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Des ouvriers précaires

La préservation de la faune et de la flore n’est pas le seul indicateur d’une production durable, il y a aussi le bien-être des ouvriers des plantations. Un rapport de l’ONG suisse Solidar, datant d’août 2019, pointe l’exploitation des travailleurs migrants par les grosses compagnies de palmiers à huile qui approvisionnent de nombreux groupes alimentaires. Selon elle, 70% des ouvriers de ces plantations géantes seraient des clandestins, généralement en provenance d’Indonésie et des Philippines. La relation de dépendance entre ces migrants sans papiers et les propriétaires des plantations crée un climat favorable au travail forcé et au travail des enfants, sans parler des conditions de vie de ces ouvriers qui logent dans les plantations mêmes.

SAKAU, Bornéo: Mahjor Binrbbi, petit agriculteur de 51 ans, récolte des fruits d'huile de palme d'un de ses arbres. Par mois, il peut récolter de 1,2 à 1,9 tonnes de fruits. Aujourd'hui, il vend 346MYR (75 €) la tonne. Mahjor, comme la majorité des petits agriculteurs, vit exclusivement de la culture du palmier à huile. Pour s’assurer de continuer à vendre et de vivre de l’huile de palme, Mahjor est devenu certifié RSPO (Roundtable for Sustainable Palm Oil) et pratique une culture dite durable sans fertilisants chimiques et en respectant l’environnement qui l’entoure, le 10 décembre 2019.

Léna, une jeune Timoraise, mère de trois enfants, est arrivée en Malaisie avec son mari il y a 6 ans. Lui, a trouvé du travail dans une plantation, pendant qu’elle s’occupe du foyer dans leur habitat de fortune sur la route de Sandakan. « Avant, il n’y avait pas d’eau courante ni d’électricité. Maintenant, ça va mieux, mais le plafond est précaire et le sol très inconfortable », explique Léna.

Construit sur pilotis, le plafond de son plain-pied de 15m2 est recouvert de cartons attachés au toit, tandis que le sol tremble à chaque pas. Un seul robinet approvisionne le foyer ; vaisselle et douche se font au même endroit. En-dessous de l’habitation, des bidons de produits chimiques côtoient un vélo d’enfant. Le mari de Léna gagne 37 ringgits par tonne de fruits d’huile de palme collecté, soit l’équivalent de 7,70 euros. Si la journée est bonne, il peut ramasser jusqu’à une tonne. S’il n’y a pas de fruits (les palmiers peuvent produire des fruits jusqu’à deux fois par mois), il coupe les branches ou traite le sol pour 200 ringgits les 25 hectares (± 41 euros). « Tant que mon mari voudra travailler ici, je resterai aussi », dit Léna, non sans sous-entendus.

RSPO

La table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO) réunit, depuis 2004, producteurs, ONG environnementales et sociales, sociétés agroalimentaires, détaillants, banques et investisseurs autour d’un objectif commun : développer des normes mondiales afin de freiner la déforestation, préserver la biodiversité, assurer les moyens de subsistance aux communautés rurales et respecter les droits fondamentaux et conditions de vie des ouvriers des plantations, des petits producteurs et des populations autochtones.

La certification de la RSPO repose sur 39 critères à respecter pour qu’une production soit considérée comme durable. Mais seulement 19% de l’huile de palme produite mondialement est certifiée et de nombreuses ONG dénoncent des faiblesses dans son mécanisme, notamment au niveau de la transparence, de la surveillance et des sanctions. « Il y a des hauts et des bas depuis la création de la certification », constate Harjinder Kler, responsable du développement durable à l’ONG Hutan. « Même s’il y a encore du chemin à parcourir, le respect des droits de l’homme s’est nettement amélioré. »

Bénéfiques pour les travailleurs et l’environnement, les critères RSPO le sont aussi pour les producteurs certifiés, qui « voient leurs revenus augmenter ». « La demande pour de l’huile certifiée augmente en Europe, mais elle reste encore trop basse à mon goût », ajoute Harjinder Kler. « Le problème, c’est que les grosses compagnies n’achètent pas nécessairement RSPO car elles doivent payer un prix supérieur… »

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