Au Niger, les importations européennes de lait en poudre étouffent les producteurs locaux

L'entreprise d'Habsatou Aboubacar est l'une des ambassadrices de la campagne "Mon lait est local". © Sarah Freres

L'entreprise d'Habsatou Aboubacar est l'une des ambassadrices de la campagne "Mon lait est local". © Sarah Freres

Vous savez, au Niger, beaucoup d’argent est investi pour contrôler l’immigration. Moi, je pense que tous ces fonds pourraient - non, devraient - être réinjectés ailleurs pour soutenir et aider les populations d’éleveurs et d’agriculteurs. Les communautés en Afrique sont, en général, très sociales. Personne n’entame un exode de gaieté de coeur, même pour se rendre dans un pays voisin. Ce sont des instincts de survie qui poussent les gens à oser la traversée du désert et des océans. Ils n’ont pas le choix. Mais quand ils vont en Europe... Vous connaissez les conditions dans lesquelles ils arrivent ? Dans lesquelles ils vivent ? Gagner de l’argent misérablement, vivre indignement pour finalement être renvoyés au pays. Si ces gens-là étaient aidés pour faire ce qu’ils ont l’habitude de faire - l’élevage, l’agriculture - dans leur village... C’est ça qu’il faut faire : 'traiter les maux à la base'.”

L’histoire ne dit pas si Habsatou Aboubacar, surnommée “Habsou”, est consciente qu’elle paraphrase un des leitmotiv européens en matière de migration : “Gérer l’afflux de migrants, protéger les frontières de l’Europe et s’attaquer aux causes profondes de ces pressions migratoires”.

Elle s'est lancée dans la production de lait en 2011. © Sarah Freres

Elle s'est lancée dans la production de lait en 2011. © Sarah Freres

Sous une large tente plantée au beau milieu d’un terrain de sable couleur ocre, à 6 000 kilomètres du quartier Schuman, cette entrepreneuse touarègue originaire de la région d’Agadez toise les politiques commerciales européennes.

Et surtout, ses massives exportations de lait en poudre qui ont inondé les marchés d’Afrique de l’Ouest. “Nos enfants ont perdu le goût du lait naturel. Ils ne connaissent pas le lait, le vrai. Ni la vie et les opportunités qui se créent autour. Dans mon village, en brousse, il y a des vaches, des chèvres, etc. Mais chaque matin, les gens consomment un paquet de lait en poudre acheté à 17 kilomètres. Plus personne ne s’occupe des animaux pour faire du lait. Moi, ça me fait mal de voir que les gens ont délaissé ça. Le lait en poudre est tellement facile d’accès qu’il a rendu les gens paresseux”, s’exclame-t-elle entre deux gorgées de lait de chamelle.

Son troupeau est composé de deux cents chamelles, dont une trentaine de laitières. © Sarah Freres

Son troupeau est composé de deux cents chamelles, dont une trentaine de laitières. © Sarah Freres

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