Dans les pas
de Jacques Brel,
dans Bruxelles

Quarante années après sa disparition, Jacques Brel
est plus que jamais vivant dans le coeur de ses fans.
La Libre Explore est allée au coeur de l'univers de Brel
Périple 'brelien' dans la capitale,
en compagnie de France Brel, sa fille.

Balade avec Jacques dans Bruxelles

Parcours musical dans la ville de Jacques Brel

D.R.

D.R.

Mon père le dit dans plusieurs interviews, les gens sont quelque part et être de quelque part, c’est important”. Le Bruxelles de Brel est d’autant plus important que tout ce qu’il va écrire sera en rapport avec ses souvenirs d’enfance et d’adolescence.

France Brel dans les murs de la Fondation Brel, février 2019. © Bernard Demoulin

France Brel dans les murs de la Fondation Brel, février 2019. © Bernard Demoulin

Ce Bruxelles est le lieu dont il faudra qu’il parte pour faire connaître ses textes de chansons à Paris. “Mais ce n’est pas parce qu’on quitte un lieu qu’on l’abandonne”, poursuit France Brel.

Et c’est ainsi que l’on voit apparaître Bruxelles dans nombre des chansons que l’auteur Brel a écrites.

Avec un ciel si bas, qu’un canal s’est perdu/Avec un ciel si bas, qu’il fait l’humilité/Avec un ciel si gris, qu’un canal s’est pendu/Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner…
In Le Plat Pays, 1962

Etape 1 : Sous le ciel belge

De sa ville d’enfance, France Brel dit que son père a été fortement marqué par les couleurs. “Le Bruxelles de Brel est une couleur qui navigue entre le gris et le brun. Tout était sombre pour lui, et un des fils conducteurs de mon père, au démarrage de son enfance, c’est le manque de lumière. Du début à la fin de sa vie, il est heureux là où il y a de la lumière”. C’est ce qui lui aura manqué, et c’est ce qu’il recherche ardemment au long de son existence.

La lumière est d’ailleurs au cœur du champ lexical de son répertoire. On pense au texte de la chanson intitulée La lumière jaillira : “La lumière jaillira/Et de la voir si belle/Je connaîtrai pourquoi/J’avais tant besoin d’elle”. Il aura, aussi, décrit avec force, le ciel des Belges. Ce ciel si bas qu’un canal s’est perdu/pendu, ce n’est pas pour l’élégance de la formule, rappelle sa fille, “ce sont des mots qu’il a portés en lui”.

“C’était au temps où Bruxelles chantait/C’était au temps où Bruxelles bruxellait/Place de Brouckère on voyait des vitrines/Avec des hommes des femmes en crinoline”
In Bruxelles, chanson de 1962

Etape 2 : Place de Brouckère

On demande à France Brel l’origine de cette chanson qui célèbre la capitale belge d’une autre époque, de la Belle Epoque. Est-ce en déambulant dans sa ville du côté de la place de Brouckère que Jacques Brel a écrit ses lignes ? “La chanson sur Bruxelles est née dans son esprit. Quand il était petit, il y avait une gravure ancienne dans la cuisine chez sa grand-mère maternelle, celle d’un ancien Bruxelles avec des femmes en crinoline.

Ce n’est pas du tout une chanson sur son grand-père, mais ça aurait pu”. Les chansons de Brel sont un grand album photo de son enfance.

“Le soir, à Bruxelles, les étincelles des trams se voient de loin/Comme se voient les éclairs/Quand on coupe les foins”

Etape 3: Sur les rails du tram

Bruxelles a toujours été un tramway pour Brel. Il le racontait à un journaliste de France Inter, en 1961. “J’avais 1h30 de tramway le matin et le soir, et c’était un mauvais tram car il y avait un pont qui avait sauté en 1940, et il fallait traverser le pont et changer de tramway […] Il pleuvait toujours et tout avait une odeur de tramway. Bruxelles, c’était bien gris pour moi…”. Ce qu’il rappelle dans la première strophe de sa chanson Mon Enfance : “Mon enfance passa/De grisailles en silences”.

L'arrêt Jacques Brel, dans Bruxelles ©D.R.

L'arrêt Jacques Brel, dans Bruxelles ©D.R.

“Ce soir j’attends Madeleine/On prendra le tram trente-trois/ Pour manger des frites chez Eugène/Madeleine, elle aime tant ça”
In Madeleine, 1962

Etape 4 : Dans le tram 33

Jacques Brel chante la ligne de tram 33, pour aller balader Madeleine, “qui est son Noël, son Amérique à (lui)/Madeleine qui, elle, n’arrive pas” – elle est du genre à poser un lapin malgré le lilas qui l’attend.

Cette ligne 33 dont parle Brel partait d’Anderlecht, passant par les Sablons, les Palais Royaux, pour se terminer au-delà du cimetière d’Ixelles, à Watermael-Boitsfort. Sur le trajet, il y avait bien la friture Chez Eugène, près du cinéma “Le Relais”, du côté de Flagey. Si la ligne 33 a disparu en 68, il existe depuis 2018 le Citybus 33, première ligne électrique de la Stib qui circule entre Louise et Dansaert.

“J’aime les pavés de ma rue/Ils ont conduit tout petits/Mes petits pas de souris/Au pensionnat du Sacré-Coeur”
In Les Pavés, 1953

Etape 5 : De Diamant à Belgica

Avenue du Diamant, 138 à Schaerbeek : c’est la maison dans laquelle Jacques Brel voit le jour, mais ses parents n’y restent pas.

138 avenue du Diamant, la première maison de Jacques Brel. © D.R.

138 avenue du Diamant, la première maison de Jacques Brel. © D.R.

Son père traverse le boulevard Reyers, pour faire construire une maison avenue des Cerisiers. On est en 1929, Jacques est né la même année, et le krach boursier chamboule la vie de Lisette et Romain Brel. France Brel raconte : “Mon grand-père, qui était rentré du Congo et qui y avait fait de très belles affaires, avait misé sur les mauvais chevaux. Ils ont tout perdu, ils ont vendu la maison, avenue des Cerisiers, alors que Jacques avait 18 mois et sont allés vivre boulevard d’Ypres”.

L'appartement du boulevard Belgica © D.R.

L'appartement du boulevard Belgica © D.R.

En 1942, c’est la guerre, et les Brel habitent alors boulevard Belgica. Pierre, le frère aîné de Jacky raconte que, quand son cadet apprit qu’il y avait la guerre, il dit alors, tout haut, qu’au moins cette guerre serait sûrement une bonne occasion de ne pas aller au collège…

“Mais finalement, finalement/Il nous fallut bien du talent/Pour être vieux sans être adultes”

In La Chanson des Vieux Amants, 1967

Etape 6 : À la Galerie des Princes

Isabelle, la fille cadette de Jacques Brel, raconte qu’un soir où elle mangeait avec son père Chez Vincent, restaurant situé rue des Dominicains, au pied la Galerie des Princes, il eut soudain l’inspiration pour écrire la fin d’un couplet des Vieux Amants.

Le quartier de l’îlot sacré, aux abords de la Grand-place est fréquenté par Brel et notamment le club de jazz Le Blue Note – qui se situe dans les murs de l’actuelle librairie Tropismes. Chez Stans, rue des Bouchers, il rencontre Julot Verbeek, l’attaché de presse de l’Ancienne Belgique, à l’époque où il se produit à la Rose noire, cabaret bruxellois, et où il chante La valse à mil temps. Julot Veerbeek est alors convaincu que la chanson fera un tabac – il n’avait pas tort… C’est, enfin, dans la Galerie de la Reine, que Brel rencontre pour la première fois, en 1954, Barbara, avec qui il partage l’amour de la chanson poétique, et un film, Franz, dans lequel ils jouent tous les deux en 1971.

Barbara et Jacques Brel dans une scène du film "Franz", en 1971. ©D.R.

Barbara et Jacques Brel dans une scène du film "Franz", en 1971. ©D.R.

Une affiche de Brel dans les rues de Bruxelles © Belgaimage

Une affiche de Brel dans les rues de Bruxelles © Belgaimage

Brel en interview après un concert où il a tout donné. © D.R.

Brel en interview après un concert où il a tout donné. © D.R.

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Quiz belge sur Brel

© Belga images

© Belga images

1/ Brel parlait-il flamand ?

Car il a chanté en néerlandais… Quel était son rapport avec la langue néerlandaise ? France Brel nous avoue : “Il n’aimait pas le néerlandais à l’école… Mais, bon, il n’est pas le seul”. Il décide de chanter en néerlandais pour revendiquer ses sources flamandes. “Son père était né en Flandre, à Zandvoorde (NdlR, dans l’arrondissement d’Ypres) et lui a toujours dit que sa famille était de Flandre”.
À noter, ce n’est pas Jacques Brel qui traduit ses textes, il fait appel à un poète hollandais. “S’il chante quelques-unes de ses chansons en néerlandais (NdlR, Le Plat Pays, Rosa, Les Bourgeois …), c’est un peu en réponse aux critiques qu’il a reçues pour sa chanson 'Les Flamandes', qui a été très mal prise. Les Flamands ont argué qu’il n’était pas juste qu’ils dansaient aux enterrements (“Les Flamandes dansent sans mollir/Sans mollir aux dimanches sonnants”). “Il y a une friction permanente entre Brel et les Flamands, et ses chansons en flamand, sont un jeu de questions et de réponses entre eux et lui”. Le public flamand apprécie cependant le chanteur : “Il existe un public néerlandophone de Brel – ce dont France Brel se rend compte aux soirées Ciné Club de la Fondation. D’ailleurs, la maison Universal ressort les chansons en néerlandais de Brel, cette année”.

2/ Quel est son plat belge préféré ?

“Il aime tous les desserts, et il adore les crêpes. Il aime les asperges et les fraises aussi, même si ce n’est pas belge. Enfin, il adore tout ce qui est à base de crevettes : croquettes aux crevettes, tomates crevettes…”. On peut l’imaginer, mangeant un bout Chez Vincent, le restaurant bruxellois, une fois qu’il a fini d’y écrire La Chanson des Vieux Amants. Son épouse, Miche Brel, précise aussi qu’il était friand de pains d’amandes – dont la biscuiterie Dandoy est la spécialiste. Elle raconte qu’il lui arrivait souvent de lui en envoyer à Paris, où il faisait le tour de chant, même si, des biscuits, n’en arrivaient que des miettes. D’où, peut-être, cette chanson sur les bonbons, “parce que les fleurs (et les Dandoy) c’est périssable…”.

3/ Quel est son lieu favori dans Bruxelles ?

La forêt de Soignes, au printemps, pour s’y balader”, répond sans douter France Brel.
Y trouve-t-il l’inspiration ? “En fait, il écrit partout, à tout moment. Il a dit qu' “écrire, ce n’est pas décider maintenant, c’est un état d’esprit permanent”. Il était perméable à tout ce qui lui arrivait, cherchant à écouter les gens et demeurant silencieux. Dans sa poche, il avait toujours un cahier et un bic. L’écriture, c’était tout le temps dans sa tête…”.

A l'agenda de La Libre Explore

Ce 30 mars, La Libre Explore, en association avec la Fondation Jacques Brel, vous invite à déambuler dans le Bruxelles de Jacques, enfant et artiste, l’entendant chanter dans vos oreilles dans la ville qu’il a lui-même arpentée. 

Vous vous baladerez dans sa vie, au travers de témoignages, interviews, archives sonores et photos.

France et Jacques Brel. © Fondation Jacques Brel

France et Jacques Brel. © Fondation Jacques Brel

France Brel, fille de Jacques Brel, et directrice de la Fondation sera l’interlocutrice d’Aurore Vaucelle, responsable de La Libre Explore, au cours d’une conférence qui reviendra sur les aspects méconnus de l’artiste. Inscrivez-vous via ce lien www.lalibre.be/action/explore-brel.

Et pourquoi pas un p’tit ciné-club à la Fondation, avec France Brel ?… Le 18 avril, notamment, un docu sur le thème des débuts de Brel à Paris. Infos  : http://fondationbrel.be