Ces dix morceaux à l'influence musicale considérable

De l’atmosphère douce des morceaux classiques aux provocations rebelles du rap, sans oublier l’ambiance ronde et chaude des airs de jazz, nombreux sont les genres que la musique a vus naître au fil du temps. La Libre s’est faufilée, entre grands orchestres et studios d’enregistrement exigus, à travers les époques et les siècles, afin de découvrir dix mélodies qui ont marqué l’histoire de la musique.

La musique, marque du passé sur le présent

Matthieu Thonon, musicologue et collaborateur au Musée des Instruments de Musique de Bruxelles (collection audiovisuelle & bibliothèque), est l’auteur de cette liste non exhaustive. Il est essentiel selon lui de se replonger dans notre histoire pour profiter de manière optimale des airs d’aujourd’hui. Une multitude d’artistes contemporains sont inspirés par les abondantes créations dont le passé regorge. Entre les reprises (on pensera à Twist and Shout de Bert Russel, interprété par les Beatles) et les samples (échantillon musical utilisé dans un autre morceau plus récent), il est aisé de se rendre compte que les partitions écrites par les créateurs du passé influencent plus d’un compositeur actuel. Voici dix morceaux qui ont marqué la musique occidentale telle que nous la connaissons.

Bach pose les bases

1. Prélude n°1 du Clavier bien tempéré – Jean-Sébastien Bach (1722)

Derrière la mélodie légère, profonde et élégante, se cache un tournant majeur dans l’histoire de la musique. Jean-Sébastien Bach, grâce à son célèbre Prélude n°1, contribue à l’instauration du système musical tempéré. Dans ce système, la gamme est divisée en 12 intervalles égaux ou demi-tons, définissant 12 tonalités dont 7 correspondent à des notes et 5 à des altérations de ces notes : ce sont les 7 blanches et les 5 noires du piano. À partir de chaque tonalité, on peut définir deux gammes, une majeure et une mineure, subjectivement plus mélancolique. Dans le contexte baroque de son époque, le musicien allemand décide alors d’illustrer chacune des gammes harmoniques possibles au sein de ce système et compose un monument : deux livres de 24 préludes et 24 fugues chacun.

Encore aujourd’hui, on peine à sortir de cette tonalité omniprésente, ce qui marque l’influence conséquente du compositeur allemand, près de 300 ans plus tard.

En Belgique, Maurane avait posé sa voix en 1991 sur la même mélodie jouée au piano, dans sa chanson Sur un prélude de Bach.

La Neuvième Symphonie, porte ouverte sur un nouveau genre

2. Neuvième Symphonie – Ludwig Van Beethoven (1824)

En s’éloignant des morceaux élégants et raffinés du classicisme dont Mozart était le fer de lance, on retrouve la musique passionnée de la période romantique. Beethoven prendra deux ans pour écrire les 70 minutes qui composent l’œuvre grandiose qu’est sa Neuvième Symphonie. Or y retrouve le célébrissime Hymne à la Joie, quatrième mouvement dont les paroles sont reprises du poème de Friedrich von Schiller de 1785, et choisi comme hymne européen. En réalisant cette symphonie, le pianiste allemand s’écarte de toute formalité. Il ne se restreint ainsi pas au niveau de la longueur (le final dure à lui seul 25 minutes, soit autant que sa Huitième Symphonie entière), il expérimente aussi des structures différentes, et se permet d’ajouter un chœur. Le résultat est un chef-d’œuvre puissant et majestueux, qui marque la transition entre le classicisme noble et conventionnel (reconnaissable par son aspect équilibré, presque scolaire) et le romantisme moderne et sensible (qui s’éloigne de la période classique grâce à son orchestration, sa transmission d’émotion). Ces deux époques opposées auront été couvertes par le compositeur qui est devenu progressivement sourd.

Chopin, ce maître du romantisme

3. Nocturne en ut Mineur Op.48 No.1 – Frédéric Chopin (1841)

Milieu du XIXe siècle. Loin des salles de concert imposantes, on retrouve l’ambiance feutrée des petits salons parisiens. Frédéric Chopin est au piano, instrument roi des mélodies romantiques de l’époque. L’air joué est tourmenté, et les comptes et barons conviés dans la pièce luxueuse ressentent l’émotion du musicien. Le morceau paisible dont ils se délectent, c’est la Nocturne en ut mineur que le franco-polonais a composée en 1841. La nocturne, que l’on attribue à John Field, est une musique souple, lente et sentimentale. Avec ses 21 nocturnes, Chopin représente les mélodies du pianiste romantique par excellence. Lorsque l’on parle de romantisme dans le domaine musical, il est donc bien difficile d’omettre ce grand compositeur, dont les œuvres mélancoliques ont eu une incidence considérable sur la manière dont les musiciens (et plus particulièrement les pianistes) qui lui succéderont aborderont la musique.

Chopin, ce maître du romantisme

3. Nocturne en ut Mineur Op.48 No.1 – Frédéric Chopin (1841)

Milieu du XIXe siècle. Loin des salles de concert imposantes, on retrouve l’ambiance feutrée des petits salons parisiens. Frédéric Chopin est au piano, instrument roi des mélodies romantiques de l’époque. L’air joué est tourmenté, et les comptes et barons conviés dans la pièce luxueuse ressentent l’émotion du musicien. Le morceau paisible dont ils se délectent, c’est la Nocturne en ut mineur que le franco-polonais a composée en 1841. La nocturne, que l’on attribue à John Field, est une musique souple, lente et sentimentale. Avec ses 21 nocturnes, Chopin représente les mélodies du pianiste romantique par excellence. Lorsque l’on parle de romantisme dans le domaine musical, il est donc bien difficile d’omettre ce grand compositeur, dont les œuvres mélancoliques ont eu une incidence considérable sur la manière dont les musiciens (et plus particulièrement les pianistes) qui lui succéderont aborderont la musique.

Igor Stravinsky dirigeant un orchestre en 1929.

Igor Stravinsky dirigeant un orchestre en 1929.

Igor Stravinsky dirigeant un orchestre en 1929.

Igor Stravinsky dirigeant un orchestre en 1929.

Igor Stravinsky dirigeant un orchestre en 1929.

Igor Stravinsky dirigeant un orchestre en 1929.

Un capharnaüm organisé

4. Sacre du printemps – Igor Stravinsky (1913)

Quelques années plus tard, et toujours dans la capitale française, c’est au Théâtre des Champs Élysées que nous nous retrouvons. Sifflements, cris et hurlements déchirent la salle, et se mêlent aux instruments jusqu’à couvrir intégralement la musique. Igor Stravinsky n’a pourtant débuté la représentation de son ballet que depuis quelques minutes. L’indignation de l’assemblée est telle que l’on rebaptisera l’œuvre « Massacre du Printemps ». À l’écoute du morceau du compositeur russe, on comprend plus aisément la réaction scandalisée du public de l’époque. Entre rythmes compliqués, polyrythmiques à l’influence folklorique et percussions quelques peu aléatoires, ce que certains qualifieraient de cacophonie est pourtant décrit comme étant de la musique atonale. Bien que difficile à écouter, la composition de Stravinsky symbolise le rejet de la théorie musicale instaurée par Bach, et représente le tournant d’une musique classique vers un nouveau genre. On assiste donc à un éclatement de la bulle de la musique savante, au profit de la naissance de la musique contemporaine, jusqu’alors jugée peu sérieuse.

Un capharnaüm organisé

4. Sacre du printemps – Igor Stravinsky (1913)

Quelques années plus tard, et toujours dans la capitale française, c’est au Théâtre des Champs Élysées que nous nous retrouvons. Sifflements, cris et hurlements déchirent la salle, et se mêlent aux instruments jusqu’à couvrir intégralement la musique. Igor Stravinsky n’a pourtant débuté la représentation de son ballet que depuis quelques minutes. L’indignation de l’assemblée est telle que l’on rebaptisera l’œuvre « Massacre du Printemps ». À l’écoute du morceau du compositeur russe, on comprend plus aisément la réaction scandalisée du public de l’époque. Entre rythmes compliqués, polyrythmiques à l’influence folklorique et percussions quelques peu aléatoires, ce que certains qualifieraient de cacophonie est pourtant décrit comme étant de la musique atonale. Bien que difficile à écouter, la composition de Stravinsky symbolise le rejet de la théorie musicale instaurée par Bach, et représente le tournant d’une musique classique vers un nouveau genre. On assiste donc à un éclatement de la bulle de la musique savante, au profit de la naissance de la musique contemporaine, jusqu’alors jugée peu sérieuse.

Igor Stravinsky dirigeant un orchestre en 1929.

Igor Stravinsky dirigeant un orchestre en 1929.

Le ragtime, rampe de lancement pour le jazz

5. Maple Leaf Rag – Scott Joplin (1899)

La culture afro-américaine de la toute fin du XIXe siècle, des travailleurs dans les champs de coton et un rythme rapide et dansant : tout est réuni pour assister à l’éclosion d’un nouveau genre musical. Scott Joplin, un pianiste autodidacte d’une famille modeste, compose Maple Leaf Rag en 1899. Les ventes du morceau explosent, jusqu’à dépasser le million d’albums. Le compositeur afro-américain a introduit au monde entier le ragtime, ce mélange de musique classique et de musique africaine. En succédant au blues, le ragtime ouvrira donc la porte au jazz, genre que l’on ne pourra pas attribuer au morceau de Joplin car sa mélodie n’est pas improvisée. Le ragtime léguera cependant au jazz le rythme syncopé qu’on lui connaît, et c’est toute une atmosphère chaleureuse qui en découlera.

Portrait de Scott Joplin en 1907.

Portrait de Scott Joplin en 1907.

Portrait de Scott Joplin en 1907.

Portrait de Scott Joplin en 1907.

Illustration de Maple Leaf Rag en 1899.

Illustration de Maple Leaf Rag en 1899.

Le ragtime, rampe de lancement pour le jazz

5. Maple Leaf Rag – Scott Joplin (1899)

La culture afro-américaine de la toute fin du XIXe siècle, des travailleurs dans les champs de coton et un rythme rapide et dansant : toutst réuni pour assister à l’éclosion d’un nouveau genre musical. Scott Joplin, un pianiste autodidacte d’une famille modeste, compose Maple Leaf Rag en 1899. Les ventes du morceau explosent, jusqu’à dépasser le million d’albums. Le compositeur afro-américain a introduit au monde entier le ragtime, ce mélange de musique classique et de musique africaine. En succédant au blues, le ragtime ouvrira donc la porte au jazz, genre que l’on ne pourra pas attribuer au morceau de Joplin car sa mélodie n’est pas improvisée. Le ragtime léguera cependant au jazz le rythme syncopé qu’on lui connaît, et c’est toute une atmosphère chaleureuse qui en découlera.

Illustration de Maple Leaf Rag en 1899.

Illustration de Maple Leaf Rag en 1899.

Portrait de Scott Joplin en 1907.

Portrait de Scott Joplin en 1907.

Une révolte en musique

6. Anthropology - Charlie Parker (1946)

Nous voilà rentrés dans la période du pur jazz. Charlie Parker est un célèbre saxophoniste à qui l’on doit le be-bop, un jazz très rythmique, caractérisé par des cuivres perçants et résonnants, qui requiert énormément de dextérité et de virtuosité. Ce style se dénote du jazz swing des années 20 qui était plus doux et dansant, apprécié par les blancs d’Amérique. Le be-bop est toutefois presque une révolte des noirs envers les blancs. C’est comme bien souvent dans l’histoire de la musique qu’un nouveau style est utilisé comme propagande, dans ce cas pour indirectement dénoncer la ségrégation raciale omniprésente aux Etats-Unis. Le morceau rythmé qu’est Anthropology montre l’aspect savant dont les représentants du genre font preuve : il n’est pas donné à tout le monde de jouer à cette vitesse, ni d’effectuer des changements harmoniques aussi rapides.

Le père du Rock’n’Roll

7. Johnny B Goode – Chuck Berry (1959)

Un riff de guitare endiablé, des paroles presque criées et un tempo rapide : les bases du rock’n’roll sont établies. Comme précurseur du rock, Chuck Berry s’impose par sa puissance, sa vitesse presque nerveuse et l’amplification de la guitare électrique. Bon nombre de musiciens se sont nourris de la musique de Berry : Queen, les Beatles, Jimmy Hendrix… Le single Johnny B Goode raconte l’histoire de Johnny, un jeune garçon qui connaît une ascension fulgurante suite à ses talents de guitariste.

Interprétée par Marty McFly dans Retour vers le Futur, la chanson est aussi dans l’espace, aux côtés de Bach, Mozart et Beethoven : la sonde Voyager 1, envoyée en 1977 par la NASA, transporte à son bord le Golden Record, sur lequel figurent 27 titres, dont celui de l’artiste américain. Johnny B Goode est donc le seul morceau de rock’n’roll dont une intelligence extraterrestre pourrait profiter !

Rythme, danse et funk

8. Papa’s Got A Brand New Bag - James Brown (1965)

Papa’s Got A Brand New Bag est non seulement un air entraînant sur lequel la voix inimitable de James Brown résonne, mais il s’agit également d’une révolution musicale marquante. L’auteur de I Feel Good introduit le funk, ce style organique et très puissant qui découle du written blues. Le nouveau genre préconise des sons énergiques mais place aussi son importance sur le silence entre les différentes notes, indispensable à son rythme inimitable.  Le terme « funk » serait détourné du mot funky, utilisé à l’époque de manière dénigrante pour qualifier les Afro-Américains de « puants ». On comprend là tout le contexte de discriminations racistes dans lequel le funk a vu le jour. Il s’agit presque d’un pied de nez au climat anti-noirs des années 60. Mais le funk instaurera aussi une relation charnelle très étroite entre la musique et la danse, ce qui influencera abondamment Prince ou même Michael Jackson. On attribuera au funk la musique disco, genre également dansant et entraînant.

Les Beatles, bêtes de scène… et de studio

9. A Day In The Life – The Beatles (1967)

Quatre jeunes hommes qui déclenchent l’hystérie : le monument qu’incarnent les Beatles a pourtant apporté plus au monde de la musique qu’une simple euphorie. Ils sont à l’origine de la pop, ce genre accessible à tout le monde, dont les mélodies sont faciles à retenir sans pour autant être niaises. Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est leur huitième album studio qui marque la transition du boys band d’une période rock vers la pop. Le morceau de l’album A Day In The Life surprend particulièrement à la fin par un crescendo orchestral qui aboutit sur une cacophonie totale. Le groupe, fatigué des concerts à répétition, effectue un travail en studio qui n’avait jamais été réalisé auparavant. Les quatre Britanniques innovent, ils triturent les nouveaux sons. Cet album incarne l’évolution d’une musique composée pour être jouée en live vers une musique créée en studio. Après Sgt. Pepper’s, le travail en production prendra donc une place considérable dans la création de morceaux.

Dans la street américaine, le rap s’installe…

10. The Message - Grand Master Flash & The Furious Five (1982)

Un des éléments phares des années 80 dans les quartiers du Bronx aux USA reste le rap. La période des gangs et des révoltes des Afro-Américains : tout est propice à l’éclosion de ce nouveau genre musical. En lien avec le jazz be-bop que l’on évoquait plus tôt, on retrouve dans le rap l’improvisation, puisque les paroles ne sont pas écrites à l’avance. Ce style aborde la musique d’une façon différente : les phrases, fortes et posées sur un beat (mélodie), transmettent souvent un message de rébellion contre la société. Cet aspect révolutionnaire se retrouve dans The Message, qui raconte la vie difficile dans les ghettos américains de l’époque. Le morceau aura non seulement lancé le groupe Grand Master Flash & The Furious Five haut dans les classements, mais il aura aussi introduit le rap au grand public, qui s’est depuis répandu dans le monde entier. Cette musique « de la rue », plus que populaire, aura fait du rap un style à part, que certains experts qualifieraient même d’ultime réelle nouveauté en termes de genres musicaux.