Black Mirror, Sight... Les fictions imaginent l’Homme du futur comme un humain bionique et hyper-connecté. A l’abri des regards, des grandes sociétés comme Samsung, Sony, Novartis et Google planchent sur l’utilisation des « smart contact lens », entendez « les lentilles de contact intelligentes » dans notre quotidien.
Que cela soit à usage ludique, comme prendre des photos d’un clignement de l’œil, ou à usage médical, en calculant la glycémie d’un patient diabétique, la réalité pourrait peut-être bientôt rattraper la fiction.
Sony a déposé l'année dernière une demande de brevet portant sur une lentille de contact connectée capable de photographier à partir d’un simple clignement de l’œil.
Comment ça marche ? Sur base de la perception du mouvement, la lentille capte la lumière comme un appareil photo classique et envoie l’image sur un appareil numérique tel un smartphone. Des capteurs sont chargés de déceler s'il s'agit d'un clignement volontaire ou d'un réflexe. Les mouvements de paupières permettraient aussi de zoomer ou de réaliser une mise au point. Niveau autonomie, le système marche grâce à des capteurs piézoélectriques, convertissant les mouvements de l'œil en énergie, un peu comme le principe de la dynamo en somme.
De son côté, Samsung s'est aussi lancé dans la course à la
« smart lens ». La marque coréenne voudrait intégrer, en plus des photos, une mini-caméra et un système de réalité augmentée. Ces lentilles auraient en plus une antenne pour communiquer avec un smartphone ou un ordinateur. Le déclenchement et l’autonomie restent, eux, pareils.
Mais la grande question est : comment miniaturiser les composants sans mettre en danger les utilisateurs ? Le docteur Monique Cordonnier, ophtalmologue et chef de service d’ophtalmologie à Erasme, souligne les risques liés à l’utilisation de lentilles au quotidien : « Il faut apprendre à les manipuler, il y a toujours des petits risques comme une blessure de la cornée ». A cela s’ajoute évidemment les problèmes liés à l’électronique.
Au-delà de son moteur de recherche, Google est également l’une des entreprises leaders en matière de recherches. Elle investit chaque année des milliards de dollars dans le secteur de la santé, notamment à travers sa filiale de recherches médicales Verily créée en décembre 2015. Et sa participation n’est pas des moindres : 36% de ses investissements en 2014 portaient sur la santé.
En collaboration avec Alcon (filiale de Novartis), Google s’est lancé dans un nouveau projet portant sur l’amélioration de la vue. Le nouveau prototype de lentille pourrait corriger la presbytie grâce à des mini-capteurs qui adapteraient la vision en fonction de la lumière. Cette lentille serait intraoculaire. Dans un premier temps, le cristallin serait retiré. Pas de simple visite chez l’ophtalmologue cette fois, mais une opération chirurgicale. Diffusée sous forme de liquide à l’intérieur de la membrane de l’œil, la lentille se solidifierait.
Le professeur Monique Cordonnier, ophtalmologue, n’est pas convaincue par le projet. « J’ignore si c’est vraiment réalisable. Ce que je sais, c’est que la presbytie n’est pas uniquement liée à un déficit d’apport de lumière. Je suis donc perplexe. »
Mais le concrétiseront-ils ?
En juin 2016, un scandale vient ternir ce beau projet. Un ancien salarié de Google dévoile dans une interview à Stat, site spécialisé dans les informations médicales, qu’en réalité le projet n’a jamais dépassé le stade du PowerPoint.
Autre son de cloche. Quelques mois plus tard, Alcon (filiale de Novartis) annonce que le développement de la lentille ne pourrait tenir les délais. Pas encore prêtes à être commercialisées, les lentilles de contact du futur restent donc à l’état de projet. Leur concrétisation devait voir le jour aux alentours de 2020. Aucun test sur les humains n’est à l’ordre du jour. Pour l’instant, les essais se limitent aux animaux et à un œil reproduit à grande échelle. Du moins, c’est ce que dit officiellement Google.
Il arrive que certaines sociétés déposent des brevets pour couper l’herbe sous le pied de ses rivaux. Une chose est sûre, pour le moment, personne à part Google ne sait réellement où en est le projet.
Mais pourquoi Google l’abandonnerait-il ? Le professeur Laurent Crenier, directeur de la clinique de diabétologie d’Erasme, a son propre avis sur la question : « Pourquoi Google s’intéresse à cette technologie à votre avis ? Tout simplement parce que son core business est le big data et l’intelligence artificielle. Les analyses des gens seraient conservées dans le cloud. Ca l’arrange. De plus, Google recherche des capteurs de paramètres vitaux pour travailler sur l’intelligence artificielle ».
En attendant les promesses du géant de Mountain View, les autres sociétés pharmaceutiques n’ont pas attendu pour développer de nouvelles techniques. « En soi, c’est une bonne idée », admet le diabétologue, « et c’est vrai que lorsqu’ils l’ont annoncé, ça paraissait être un grand progrès. Depuis, d’autres choses sont apparues sur le marché. Et donc, il est possible qu’ils aient laissé ce projet de lentilles connectées de côté ».
Et s’il est envisageable que le dossier soit finalement au point mort, les Coréens, eux, assurent avoir bien avancé dans leurs recherches et se voient déjà pionniers de la technique…
Pourquoi une lentille donnant en temps réel le taux de glycémie serait révolutionnaire ?
1. Cette méthode serait bien moins invasive que la technique actuelle qui vise à piquer jusqu’à quatre fois par jour les diabétiques afin de contrôler leur taux.
2. Elle éviterait la douleur provoquée par les piqûres.
3. Un meilleur contrôle du taux de glycémie diminuerait la mortalité et les complications dues à la maladie.
4. La technique permettrait de diminuer le risque d’hypoglycémie.
5. Le médecin pourrait suivre avec précision l’évolution de la courbe glycémique.
6. Les doses d’insuline à administrer seraient plus précises.