L'apparition de l'Homme sur Terre vous semble-t-elle remonter à la nuit des temps ? Pourtant, si toute l'histoire de l'Univers était représentée sous la forme d'un calendrier annuel, cet événement ô combien important ne se serait produit que le 31 décembre à 21h. Très récemment, donc.
Pour donner à tout à chacun une meilleure idée de la chronologie de la naissance de notre Univers, Carl Sagan, astronome américain, a imaginé le concept de « calendrier cosmique ». Le créateur de la série Cosmos part du principe qu'un jour correspond à 37,5 millions d'années. En 365 jours, il est ainsi possible de retracer les 13,7 milliards d'années de notre Histoire.
Sans tarder, remontons le temps au moment où les dinosaures sont apparus, où la vie est née, où la Terre a été créée et où notre Univers est apparu. Tout commence le 1er janvier à minuit…
« Vers la deuxième moitié des années 1920, plusieurs scientifiques, dont le chanoine belge Georges Lemaître se sont penchés sur la question de savoir quelle était la géométrie qui décrivait notre univers tout entier. A partir d'hypothèses générales sur sa nature (homogénéité, isotropie), ils sont arrivés à un modèle qui décrivait de manière inévitable un univers en expansion. En remontant le cours du temps, l'univers devait donc fatalement avoir commencé dans un état extrêmement dense et chaud, qui a été baptisé Big Bang », explique Stéphane Detournay, chercheur qualifié FNRS au sein du Service de Physique Théorique Mathématique à l'ULB.
Au commencement, il y avait donc ce que l'on appelle une « singularité », un point immensément plus petit qu'une tête d'épingle qui contenait toute la matière et l'énergie de l'Univers. Tout à coup, ce point s'est dilaté à une vitesse extrême, ce qui fait souvent penser, à tort, à une explosion. Le Big Bang a, selon la théorie généralement admise, entre autres choses donné naissance à l'espace-temps. « Si l'on admet cette définition, il ne s'est donc rien passé avant le Big Bang puisque l'espace et le temps sont nés avec lui », continue Stéphane Detournay.
Pendant la période qui a suivi le Big Bang, la lumière s'est propagée dans l'Univers, toutefois, « la température était telle que les électrons étaient trop chauds et énergiques pour se lier aux noyaux atomiques et former des atomes. La lumière se propageait donc dans une sorte de brouillard et ne pouvait se déplacer librement », souligne l'expert. Heureusement, au bout de 380.000 ans, la température baissa. Les électrons purent donc se lier aux protons et former les premiers atomes d'hydrogène. « La lumière put enfin se propager librement. Les photons de l'époque peuvent toujours être observés dans le ciel aujourd'hui. Ils forment ce que l'on appelle le fond diffus cosmologique qui est la première photographie de notre Univers », souligne Stéphane Detournay.
Une fois que l'Univers s'est suffisamment refroidi, des poches de gaz ont été attirées les unes vers les autres pour faire naître les premières étoiles (10 janvier). Celles-ci se sont unies pour former les premières galaxies (13 janvier) qui ont elles-mêmes donné naissance à de plus grandes galaxies comme notre
Voie lactée (15 mars).
(L’année zéro a été choisie de manière purement arbitraire pour que vous puissiez mieux visualiser le calendrier).
Ce processus complexe que les scientifiques peinent encore à comprendre a pris près de neuf mois. Au terme de cette grossesse est née la Terre, le 14 septembre. Ses parents ? Un nuage de gaz et de poussières en orbite autour de notre jeune soleil. « Les poussières se sont agglomérées. Par la suite, ces agglomérats se sont entrechoqués pour former des planétoïdes qui, eux-mêmes, ont fini par former les planètes de notre système solaire et, parmi elles, la Terre », explique Véronique Dehant, planétologue à l’Observatoire Royal de Belgique.
Mais, à cette époque, la Terre n’a rien d’un endroit où il fait bon vivre. Elle ressemble plutôt à l’idée que l’on se fait de l’enfer. Des océans de lave coexistent avec des roches en fusion. Dans l’air, il n’y a que du gaz carbonique, de l’azote et de la vapeur d’eau.
Comme si cela ne suffisait pas, une protoplanète nommée Théia aurait, selon une théorie développée dans les années 70 et récemment confirmée par une étude publiée dans le magazine Nature, foncé droit sur nous à une vitesse très élevée. L’impact est inévitable. Des milliards de tonnes de matière sont éjectées dans l’espace suite au choc. Cette matière en orbite qui a donné naissance à notre Lune. « C’est d’ailleurs pour cela que la minéralogie de la Lune et celle de la Terre sont si proches », souligne Véronique Dehant.
La Terre, qui a maintenant une proche voisine pour lui tenir compagnie, s’apaise quelque peu et se refroidit. Mais elle n’a pas fini d’être la cible d’agressions violentes. Durant des millions d’années, des pluies de météorites vont s’abattre sur elle. Un mal pour un bien. Chacun de ces corps célestes contient en effet de minuscules gouttelettes d’eau qui, à force de patience et de temps, vont devenir des océans.
Notre planète n’a toutefois pas perdu le caractère impétueux qui la caractérisait à sa naissance. Des vents forts la balayent pendant que de grandes marées y déferlent. « Ces marées plus importantes sont dues au fait que la Lune était à l’époque beaucoup plus proche de la Terre qu’aujourd’hui. Nous savons d’ailleurs avec certitude que le satellite de la Terre continue encore aujourd’hui à s’en éloigner puisque des lasers envoyés en direction de rétro réflecteurs installés sur la Lune peuvent mesurer la distance qui les sépare avec précision », note Véronique Dehant.
Dans un dernier soubresaut, la Terre expulse de la roche en fusion à sa surface. Mais, bien loin de menacer l’équilibre retrouvé, celle-ci engendrera le premier continent. Des débuts très douloureux pour notre planète qui ont pourtant permis de réunir les ingrédients propices à l’apparition de la vie.
« A l’époque de sa naissance, la Terre était beaucoup plus proche du Soleil. Par la suite, elle s’en est éloignée et est rentrée dans ce que l’on appelle la zone d’habitabilité du système solaire, qui est une zone où la distance par rapport à l’étoile est confortable pour la vie. De l’eau à l’état liquide peut par exemple y être trouvée », poursuit Véronique Dehant. Si l’eau n’est pas suffisante pour donner la vie, toutes les conditions nécessaires ont en tout cas été rencontrées sur la Terre. L’hypothèse majoritairement admise veut que des protéines primitives se soient assemblées dans l’eau pour former des bactéries monocellulaires. Nous sommes le 25 septembre.
A partir du mois de décembre, les choses s’accélèrent grandement : les premiers invertébrés apparaissent le 17, les poissons et autres vertébrés le 19 et les plantes le 20. Puis c’est au tour des insectes, des amphibiens et des reptiles de se former. Le 25 décembre signera le début du règne des dinosaures. A peine cinq jours plus tard, un astéroïde y mettra fin. « Si celui-ci n’avait pas frappé la Terre, nous n’aurions peut-être jamais existé. Les dinosaures régneraient peut-être toujours en maîtres », explique Neil deGrasse Tyson, un astrophysicien américain.
Et l’Homme dans tout ça ? Il n’est apparu que le 31 décembre, à 21h. De quoi nous faire relativiser l’importance que nous nous donnons aujourd’hui. Toutefois, cela veut dire aussi qu’il nous a fallu seulement trois heures pour bâtir notre société actuelle. Mieux : en 14 secondes, nous avons eu le temps d’inventer l’écriture, de bâtir de gigantesques cités, d’explorer le monde et même d’aller sur la Lune. Quatorze secondes qui ont, il est vrai, été le théâtre d’événements plus sombres mais qui nous ont avant tout permis de nous faire une idée plus nette des origines de notre Univers.
Si la fin de l’Univers est prévue dans des dizaines de milliards d’années, les scientifiques ont déjà mis en avant plusieurs scénarii qui pourraient l’expliquer.
- Le Big Crunch : Il s’agit d’une sorte de Big Bang inversé. Nous l’avons vu, l’espace-temps est né grâce au Big Bang, à partir d’une singularité minuscule. L’Univers, à la fin, pourrait donc revenir à son état d’origine. Toute la matière s’effondrerait ainsi sur elle-même. Toutefois, ce scénario a été remis en question lorsque des scientifiques ont établi qu’il devait y avoir une forme d’énergie qui empêcherait l’Univers de s’effondrer. Cette forme d’énergie hypothétique, qui agirait comme une force gravitationnelle répulsive, est appelée « énergie sombre ».
- Le Big Freeze : Puisque l’Univers est toujours en pleine expansion, les astrophysiciens supposent que celle-ci continuera indéfiniment. L’Univers pourrait donc s’étendre jusqu’à ce que toutes les sources d’énergie s’épuisent. Les étoiles finiraient par s’éteindre et les galaxies seraient tellement éloignées les unes des autres qu’elles finiraient isolées. L’Univers ne serait donc pas anéanti mais se transformerait en un lieu obscur, froid et désert.
- Le Big Rip : Là aussi l’Univers continuerait de s’étendre, mais à un rythme tellement rapide que toutes les structures finiraient par se déchirer. Les liens entre les atomes seraient brisés. L’Univers, trop étendu, se disloquerait. Il ne resterait à ce moment-là plus rien, tout serait détruit.
Documentaire “La fin de l’Univers”, France 5
Documentaire “Voyage aux origines de la Terre”, France 5
Documentaire “Cosmos, une odyssée à travers l’espace, episode 1”, National Geographic Channel
Entretien avec Véronique Dehant, planétologue à l’Observatoire Royal de Belgique, réalisé en avril 2015.
Entretien avec Stéphane Detournay, chercheur qualifié FNRS au sein du Service de Physique Théorique Mathématique à l'ULB, réalisé en avril 2015.
Photos : REPORTERS