C'est quoi
la Fashion Week ?

Un mois durant, les capitales de mode occidentales vivent
au rythme éffréné des défilés.
New York, Londres, Milan, Paris sont le théâtre
de shows de la mode actuelle.
Au menu,fringues de folie, célébrités, et créativité.

Défilé Dries Van Noten à Paris. © Johanna de Tessières

Défilé Dries Van Noten à Paris. © Johanna de Tessières

Pascal Morand est président exécutif de la Fédération de la haute couture et de la mode, l’organisme qui organise la Fashion Week parisienne du prêt-à-porter, pour l’automne-hiver, et pour le printemps-été.
Alors qu’on écrit ce dossier, il court partout, car on est en pleine semaine de la haute couture (qui se déroulait fin janvier), et qu’il se fait un devoir d’assister à tous les défilés qu’organise la fédération qu’il chapeaute. Sauf que pour la Fashion Week à venir, (du 24  février au 3 mars), ce ne sont pas 34 défilés auxquels il devra assister – la haute couture est une petite famille –, mais une centaine, organisée sur neuf jours intensifs.
À la tête du calendrier des défilés et présentations qui se tiendront à Paris, il nous a semblé pouvoir apporter le meilleur éclairage possible dans le dossier du week-end, étant à même de mesurer les enjeux et l’avenir du concept Fashion Week. Entretien à Paris.

Dans la fonction qui est la vôtre, quel enjeu défendez-vous ?
"Il me semble important de cultiver les valeurs de créativité et de savoir-faire de la mode – même si le savoir-faire appartient directement à la sphère de la haute couture. Vous savez, quand un créateur de mode réussit, en règle générale, il vient se frotter à Paris. C’est à Paris qu’on vient se faire adouber en matière de mode ! Et puis, la Fashion Week défend un certain rayonnement : le calendrier des défilés parisiens reflète un éventail de diversités culturelles extrêmement grand".

"Autre particularité liée à la Fashion Week : les marques de création ont l’impératif de montrer, sur un podium, leurs idées et leurs collections, car elles produisent de l’imaginaire. La plupart du temps, dans un défilé, on peut dire qu’il y a un enjeu direct : on vendra en boutique ce qu’on a montré au défilé. Cependant, pour les marques très créatives, les modèles qui sont montrés ne sont pas nécessairement les modèles qui seront vendus. Et alors, le défilé est plutôt ce que le créateur, la tête pensante de la marque, exprime en imaginaire".


La Fashion Week parisienne serait alors un espace où s’exprime un imaginaire. mais ce n’est pas le seul enjeu… il y a un enjeu global.
"La Fashion Week est également traversée par la question du développement durable. Un défilé, ça dure 13,14 minutes environ, et cependant, ce très court show a des répercussions importantes. Nonobstant les réactions sur les réseaux sociaux, qui sont eux de l’ordre de l’éphémère, le défilé a un véritable impact écologique. À la Fédé [Fédération de la haute couture et de la mode de Paris], on a une politique proactive : on travaille à la mise en place d’outils d’écoconception. On cherche, aussi, à mesurer la performance écologique, environnementale et sociale de la Fashion Week".

"La mode se positionne d’un point de vue écologique, tout à coup, et donc d’un point de vue politique. La dimension environnementale nous oblige à nous poser la question de l’usage, et de la fonction du vêtement. C’est un vieux débat. Il peut y avoir une mouvance qui dit :

“À quoi cela sert qu’il y ait de l’imaginaire dans la création ? Ce qu’il faut, c’est se concentrer sur la fonction de l’objet vêtement ?”
Pascal Morand, président de la Fédération francaise de couture et de mode

"Il faut qu’il y ait une rencontre entre l’expression de la création, et la performance environnementale et sociale, car des mouvements disent actuellement : “Pourquoi encore des défilés ? C’est périmé”.

Selon vous, les adeptes de mode achètent-ils désormais tout en ligne ?
"
Les pure players (les entreprises exerçant dans un secteur d’activité unique, NdlR) continuent évidemment à ouvrir des boutiques, car ça marche. Même si, paradoxalement, ce n’est pas forcément dans des boutiques qu’on va acheter ce qu’on désire, mais on va aller y voir l’objet de son désir…

Notez aussi, par exemple, qu’Amazon développe des boutiques.
Pascal Morand, Président de la Fédération de la Couture et de la Mode, de Paris

"On a besoin de lieux ! On ne peut pas considérer qu’une expérience sensorielle en deux dimensions (même si elle est partagée sur les réseaux sociaux) est la même chose qu’une expérience sensorielle véritable".


La Fashion Week, qui touche-t-elle ? Comment montrer la créativité à un public plus élargi ? Comment sortir la mode de son cercle restreint et exclusif ?
"
On constate, d’abord, qu’il y a différents types de marchés. Quand, il y a 25 ans, se sont développées les boutiques de type Zara et H&M, on peut dire ce qu’on veut, dire que ces marques ne fonctionnent qu’à la copie, mais leur développement (et leur succès, auprès d’un marché élargi, NdlR) n’aurait pas eu lieu, s’il n’avait pas existé cette “culture de création”. Cette culture de création que proposent les marques de mode à travers leurs défilés, elle imprègne tout le monde ! Tout le monde connaît les tendances de défilés".

"Dans le monde dans lequel, tous et chacun, nous nous diluons, il existe une inspiration à l’incarnation.
Et les créateurs de mode ont une force : les images qu’ils créent se diffusent partout".
Pascal Morand, Président de la Fédération de la Couture et de la Mode, de Paris

"Enfin, dans ce “parfum de création”, chacun peut trouver son propre style. Il existe une mode classique, une mode plus contemporaine, mais aussi les “trois S” (Sport/Song/Street) : dans les milieux urbains, la mode est aussi très présente. Cela ne veut pas dire que les invités au calendrier des défilés ne sont pas représentatifs de la toute la mode qui existe, mais disons, qu’à partir du défilé, il y a forte diffusion. Et les mondes actuels sont très poreux".

La mode des podiums atteint-elle tous les porte-monnaie ?
"
Tout le monde ne peut pas s’offrir une robe Christian Dior, mais pourquoi pas le parfum ? C’est ce qu’on appelle l’écho de la mode, et cet écho promeut une culture du respect de la création, qui se diffuse dans toute la société".

"Car de fait, dans une société démocratique, libre et cultivée, il est important aussi que cette société puisse reconnaître du sens à ce qui est inutile".
Pascal Morand, Président de la Fédération de la Couture et de la Mode, de Paris

Fashion Week
de New York

Du 7 au 12 février 2020

Quand les mannequins attendent leur tour ... © Angela Weiss/ AFP

Quand les mannequins attendent leur tour ... © Angela Weiss/ AFP

Les marques qui y défilent ?

Les marques qui défilent à New York sont essentiellement américaines, selon un ratio de 86 % des shows Made in USA, et 14 % de marques issues de l’international. (On pense notamment à la maison Missoni, marque italienne de maillots de bain qui a sans doute un grand marché en Californie, à Hawaï, et Miami).
Du côté des marques qui ont pignon sur rue, on listera Jeremy Scott (qui a un second métier ; il dessine aussi les sacs Longchamp) ; Rodarte, spécialiste des robes pour tapis rouges ; ou encore Proenza Schouler, duo au nom imprononçable qui vend ses sacs à main à prix d’or et qui parvient à les écouler surtout.

Proenza Schouler © Johannes Eisele / AFP

Proenza Schouler © Johannes Eisele / AFP

Potins & anecdotes ?

Il n’est pas rare de voir défiler à New York, la fille de Cindy Crawford, Kaia Gerber (30 ans après Maman), ou encore Lourdes, la fille de Madonna.

La fille de Cindy Crawford, sur les podiums de New York. © BELGA/AFP

La fille de Cindy Crawford, sur les podiums de New York. © BELGA/AFP


– Plus problématique est la position d’une marque américaine qu’on ne voit plus affichée à la vitrine du calendrier des défilés new-yorkais. La marque de mode Marchesa, co-fondée par l’ex-épouse d’Harvey Weinstein se fait plus discrète depuis que l’affaire #metoo a explosé. Depuis, d’ailleurs, l’épouse designer a divorcé du Weinstein infréquentable…

La Fashion Week de New York a été intégrée à de nombreuses fictions ; on pense notamment au film Sex and the City, où l’héroïne, Carrie Bradshaw, délaissée par son fiancé au pied de l’autel du mariage, retrouve du poil de la bête en étant assise au premier rang d’un défilé. La mondanité fashion guérit.

Fashion Week
de Londres

Du 13 au 18 février 2020

© DPA

© DPA

Les marques qui y défilent ?

C’est la Fashion Week la plus nationale, parmi les quatre, 98 % des marques présentes sont britanniques. Et sa coloration est plus commerciale qu’elle n’est créative.
C’est d’ailleurs pour cela que la couturière politique et radicale Vivienne Westwood, ou la designer écolo Stella McCartney choisissent de défiler à Paris et non dans leurs frontières britanniques. Ce qu’elles proposent n’est pas en adéquation avec le reste du calendrier londonien.
Du côté des marques, on pointera notamment Victoria Beckham. l’ex Spice Girl, femme de footballeur s’est forgée un nom dans la mode : sa marque très “business woman” fonctionne sans souci : assez classique, défendant un chic high level

Un modèle de Victoria Beckham en septembre dernier. © Alliance ABACA

Un modèle de Victoria Beckham en septembre dernier. © Alliance ABACA

Un modèle de Victoria Beckham en septembre dernier. © Alliance/ABACA

Un modèle de Victoria Beckham en septembre dernier. © Alliance/ABACA


La marque très londonienne Burberry aux trenches so English reste à demeure, et on comprend pourquoi : leur classique imperméable va bien au temps anglais.

Potins & anecdotes ?

C’est la seule Fashion Week ouverte au grand public.
C’est aussi la seule qui décide de ne faire défiler aucune vraie fourrure.

Fashion Week
de Milan

Du 17 au 23 février 2020

© Bertorello / AFP

© Bertorello / AFP

Les marques qui défilent ?

Autrement appelée Settimana della moda, la Fashion Week de Milan est aussi la plus ancienne après New York, datant de 1958. Paris n’emboîtera le pas à Milan qu’en 1973. La plupart des marques qui s’y montrent sont italiennes (84 % sur un total de 170 présentations).

Du côté des marques, on listera, mais ce n’est pas exhaustif : 
Les grandes maisons internationales : Gucci, Versace, Armani, Prada, Fendi, Max Mara, Bottega Veneta, Ferragamo…

Show Ferragamo © Gil Gonzalez AFP

Show Ferragamo © Gil Gonzalez AFP

Show Moschino © Ik Aldama/AFP

Show Moschino © Ik Aldama/AFP

Show Fendi © Gil Gonzalez AFP

Show Fendi © Gil Gonzalez AFP


Les créateurs qui font une signature stylistique très italienne : Etro, Marni, Missoni.
Des marques sportswear qui aspirent à faire connaître un côté création : DSquared, Fila, BLue Marine, Boss…
Et, pour les fans de souliers, les griffes de chausseurs de luxe : Giuseppe Zanotti, Sergio Rossi, Bally, Stuart Weizmann, et l’inaltérable Jimmy Choo.

Potins & Anecdotes

En septembre dernier, le mannequin non-binaire Ayesha Tan-Jones a alerté le monde de la mode sur la santé mentale. Alors que Gucci proposait, dans son show printemps-été, des vêtements inspirés par les camisoles de force, la jeune femme qui faisait partie des mannequins défilant, a écrit au creux dans ses paumes tendues à la presse : “Mental Health is not Fashion/La santé mentale n’est pas à la mode.”

© Instagram

© Instagram

Autre potin de la dernière Settimana de la Moda : pour son défilé, Donatella Versace – qui, il est vrai, vit quelque peu dans le passé, avait invité Jennifer Lopez. On se souvient qu’en 2000 l’actrice latino avait affolé la red carpet des Grammy Awards avec une robe verte médusante et affriolante, ouverte littéralement de partout.
En 2019, JeLo est venue faire preuve que, deux décennies plus tard, elle a encore un corps très instagrammable.

Fashion Week
de Paris

Du 24 février au 3 mars 2020

© Johanna de Tessières

© Johanna de Tessières

Les marques qui y défilent ?

C’est à Paris que défilent le plus de marques à l’international et pas seulement des marques françaisesmême si, précise Pascal Morand, président exécutif de la Fédération de la Couture et du Prêt-à-porter, “les autres Fashion Weeks tendent à s’internationaliser aussi […] Les grandes marques sont bien souvent à Paris, les jeunes créateurs viennent se frotter aussi à la capitale de la mode”. […]


“Pierre Bergé appelait cela
 “l’école de mode de Paris”. Il en parlait comme d’une école de peinture. Comme si Paris insufflait son propre style…” 
Pascal Morand, président de la Fédé des défilés à Paris

Du côté des marques, on listera à Paris :

– Les fameuses grandes maisons de mode françaises qui défilent pour chacune d’entre elles, un jour distinct, pour éviter de se faire de l’ombre au calendrier. Chanel, Dior, Saint Laurent, Balenciaga, Louis Vuitton, Hermès.
– Les Belges choisissent aussi de défiler à Paris, tels Ann Demeulemeester, Haider Ackermann, Dries Van Noten, Olivier Theyskens, Cédric Charlier ou encore Christian Wynants.
– Traditionnellement, les Japonais ont choisi aussi la Ville Lumière pour présenter leurs vêtements : Issey Miyake, Comme des Garçons,…
– Les jeunes créateurs, enfin, y testent leurs idées : Marine Serre, issue de la Cambre ; le Japonais d’Anrealage, ou encore Y Project, par exemple… 

Potins & anecdotes ?


À seulement 9 ans, Daisy-May Demetre fut la star de la dernière Fashion Week de Paris faisant de l’ombre aux mannequins les plus célèbres. Daisy-May Demetre, amputée des jambes suite à une maladie dite “hénimélie fibulaire”, a défilé dans une robe qui laissait apparaître ses deux prothèses, pour le compte de la firme Lulu et Gigi, au sommet de la tour Eiffel. 


Une rangée de vedettes est toujours présente à Paris, à l’invitation des grandes maisons : Kanye West chez LV, Jane Birkin chez Hermès. On se souvient du récit de Loïc Prigent, le journaliste mode qui ne manque pas d’humour, qui racontait comment, par exemple, Catherine Deneuve s’était retrouvée coincée dans un ascenseur lors d’un show.


Autre gros potin fashion : lorsqu’en octobre 2016, Kim Kardashian s’était fait détrousser dans son hôtel de 10 millions d’euros de bijoux par de faux policiers. Depuis elle est de retour pour la Fashion mais disons que la Fashion Week, c’est un sport à risque, à Paris.

Kim en mars dernier, en camouflage léopart, à Paris, pour la Fashion Week. © ABACA PRESS

Kim en mars dernier, en camouflage léopart, à Paris, pour la Fashion Week. © ABACA PRESS

Personnalités de
la Fashion Week

Miranda Kerr, au défilé Vuitton, à la Fashion Week de Paris. © Johanna de Tessières

Miranda Kerr, au défilé Vuitton, à la Fashion Week de Paris. © Johanna de Tessières