolution et la compétitivité des entreprises japonaises, depuis le début du millénaire et de l’e-économie, plus fluide et horizontale. La pénurie de main d’œuvre (il manquait 1,21 million de travailleurs en 2017, le chiffre pourrait être cinq fois plus élevé en 2030) a entraîné une inversion de la logique du shukatsu : alors que naguère, les étudiants étaient en concurrence entre eux, forçant l’excellence, désormais, ils bénéficient d’une pléthore d’offres. L’avenir incertain et les aléas de l’ère Heisei les rendent moins enclins à s’engager à vie.

7. Trainee

Apprenti

Outre la transition impériale, un autre bouleversement surviendra en avril : le Japon ouvrira officiellement ses portes aux travailleurs étrangers. Rétif à l'immigration (qui représente moins de 2% de la population), notamment économique, le Japon pratique le déni en la matière.

Jusqu’ici, le Japon n’acceptait que les travailleurs étrangers « qualifiés », des étudiants et des apprentis (ou trainees) dans le cadre d’un programme de « formation technique interne » ( Japanese Industrial Trainee and Technical Intern Program (TTIP) )- une forme discrète d’immigration choisie et temporaire aux règles très strictes.

Confronté à une baisse démographique drastique, le Japon voit son modèle économique menacé par la réduction de sa population active. La population en âge de travailler - entre 15 et 64 ans - a baissé de 12% en 20 ans. Afin de maintenir constante sa population active à l'horizon 2050, le pays devrait accueillir 650 000 travailleurs étrangers.

« La société japonaise ne peut plus fonctionner correctement sans des étrangers » écrivait le quotidien Asahi Shimbun en juin dernier. «Nous devons nous assurer qu'ils retournent chez eux après quelques années», réplique le premier ministre conservateur Shinzo Abe, qui a sponsorisé la nouvelle loi, en faisant violence à sa base nationaliste.

En décembre, la Diète (le parlement japonais) a voté une loi qui devrait permettre à plus de 345 000 travailleurs non qualifiés d’obtenir un visa au cours des cinq prochaines années, à partir de ce mois d’avril 2019.

Jusqu’ici, le gouvernement autorisait les étudiants étrangers à travailler à temps partiel (jusqu’à 28 heures de travail par semaine, voire 40 heures pendant les vacances). En pratique, plus de 90 % des étudiants internationaux sont des dekasegi ryûgakusei (littéralement « étudiant-travailleur migrant » ), occupant des emplois non qualifiés, dans des conditions parfois proche d’un « esclavagisme moderne » selon un de nos interlocuteurs.

8. Kekkon shinai

« Je ne me marierai pas »

Femme solitaire, à l'entrée d'un restaurant à Tokyo. (Photo AFP)

Femme solitaire, à l'entrée d'un restaurant à Tokyo. (Photo AFP)

Cette série diffusée depuis 2012 a pour héroïnes deux femmes célibataires, Chiharu et Haruko. Elle reflète une réalité : la pression sociale et les règles non écrites du travail amènent de plus en plus de femme à ne pas se marier, ce qui entretient la faible natalité. Malgré les injonctions de combler le manque de main-d'œuvre, les femmes japonaises peinent encore à concilier carrière et vie de famille. Devenue en juin dernier la plus jeune maire du Japon, à 31 ans, Haruka Kuwabara a dû d’abord affronter l'avis négatif de son mari et de ses parents.

L’ère Heisei aurait pu être celle de la révolution féminine du Japon. Quatre ans avant son avènement, le parlement vota une loi sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Mais le cycle de stagnation de la « décennie perdue » n’a pas amélioré la situation : de 26,64 millions en 2008, le nombre de femmes actives restait en dessous de 30 millions en 2018, à 29,46 millions, dont 70% exercent des emplois temporaires ou à temps partiels.

En matière d’inégalité hommes-femmes, le Japon se classe 110e sur 149 nations, selon le rapport du Forum économique mondial - dernier parmi les membres du G7.

9. Omotenashi

Hospitalité

Touristes au temple Sensoji, à Tokyo. (Charly Triballeau/AFP)

Touristes au temple Sensoji, à Tokyo. (Charly Triballeau/AFP)

L'omotenashi désigne l'hospitalité traditionnelle au Japon - que tout touriste peut apprécier. Bon gré mal gré, le Japon fait du tourisme un nouveau pilier économique, profitant de la popularité internationale de sa culture de masse, qui s’est imposée durant l’ère Heisei à coups de mangas, de films et de J-Pop.

En dix ans, le nombre de visiteurs au Japon a quintuplé, de 8,6 millions à près de 25,5 millions. Un touriste sur huit est chinois, pour un total de 6,5 millions.

Le gouvernement entend profiter de cette manne : depuis le 7 janvier, toute personne (japonaise ou étrangère) quittant le territoire doit s’acquitter d’une taxe de 1000 yens (environ 8 euros). Avec la Coupe du monde de Rugby de 2019 et les Jeux olympiques de 2020, la mesure devrait rapporter 50 milliards de yens (environ 395 millions d’euros). On peut avoir le sens de l’accueil et celui des affaires.

10. Reiwa

Vénérable harmonie ou harmonie ordonnée

Le chef de cabinet Yoshihide Suga présente les kanjis formant le mot Reiwa le 1er avril. (Photo Kazuhiro NOGI / AFP)

Le chef de cabinet Yoshihide Suga présente les kanjis formant le mot Reiwa le 1er avril. (Photo Kazuhiro NOGI / AFP)

Le nom de la nouvelle ère impériale a été choisi le 1er avril dernier par un comité composé d'experts et de membres du gouvernement japonais. « Le printemps vient après l'hiver sévère, ce nom veut marquer le début d'une période qui déborde d'espoir » a expliqué le premier ministre Shinzo Abe. Ce qui ressemble au voeu pieux que le règne de l’empereur Nahurito marquera un nouveau rayonnement du Japon après les déboires de l’ère Heisei, marquée par l’éclatement de la bulle et les drames de Kobe et Fukushima.

Le terme, formé de deux kanjis (les idéogrammes japonais) est tiré d'un court poème japonais qui fait référence à la nature. Il est extrait de la plus ancienne anthologie de poésie japonaise appelée Manyoshu, vieille de 1200 ans.

A la traduction « officielle » , « vénérable harmonie » , la traductrice française Corinne Atlan préfère « Harmonie Ordonnée » « pour respecter l’ambiguïté du japonais » , nous précise-t-elle. Rei signifiant « bon » , « agréable » , « honorable » au sens classique mais aussi « commandement » , « ordre » , autre sens perçu par l’ensemble des Japonais à travers le kanji qui « représente  un personnage agenouillé ou se prosternant sous une puissance supérieure » donc pouvant être assimilé à la nation d’unité, de rassemblement, d’ordre... « Je pense que la traduction « vénérable » tente de représenter aussi cet aspect de « soumission à l’ordre » avec le sens de vénérer le pouvoir impérial » conclut Corinne Atlan.

Interprétation d’autant plus plausible, quant on sait que le nom a été choisi sous les auspices du très nationaliste premier ministre Abe. C'est aussi la première fois qu'il s'agit d'un terme issu de la littérature japonaise et non chinoise (l’écriture  japonaise découle de la chinoise et la tradition de nommer les ères impériales est un héritage de la cour impériale chinoise). On peut là aussi y lire une affirmation identitaire face à la montée en puissance économique et géopolitique de la Chine depuis trente ans.