"Ici, on trie en moyenne 30 000 paquets par heure"

A Bruxelles, visite du plus grand centre de tri postal du Benelux

En octobre 2017, bpost inaugurait son tout nouveau centre de tri postal à Bruxelles : le NBX. Avec ses 104 000 m² situés à Neder-Over-Heembeek, il remplace l’ancien entrepôt d’Anderlecht, devenu trop petit. Aujourd’hui, c’est le plus grand centre du Benelux et le deuxième plus grand d’Europe, derrière celui de Leipzig en Allemagne. Dédié au courrier de la Région bruxelloise et du Brabant flamand, le NBX assure le tri de près de 2,5 millions de lettres et 300 000 paquets par jour. LaLibre.be vous fait découvrir les dessous de cette mécanique bien huilée. 

Nous arrivons sur le site en milieu d’après-midi, sous une chaleur écrasante. A l’intérieur, l’ambiance est calme, fidèle à un mois de juillet. Avant d'entrer dans le hall principal, sécurité oblige, notre guide nous fait enfiler des surchaussures et un gilet bleu : “C’est pour se distinguer des employés, parce que si vous entrez là-dedans avec un gilet jaune, on va vous donner du travail”, plaisante Ronny Van Schoor, knowledge manager, 30 ans de poste au compteur.

Nous entrons dans un premier bâtiment, pratiquement vide : le Masspost. Cette partie est réservée aux clients de bpost effectuant des dépôts massifs, comme les prospectus ou les magazines. “Aldi envoie environ 400 000 prospectus par semaine, non adressés”, nous indique le guide. On les appelle aussi les “toutes-boîtes”, car ils se joignent automatiquement à notre courrier du jour. Les envois informatifs y sont également traités, comme les bulletins communaux ou les lettres d’information. “Pendant les élections, on peut monter jusqu’à 40 millions d’envois, surtout lors des communales”, ajoute-t-il.

Plus loin, les quais de chargement semblent s’étendre à l’infini. Il y en a 85 au total, dont 50 réservés aux paquets. “Quand on a beaucoup de colis, ça nous arrive même de déborder sur les quais dédiés aux lettres”, explique Ronny Van Schoor. A cette heure-ci, le hall nous est presque réservé, et pour cause : les camions ne partent qu’au petit matin. Difficile donc d’y croiser du personnel à cette heure creuse de la journée.

Le centre de tri tourne pratiquement 24h/24 et 7j/7. Les 900 employés se partagent les horaires en trois shifts : 6h-14h, 14h-22h et 22h-6h. Sur le deuxième créneau, le volume de travail monte tellement que le centre doit employer des salariés supplémentaires à mi-temps.

Après un rapide tour de l’entrepôt, nous nous dirigeons vers le département du courrier. En Belgique, on compte près de 10 000 boîtes aux lettres rouges bpost installées dans les rues. Entre 15h et 19h, les camions rouge et blanc de la société procèdent à la levée. Ils acheminent le courrier des boîtes jusqu’aux cinq centres du territoire, que sont Anvers, Gand, Liège, Charleroi et Bruxelles. La longue nuit de tri peut alors commencer.

Au département lettres,

bienvenue dans l'antre du tout-automatique

© bpost

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Nous avançons dans la seconde partie du bâtiment. Quelques personnes travaillent au rythme de la musique, diffusée par les hauts-parleurs. Ronny Van Schoor nous présente la machine réservée au courrier grand format, la “MSM” (Mixed Sorting Machine). Il y en a six au total, capables de trier chacune 15 000 pièces par heure. Le système paraît simple, en théorie, mais ces machines sont ultra-perfectionnées. 

Un ordinateur prend en photo chaque enveloppe pour lire l’adresse. Une fois qu’il l’a reconnue, il lui donne une sanction de tri, et l’envoie automatiquement dans la sortie correspondante. Un véritable serpent de mer aux 256 destinations : “3000 Leuven”, “2000 Anvers” peut-on lire sur les écrans des bacs. S’entassent alors des enveloppes “Belfius”, “Politie” ou “Randstad”, avant d’être rassemblées par vague de distribution.

Notre guide est catégorique sur l’écriture de l’adresse : “L’adresse, c’est ce qu’il y a de plus important pour nous, car c’est la seule information dont on dispose. Donc il faut absolument que les adresses en Flandre soient écrites à la flamande, sinon la machine ne les reconnaît pas et alors on doit tout repasser à la main.” Cette phase est souvent externalisée et confiée à des "vidéos-codeurs" qui peuvent être présents dans le monde entier. “En fin d’année, il y a beaucoup d’erreurs dans les adresses, donc ça m’arrive de faire du tri à la maison. Il suffit que je me connecte à mon ordinateur et c’est bon”, confie le manager.

Nous rejoignons maintenant la mezzanine, un espace réservé au courrier des boîtes aux lettres bpost. Patrick, un des seuls employés à y travailler cet après-midi, nous explique ce qu’il doit faire : “Toutes les instructions sont écrites sur l’ordinateur, donc moi je suis surtout là pour recharger la machine de nouvelles lettres à trier.” Et cette tâche demande une attention en continu. Après quelques secondes de discussion avec Patrick, la machine s’arrête : “Là elle s’est stoppée car je n’ai pas eu le temps de recharger le videur. L’ordinateur m’indique justement ces petits arrêts ou les bourrages papier. On peut lire aussi que, depuis deux heures, j’ai trié 61 000 pièces”, précise-t-il.

Vers minuit, il délaissera son écran de contrôle pour s’occuper du séquencement. Cette étape consiste à classer le courrier dans l’ordre de chaque tournée, pour que le facteur reçoive des sacs pré-faits avant de débuter son travail. “Si le facteur doit se rendre aux numéros 1-3-5 d’une rue puis tourne dans une autre pour faire les numéros 6-8-10, eh bien la machine lui aura préalablement ordonné son passage”, nous explique Ronny Van Schoor. “Après il peut toujours se tromper, l’erreur est humaine, mais on l’aide quand même beaucoup grâce aux méthodes électroniques. On est vraiment dans une usine maintenant”, ajoute-t-il. Une fois le courrier trié, il est chargé dans les 117 camions du NBX. Il sera acheminé vers les bureaux de poste très tôt le lendemain matin.

Le hall paquets,

la fourmilière du centre de tri

© bpost

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La visite se poursuit dans la seconde partie du site : le hall des paquets. C’est ici que les colis de tout le pays sont traités. L’entrepôt est aménagé en fonction d’une pièce maîtresse fabriquée sur-mesure : la “PSM” (Parcels Sorting Machine). L’artère principale de cette machine est sa courroie longue de près d’un kilomètre. Au début de sa course, elle emmène le paquet jusqu’aux stations de scannage, pesage et photographie où il se fait inspecter à 360°. Une fois analysé, il est dirigé jusqu’à une sortie, équivalant à un bureau de poste.

Du haut d’un escalier, nous pouvons observer l’ampleur de la production : “Ici on trie en moyenne 30 000 colis par heure, et le tapis défile à 18 km/heure”, précise Ronny Van Schoor. “Le 17 décembre 2018, on a battu notre record de 417 000 paquets triés. Pendant le Black Friday, on n’arrête pas non plus. C’est ce qui nous sauve au final, car la lettre disparaît peu à peu”, ajoute-t-il. Si les lettres permettent une forte automatisation du tri, les paquets sont encore soumis à l’intervention d’opérateurs, notamment pour les “très grands formats” comme les vélos ou les poussettes.

Arrivés dans leur sortie respective, les colis s’entassent dans un chariot à roulette. Sarah est chargée de les changer dès qu’ils sont pleins. Pour cela, elle dispose d’un écran de contrôle qui lui indique la destination et le pourcentage de remplissage du caddie. “Là, c’est calme, mais dans 30 minutes ça sera rempli à vue d’oeil, les sonnettes vont bipper de partout et là faudra courir”, explique la jeune femme.

Les premiers camions quittent le centre de tri vers 3h25 du matin. Les horaires de départ sont calculés en fonction de la distance du bureau de poste par rapport au centre de tri. “Le bureau d’Ostende est loin en théorie, mais on ne fait partir les camions qu’à 4h10 parce qu’il y a une autoroute, et donc en 2h on y est finalement”, nous indique notre guide. La livraison doit être effectuée pour 6h30 au plus tard, n’importe où en Belgique. “Les paquets de chez Coolblue ne nous sont livrés que vers 2h45 au plus tard, donc on a seulement 40 minutes pour trier leurs colis”, nous dévoile le manager. “Du côté de Zalando, ils ne regroupent pas leurs paquets sur des palettes, donc nous devons monter directement dans leurs camions avec une rallonge pour faire glisser les paquets sur la machine”, continue Ronny Van Schoor.

Benjamin s’occupe des conteneurs, il gère la machine qui fait basculer les colis des chariots pour le chargement des camions. “Tout est automatisé, c’est vraiment très facile. Entre 19h et 21h, ça va être le rush, mais moi je ne suis pas dans la partie la plus physique donc ça va”, confie-t-il. Entre le moment où nous sommes descendus voir de plus près la courroie et notre départ de l’entrepôt, l’écran de contrôle affiche 5000 colis triés en plus, un chiffre encore peu élevé selon notre guide : “À 17h30, ça devient un nid de fourmis”, conclut Ronny Van Schoor.