Jeunes femmes politiques,
cibles privilégiées du cyber-harcèlement

Menace de mort, de viol, propositions indécentes, insultes quotidiennes, drague lourde...
De jeunes candidates témoignent.

Elles ont entre 24 et 31 ans, se présentent pour la première ou la deuxième fois aux élections et veulent incarner le renouveau politique. Dès l’instant où ces femmes ont eu accès à une certaine visibilité, cyber-harcèlement et cyber-sexisme les attendaient au coin du clavier. Non pas à cause de leur positionnement politique ou des idéologies qu’elles défendent mais parce qu’elles sont femmes.

Menaces de mort, de viol, propositions indécentes, insultes quotidiennes, drague lourde... Les témoignages de ces jeunes candidates sont édifiants. D’un manque de respect, d’une minimisation d’un phénomène d’une ampleur effrayante véhiculé sur les réseaux sociaux. Elles sont probablement loin d’être les seules. Les quelques femmes politiques qui se sont manifestées jusqu’ici auprès de l’Institut pour l’égalité des hommes et des femmes n’ont pu obtenir justice. “Nous avons reçus des signalements mais ça n’a jamais donné de suite. Comme il s’agissait de messages privés, la loi sexisme ne pouvait s’appliquer parce que son champ d’action se limite à la sphère publique”, explique cette instance.

Au-delà du cadre politique, le cyber-harcèlement des femmes est un sujet méconnu et peu abordé. En 2018, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) français a réalisé une étude sur les violences faites aux femmes en ligne. “Internet n’est pas toujours un espace de liberté et de sécurité pour les femmes : les violences qu’elles y subissent sont massives. 73 % des femmes déclarent en être victimes, et pour 18 % d’entre-elles sous une forme grave. Ces violences visent un seul et même objectif : contrôler la place des femmes et les exclure de l’espace public présentiel ou numérique”, observe ce rapport. Et de souligner que cette violence n’est pas virtuelle, puisqu’elle affecte la santé et la vie sociale des victimes au même titre que d’autres formes de violence à l’égard des femmes. Selon un test mené par le HCE sur les réseaux sociaux, la cyber-violence est pourtant tolérée : 92 % des contenus sexistes signalés (insultes, menaces de viols ou incitation à la haine) n’ont pas été supprimés par les plateformes (comme Twitter, Facebook et Youtube).

En 2017, Amnesty s’est également penché sur la question. Résultat : les femmes victimes de harcèlement modifient leurs comportements sur les réseaux sociaux, par exemple en ne publiant plus leur opinion sur certains sujets. Les femmes de couleur, issues de l’immigration, avec des origines étrangères, LGBTQI, transgenres, souffrant de handicaps ou appartenant à une minorité ethnique sont encore plus ciblées, “ce qui risque d’avoir pour effet d’exclure encore davantage des conversations publiques des voix déjà marginalisées”. Deux ans plus tôt, l’ONU dressait également un tableau alarmant. Selon ses conclusions, une internaute femme sur cinq vit dans un pays où la violence en ligne est très rarement passible de sanctions.

Opaline Meunier (CDH), Sophie Rohonyi (Défi), Leila Agic (PS), Laure Lita (MR) et Margaux De Ré (Écolo) posent des constats similaires. Les cyber-harceleurs bénéficient d’une impunité quasi-totale. Ni la prévention, ni les moyens de lutte, ni le suivi des plaintes ne sont au rendez-vous. Certains collègues masculins les soutiennent, d’autres en rajoutent une couche, beaucoup s’étonnent de ce qui leur arrive. En outre, leurs aînés et aînées en politique ne semblent pas avoir compris l’urgence de la lutte contre le cyber-harcèlement, combat qui se cantonne surtout au cadre scolaire et à la jeunesse.

Selon les statistiques de la police fédérale, les plaintes contre le cyber-harcèlement oscillent entre 10 000 et 5 000 depuis une dizaine d’années. En 2018, 3 853 plaintes ont été enregistrées durant le premier semestre. Pour 1 110 faits, au moins un suspect a été identifié. 82,3 % sont des hommes et 95,4 % sont majeurs.

Le suivi des plaintes est pour l’instant impossible à évaluer : on ne connaît tout simplement pas le nombre de condamnations sur base de cyber-harcèlement. “Le cyber-harcèlement via les réseaux sociaux ne fait pas partie de l’incrimination mais en est un moyen et il n’existe donc pas à l’heure actuelle de statistiques de condamnations sur cette base”, explique Christine-Laura Kouassi, porte-parole du SPF Justice.

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Reste encore le problème de l’anonymat sur Internet, derrière lequel se cache parfois les auteurs. Soulignons une (légère) avancée l’année dernière : un tribunal belge a condamné un utilisateur anonyme de Twitter qui harcelait une femme (sur base de ses convictions religieuses). Un autre cas est en cours. “Un seul acte peut être considéré comme du harcèlement mais il faut un certain degré de menace, de gravité qui dépasse l’injure. C’est la justice et la jurisprudence qui fixe la limite. Il arrive également que le harcèlement soit le fait d’une stratégie organisée. Il reste toutefois extrêmement difficile de prouver qu’un groupe de personnes en cible une seule dans le but de lui nuire. Quoi qu’il en soit, une série de faits individuels peut être considérée comme du harcèlement, ce qui nécessite une réaction de la société. Tout ce qui relève du harcèlement ne relève pas nécessairement de la loi. C’est à l’ensemble de la société d’agir avec des actions ciblées, de la prévention, etc.”, note Patrick Charlier, directeur d’Unia.

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"On m'a dit que ce ne serait pas grave si on venait me violer"
Opaline Meunier, candidate CDH

Pour Opaline Meunier, conseillère fraîchement élue au conseil communal de Mons, tout a commencé avec sa médiatisation, lorsqu’elle était présidente du syndicat étudiant Unécof. Depuis, deux crises aiguës de cyber-harcèlement l’ont profondément marquée. “J’ai vécu l’enfer quand j’ai rejoint Mons en Mieux et George-Louis Bouchez (MR). Des centaines de commentaires de haine me sont parvenus”, se souvient-elle.

Il y a un mois, alors que Notre-Dame de Paris s’enflamme, Opaline Meunier explique sur Twitter que la cathédrale sera reconstruite et qu’il lui semble que certaines choses sont plus graves dans la vie. Le déferlement de haine est instantané. “C’est l’épisode le plus dangereux, le plus violent et le plus effrayant que j’ai jamais vécu. 95 % des messages agressifs et des tweets qui m’ont été envoyés venaient d’hommes plus âgés. Sociologiquement, c’est fascinant. Jean-Jacques, 60 ans, a besoin d’exprimer sa haine envers moi et estime être dans son bon droit parce qu’il n’est pas d’accord. Pour la première fois, j’ai eu peur d’Internet. Un homme français tweetait “elle est conseillère municipale à Mons, on cherche son adresse”. Un autre a embrayé et lui a répondu “ok je suis en train de chercher aussi”. Ces deux personnes, que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam, assumaient publiquement chercher l’adresse d’une conseillère communale de 26 ans ! Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils voulaient faire ? Est-ce qu’ils allaient prendre leur voiture et rouler jusque Mons pour me faire quelque chose ? On peut critiquer ce que j’ai dit, ne pas être d’accord, débattre, pour autant que ça reste poli. D’ailleurs, des gens l’ont fait parce qu’ils étaient choqués par mes propos. Mais à partir de quand décide-t-on de harceler ou d’insulter pour donner son avis ?”, confie-t-elle.

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Les jours suivants, le CDH reçoit des appels de personnes disant vouloir tuer la candidate humaniste ou demanant la date de son enterrement. Ouvrant le courrier de sa fille, son père lit les mots d’une personne, anonyme, la traitant de truie, en majuscule, souligné trois fois. Sur Internet, les menaces de mort et de viol se succèdent. “Un des messages qui m’a le plus marqué, c’était celui d’un homme qui disait “si ce n’est pas grave pour toi que Notre-Dame ait brûlé, ce ne sera pas grave non plus quand on viendra te violer”. Il m’a fallu plusieurs jours pour encaisser, me rendre compte de ce qui se passait, arrêter de pleurer”, raconte-t-elle.

Finalement, la candidate humaniste décide de répondre aux messages d’insultes et demande les coordonnées de leurs auteurs en stipulant qu’elle portera plainte. “Immédiatement, les réponses ont constitué à nier les menaces. Aucun n’a assumé ses propos”. À ceux qui l’attaquent sur le volet catholique, la jeune femme leur envoie des versets de la Bible, où l’on parle d’amour de son prochain.

En pleine campagne électorale, le temps lui manque pour aller porter plainte. “Même si je le fais, il y a 95 % de chances pour que les auteurs ne soient jamais retrouvés. Certains comptes ont été désactivés, d’autres ont disparu de la circulation. Et je crois que je m’en voudrais d’aller déranger les policiers à Mons pour ça. Ils n’ont pas les moyens matériels, logistiques, financiers et humains pour assurer un suivi. C’est peut-être un des enseignements politiques que je retire de tout ça. Aujourd’hui, on n’est pas armé pour lutter contre le cyber-harcèlement. C’est comme si, tant qu’il n’y a pas de sang, de meurtre, de viol… Il n’y a pas de crime. Pourtant, les effets du cyber-harcèlement peuvent être destructeurs, entraîner des problèmes de confiance en soi, de développement personnel… Ça laisse des marques. Et ce n’est pas parce que ça se passe sur Internet que c’est différent que dans la vraie vie.”

L'impunité ressentie par les auteurs ne pourra disparaître que si la lutte contre le harcèlement devient une priorité politique, médiatique, juridique… Bref, sociétale. “Quand viendra le sursaut ? Est-ce qu’on considère comme normal de laisser les uns et les autres vomir une telle haine ? On sait que l’hyperconnectivité démultiplie l’effet destructeur du cyber-harcèlement. On sait que des jeunes sont en train de construire leur personnalité dans un univers où les réseaux sociaux sont là en permanence, du matin au soir, du soir au matin. Politiquement, c’est un vrai enjeu. Or, sur Internet, c’est l’impunité la plus totale. Le type qui a dit qu’il viendrait me violer n’aura aucun problème. Et ça, c’est très dangereux”, martèle la jeune femme.

"Mes collègues masculins ne sont pas confrontés à ça"
Sophie Rohonyi, candidate Défi

En faisant son entrée dans l'arène politique, Sophie Rohonyi, candidate pour Défi, voulait être joignable par ses concitoyens. Elle crée alors une page Facebook publique et rapidement, les messages privés se multiplient. Beaucoup n’ont pas trait à la chose publique. “Les gens utilisent les réseaux sociaux comme si c’était un site de rencontres. Et ils insistent. Quand je réponds que je ne suis pas intéressée ou quand je ne réponds pas assez vite, je me fais insulter. Beaucoup de jeunes femmes du parti sont confrontées à ça, contrairement à nos collègues masculins. Quelques-uns ont déjà reçu des messages de femmes qui étaient intéressées mais aucune n’a insisté quand ils leur ont dit non. Les réseaux sociaux ont enlevé la barrière qui pouvait exister avant. Il n’y a plus aucune gêne à maltraiter quelqu’un derrière un écran. Consciemment, quand on est jeune, ça nous met des bâtons dans les roues alors qu’on veut participer à un renouveau politique”, explique-t-elle.

Face aux injures, Sophie Rohonyi a décidé de bloquer ses harceleurs sur les réseaux sociaux. Et se prive de les atteindre politiquement, alors qu’elle se voulait accessible. “Je pense qu’il faut du courage pour faire de la politique mais encore plus quand on est une jeune femme. Au début, je l’ai très mal vécu parce que je ne comprenais pas pourquoi ça m’arrivait parce que je pensais bien faire. Est-ce c’était moi qui m’y prenais mal ? Est-ce que je n’avais pas fixé de lignes rouges ? J’essayais de comprendre la réaction des hommes et j’ai fini par réaliser que ça n’est pas ma faute. Aujourd’hui, je ne prends plus le temps de répondre. Je n’ai pas l’énergie de réagir à ces insultes qui portent sur qui je suis, mon âge, mes origines, mon physique. Les attaques personnelles sont difficiles à digérer”, poursuit-elle.

Au-delà de sa marotte (le refinancement de la Justice) Sophie Rohonyi plaide aussi pour une plus grande solidarité entre les femmes, tous partis confondus. Et insiste sur l’apprentissage du respect de l’autre dès le plus jeune âge. “Aujourd’hui, on voit bien qu’il y a un déficit à ce niveau-là. Et ça ne fait que s’aggraver avec les réseaux sociaux, où l’on a plus la notion de ce qui est respectueux ou pas.”

"C'est comme le harcèlement de rue"
Leila Agic, candidate PS

“Tu vas voir la réputation qu’on va te faire”. C’est l’un des nombreux messages qu’a reçu Leila Agic après avoir refusé les avances d’un homme qu’elle avait remercié pour son soutien et qui avait vu là une porte ouverte. Le cyber-harcèlement a commencé il y a quelques mois, alors que la plus jeune candidate sur la liste PS à la Région bruxelloise est en campagne pour les communales. “On m’envoyait des messages pour m’inviter en tête-à-tête. Quand je ne répondais pas, on me disait que c’était scandaleux de ne pas répondre au citoyen, pour qui je me prenais, etc. Ça ne s’est jamais arrêté depuis. C’est comme le harcèlement de rue. Quand on ne répond pas, on se fait insulter. Quand on répond qu’on n’est pas intéressées, on se fait insulter. C’est constant et c’est très lourd. Et mes idées, on s’en fout. Sauf quand j’envoie bouler les gens. Là, je suis attaquée sur mon engagement politique. Pourtant, ils ne viennent pas me parler pour connaître mes idées, mes combats. Ils pensent que Facebook, c’est comme Tinder”, affirme-t-elle.

En plus d’être confrontée au sexisme, Leila Agic est également la cible du racisme. “Je tiens à ma féminité et mes spécificités. Je ne vais pas changer mon comportement ou adopter des techniques de défense à cause de ces remarques. Féminiser et diversifier le monde politique est trop important pour que je m’arrête à ça”, remarque-t-elle.

Comme de trop nombreuses femmes (98 %), Leila Agic est régulièrement confrontée aux remarques sexistes dans l’espace public. “J’ai grandi avec ça. Le harcèlement de rue et en ligne ne sont pas deux problèmes différents mais plutôt deux faces d’un même problème. Les gens pensent qu’une seule remarque ne compte pas, ils ne savent pas qu’on s’en prend toute la journée. Et mes idées, on s’en fout. D’ailleurs, quand ma réponse ne convient pas à mes interlocuteurs, je suis attaquée sur mon engagement politique. Pourtant, ils ne viennent pas me parler pour connaître mes combats”, avance-t-elle.

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En pointant du doigt ces comportements, la jeune femme s’inquiète. “Je n’ai pas envie qu’on croit que je me victimise”. Des propos qui traduisent le sentiment de culpabilité éprouvé par les victimes de harcèlement et qui constitue bien souvent un obstacle à la prise de parole. Quoiqu’il en soit, Leila Agic, également victime de racisme, reste positive et n’a pas l’intention d’adopter des stratégies de défense. “Il est trop important de féminiser et diversifier le monde politique pour que je m’arrête à ça.”

"Des hommes m'envoient des photos intimes"
Laure Lita, candidate MR

Motivée par nomination de Françoise Schepmans comme tête de liste MR à Bruxelles, Laure Lita, regrette que la lutte contre le cyber-harcèlement se limite au cadre scolaire. “On oublie complètement celui des femmes. Oui, c’est une affaire d’éducation, de prévention, de sensibilisation. Mais les jeunes ne sont pas les seuls concernés ! Je n’avais jamais connu ça avant et je suis sidérée de voir que personne ne s’y intéresse. Ce qui nous arrive est dingue ! J’ai l’impression qu’à part dire “tu ne dirais pas ça à ta sœur, ta mère, ta cousine”, il n’y a rien à faire. Porter plainte n’est pas une option crédible. C’est aux partis politiques mais aussi aux plateformes internet d’agir”, avance-t-elle.

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Anticipant les critiques, elle insiste : si les femmes sont ciblées, c’est avant tout en raison de leur genre. “En politique, nous faisons la même chose que les hommes, nous avons le même désir d’être élues. Pourtant, nous ne sommes pas traitées de la même manière par les électeurs. Quelqu’un m’écrit tous les jours depuis les élections communales. Certains hommes m’envoient des photos intimes. Un m’a même proposé un spa nudiste avec lui ! Et face à ça, j'entends souvent que j'exagère. Ou que je dois laisser couler et attendre la fin de la campagne pour réagir. Je finis par prendre tout à la rigolade, sinon je deviendrai folle. Mais ce qui me gêne, c’est qu’au final, c’est toujours la femme qui paie, qui contrôle sa parole”.

"Le cyber-sexisme vise à faire taire notre voix"
Margaux De Ré, candidate Écolo

À 29 ans, Margaux De Ré participe pour la première fois aux élections. Co-fondatrice de l’agence digitale Nextmoov et responsable de la communication digitale du parti écologiste, la maîtrise des réseaux sociaux est pour elle une seconde nature. “J’ai souvent observé que la parole est plus libérée sur Twitter. Mais je ne l’avais pas vraiment vécu avant de m’engager en politique. C’est assez sidérant. Il y a un cyber-sexisme très répandu sur les réseaux et qui voudrait que quand une femme parle, c’est forcément bête, faux ou mal-documenté. Comme si on voulait faire taire sa voix. Or, quand des gens sont poussés au silence, ce n’est pas jamais un bon signal pour la société. Cela dit, j’ai encore de la chance, je n’ai pas à faire à des menaces de mort ou de viol. Mais quand tu débutes, tu sens très vite les prémices du cyber-harcèlement. Peu à peu, tu sens qu'une machine se met en place contre toi pour conditionner et contrôler tes propos. Récemment, j’ai posté une photo avec un t-shirt avec un slogan féministe. J’ai eu immédiatement peur des réactions. D’une certaine manière, j’ai l’impression de me sentir forcée à adopter une certaine pudeur, ce qui n’est pas le cas des harceleurs. Certains se permettent de commenter mon physique en message privé. Je pense qu’ils n’oseraient pas me le dire en face. Le fait d’être derrière un écran et un compte anonyme délie les langues. Ils oublient que derrière l’autre écran, il y a une autre personne qui en souffre”, dénonce-t-elle.

Dans les pas de la co-présidente d’Écolo, Zakia Khattabi, Margaux De Ré est une féministe de plus en plus engagée et axe notamment sa campagne sur l’accès des femmes à l’entrepreneuriat et aux métiers numériques. “Quand on parle de féminisme sur les réseaux, on se fait vite traiter de féminazie. C’est un thème qui entraîne la violence. J’aimerais parler d’égalité, de parité notamment dans les postes à responsabilité… Mais comme je me prends une volée de bois vert, ça empêche tout débat sur des questions qui sont pourtant fondamentales. On me dit souvent que j’ai l’air d’une hystérique. Ou alors on me drague. J’ai l’impression qu’il y a une forme de fatalité : tu es une nana, tu es jeune, tu dois t’y attendre. C’est très décourageant. Le système actuel nous pousse à nous dire “bon ben tant pis””, ressent-elle.

Pour la jeune femme, il y a une urgence. Le cyber-harcèlement devra être une priorité politique dans les années à venir. Et lance une idée : inclure la notion de cyber-harcèlement dans les cours d’informatique, avec un volet sur celui qui vise les femmes et les minorités. “Tant que ce n’est pas un enjeu politique, ça ne va pas atterir dans les manuels scolaires.”