Le vol spectaculaire des joyaux
de la Couronne de France




Septembre 1792, la Révolution fait rage. Le peuple français, bien décidé à en découdre avec la monarchie absolue, bat le pavé, armes à la main, le cœur rempli d’une victoire à laquelle il n’osait croire. Louis XVI, roi des Français, et sa femme Marie-Antoinette sont en effet emprisonnés dans la Tour du temple, dans le troisième arrondissement de Paris. Le faste et la démesure de leur bien-aimé Versailles ont fait place à l’exiguïté d’une forteresse qu’ils ne quitteront que pour être guillotinés sur la place publique.

Malgré la chute du symbole de leur oppression, les révolutionnaires n’ont pas le cœur à la fête. Une armée austro-prussienne de cent mille hommes vient de pénétrer dans le Royaume. Grâce au très expérimenté général de Brunswick, les Alliés engrangent de nombreuses victoires face à une armée française qui peine à offrir une opposition crédible. Or, si les troupes ennemies parviennent à marcher sur Paris, elles libèreront le roi et la reine mettant ainsi un point final à cette Révolution populaire. Une éventualité qui obnubile le Tout-Paris.

Au beau milieu de cette anarchie se trame un délit d’envergure auquel personne ne s’attend. Des cambrioleurs planifient dans l’ombre l’un des vols les plus lucratifs de l’Histoire, celui des célèbres joyaux de la Couronne de France !

Chapitre 1 : Le casse du siècle

16 septembre 1792. La nuit tombe sur une Place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) déserte. A cette heure, peu de gens osent encore s’y aventurer. Le quartier est mal famé et le bois des Champs-Elysées grouille de bandits en tous genres. A deux pas de là, quelques gardes nationaux patrouillent devant le Garde-Meuble royal qui renferme le plus grand trésor du Royaume. Une ronde comme ils en ont fait des dizaines auparavant. Mais cette nuit-là, quelque chose attire leur attention.

Ils repèrent un homme en train de descendre la façade du bâtiment. Pire, les poches de l’intrus débordent de pierres précieuses. Même s’ils réalisent ce qui est en train de se passer, ils n’osent pas encore y croire. Au pas de course, ils font le tour du bâtiment et, quatre à quatre, montent les escaliers les menant au premier étage. Ils brisent les scellés qui avaient été posés après la prise des Tuileries et regardent avec effroi la scène qui s’offre à eux. Les armoires éventrées et les coffres vides trônent à côté de bouteilles d’alcool brisées. Plus de quarante cambrioleurs ont participé à une gigantesque beuverie sur les lieux mêmes de leur méfait. En quatre nuits, ils ont réussi l’exploit de piller la quasi totalité du Trésor de France : plus de 9.000 pierres précieuses, soit l’équivalent de sept tonnes d’or.

Cette précieuse collection de joyaux entamée par François 1er et alimentée par Louis XIV se composait de 9547 diamants, 506 perles, 230 rubis et spinelles, 71 topazes, 150 émeraudes, 35 saphirs et 19 pierres.Parmi tous ces trésors, quelques pièces uniques étaient enviées de par le monde :



Le Régent

Un diamant blanc de 140,64 carats devenu le symbole de la royauté. Il fut porté par Louis XV lors de son sacre.



Le Sancy

Un incroyable diamant jaune pâle de 55,23 carats offert par Mazarin à Louis XIV.



Le Diamant bleu de la Couronne de France

Jean-Baptiste Tavernier, un voyageur français, le ramena d’un voyage en Inde. Ce diamant de 69 carats ornait la célèbre Toison d’or de Louis XIV.

Le Côte-de-Bretagne

Ce spinelle fut la propriété de François 1er. Retaillé en forme de dragon sur ordre de Louis XV, il figurait également sur la Toison d’or.

Avec la disparition de ce trésor, c’est également une fortune colossale appartenant à la nation qui s’envole. Une sacrée tuile pour un pays déjà fortement endetté. Chacun cherche un coupable, les accusations fusent. Une seule question est sur toutes les lèvres : qui a pu organiser ce casse ?

Chapitre 2 : Un homme, un voleur, un maître

Nombreuses sont les personnes à avoir une part de responsabilité dans cette affaire. Mais quatre hommes resteront célèbres à travers les siècles pour avoir, peut-être, été à l’origine de cet incroyable larcin.


Marc-Antoine Thierry, baron de Ville-D’Avray

Cet homme d’origine modeste a tout au long de sa vie eu pour objectif de monter les échelons. Au service de Louis XVI comme premier valet de chambre, il est nommé intendant du Garde-Meuble royal. A l’époque, les joyaux de la Couronne sont encore aux mains du roi. Ils ne rejoindront le Garde-Meuble que lorsque Louis XVI sera arrêté à Varennes après avoir tenté de prendre la fuite.

Royaliste jusqu’au bout des ongles, le baron Thierry sent pourtant que le vent est en train de tourner pour la monarchie. Afin de s’assurer que les joyaux de la Couronne ne tombent pas entre de mauvaises mains, il décide de « sauver » neuf coffres de pierres précieuses dans son appartement. Ces coffres seront finalement replacés dans le Garde-Meuble. Toutefois, personne à l’époque ne pensa à les ouvrir afin de voir s’ils étaient toujours bel et bien remplis de pierres précieuses.

Le vol au Garde-meuble pourrait très bien n’avoir été qu’une couverture pour masquer celui, plus ancien, des coffrets. Une hypothèse qui ne pourra jamais être confirmée puisque le baron Thierry mourra lors des massacres de Septembre sans laisser le moindre indice.

Paul Miette

Bandit notoire, il est connu pour être l’instigateur du casse. Lorsque, à l’occasion des massacres de Septembre, les « Sans-culottes » envahissent les prisons de Paris pour exécuter les contre-révolutionnaires, ils libèrent par la même occasion des criminels. C’est de cette manière que Miette a réussi à se constituer une petite équipe de voleurs. Il est aujourd’hui certain qu’il s’est introduit dans le Garde-Meuble la première nuit afin de voler les pierres les plus précieuses. Il a été rejoint les nuits suivantes par des cambrioleurs beaucoup moins aguerris qui ont fini par les faire repérer. Des 17 voleurs arrêtés, cinq seulement seront guillotinés. Paul Miette, pourtant à l’origine du vol, sera étrangement épargné, tout comme les autres gros poissons. De quoi faire affirmer à certains qu’il était protégé par le véritable commanditaire du vol, haut-placé dans la hiérarchie.





Jean-Marie Roland
de La Platière

A l’époque ministre de l’Intérieur, c’est à lui que revient la lourde tâche de mener l’enquête sur le « casse du siècle ». Pourtant, il a lui aussi des choses à se reprocher. Le nouvel intendant du Garde-Meuble lui avait en effet écrit à plusieurs reprises pour lui demander suffisamment de renforts pour protéger correctement le bâtiment où étaient entreposés les joyaux de la Couronne. Des requêtes qui n’ont jamais reçu de réponse. Le ministre a-t-il délibérément laissé le bâtiment sans surveillance pour permettre les vols ? Est-ce lui qui a sauvé Paul Miette d’une mort certaine ?

Georges Danton

Figure emblématique de la Révolution, Danton serait, selon certains historiens, à l’origine des massacres de Septembre, et par extension le libérateur de Paul Miette. Cet avocat devenu ministre de la Justice est vu comme un fin stratège. Aurait-il pu, dès lors, offrir quelques diamants volés à l’armée austro-prussienne pour qu’elle batte en retraite à Valmy ? Cette défaite des troupes ennemies qui avaient jusque-là le vent en poupe est en effet des plus surprenantes. Si les doutes sont permis, il reste peu probable qu’un général comme Brunswick ait accepté de perdre une bataille, même contre quelques cailloux…

L’Angleterre

Meilleure ennemie de la France à cette époque, l’Angleterre a naturellement été pointée du doigt. Il est vrai que les Révolutionnaires comptaient mettre les joyaux en gage afin d’avoir assez d’argent pour se constituer une gigantesque armée. Des troupes qui auraient pu finir par attaquer l’Angleterre. Un motif suffisant pour commettre ce vol d’envergure ?

A l’heure actuelle, aucun document permettant d’identifier formellement l’auteur du cambriolage n’a encore été retrouvé.



Chapitre 3 : Tout espoir n’est jamais perdu

L’emballement autour de ce vol prend fin lorsque des pièces commencent à refaire surface. Le Régent, le Sancy et le Côte-de-Bretagne ont ainsi été retrouvés, comme environ deux tiers du trésor. Si les joyaux de la Couronne de France ont finalement été vendus à de riches particuliers au XIXème siècle, ce qu’il reste des pierres se trouve aujourd’hui au Louvre (Régent, Sancy) et au Muséum national d’histoire naturelle. Seul le diamant bleu de la Couronne manque encore et toujours à l’appel. Mais il n’a pas pour autant disparu puisqu’il est connu du monde entier sous un autre nom.


Vingt ans et deux jours après le casse du Garde-Meuble (et après le délai de prescription), un banquier anglais du nom de Hope se vante d’avoir en sa possession un magnifique diamant bleu. Au fil du temps, cette pierre traversera l’Altantique et fera son entrée aux Etats-Unis où elle passera de mains en mains jusqu’à atterrir au Smithsonian Institute de Washington. Se pourrait-il que le célèbre diamant Hope et le diamant français ne soient qu’une seule et même pierre ? Tout semble le laisser croire !

François Farges, professeur de minéralogie, a en effet découvert au Muséum national d’histoire naturelle une réplique en plomb du joyau français. Des instruments de mesure ont alors permis de démontrer que le Hope était légèrement plus petit que l’autre, signe qu’il aurait été retaillé suite au vol.


Un « casse du siècle » qui n’aura heureusement eu que très peu de conséquences culturelles puisque les plus belles gemmes étincellent aujourd’hui sous l’œil admiratif des touristes.

SOURCE

L’Ombre d’un doute – Le casse du millénaire
Histoire Presse
Photos : Reporters, Wikipédia

L’équipe

Jessica Flament

Journaliste


Pauline Oger

Chef de projet


Dorian de Meeûs

Rédacteur en chef


Raphaël Batista

Designer