Au coeur du Centre de Traitement des Brûlés de Loverval

Perdu entre le ring de Charleroi et le bois de Fromont, le Centre de Traitement des Brûlés de Loverval accueille les patients atteints de brûlures, de maladies rares de la peau ou de plaies étendues. À seulement quelques mètres de la sortie 3 du ring de Charleroi, c'est au cœur d'un important complexe hospitalier que se situe le bâtiment quelque peu vieillissant du service des brûlés.

Construit en 1974, il est le premier du genre à avoir vu le jour en Belgique. Il fera bientôt peau neuve pour s'installer à Gilly, en juin 2024.

Ce reportage a été réalisé avant la crise sanitaire du coronavirus.


Thierry est sur le départ après presque un mois passé au service des brûlés. Le quinquagénaire fait partie des patients victimes d'accidents domestiques, comme la majorité des personnes admises à Loverval. "Mon épouse avait froid, j’ai donc rajouté un poêle à pétrole en plus du chauffage. Quand elle a voulu se lever, elle a eu une perte d’équilibre et, en essayant de la rattraper, j’ai atterri dans le poêle à pétrole. Mon pantalon a pris feu", explique-t-il.

"Le lendemain de l'accident, je suis allé aux urgences de Dinant, où l’on m’a prodigué les premiers soins et on m’a donné de la pommade. Ils m’ont dit de revenir dans 48 heures. Je n’ai pas eu de certificat et je suis même allé travailler le lendemain", raconte-t-il.

"Même si j'ai une grande résistance à la douleur, j'avais vraiment très mal. J'ai quand même attendu six jours avant de retourner aux urgences de Dinant. Le médecin de garde m’a dit ‘on ne peut pas soigner ça, c’est bien trop grave’. Et il m'a conseillé le centre de Loverval", détaille Thierry, qui s'est rendu avec son propre véhicule au Centre de Traitement des Brûlés.

Brûlé sur le bas des jambes, Thierry a dû subir plusieurs opérations lors de son passage au centre. "J’ai d’abord été opéré pour une homogreffe (greffe de peau d’un autre individu, NdlR). Dans un second temps, ils ont prélevé de la peau de ma cuisse pour faire une seconde greffe sur mon tibia. À présent, je peux sortir tout en continuant de me faire soigner à l’extérieur tous les deux jours, mais j’aurai des traces à vie", précise-t-il.

Durant la revalidation, la routine de Thierry est rythmée entre soins, repos et rééducation. Même si la douleur se fait souvent sentir lors des exercices, comme pendant des séances de vélo d'intérieur, le vigoureux cinquantenaire sait que c'est un passage obligatoire pour une bonne récupération. "Ça me permet de me remettre plus vite et de reprendre le cours de ma vie", confirme-t-il.

Outre les différentes opérations réalisées, le changement des pansements est bien souvent l'étape la plus douloureuse pour les patients atteints de brûlures, au vu de la fragilité de la peau. "On me change les bandages tous les deux jours. Lors du changement de pansement vous devez venir à jeun car les médecins doivent parfois sédater pour diminuer la douleur", raconte Thierry.

Au sein du service, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, psychologues ou encore coordinateurs de soins coopèrent pour assurer le meilleur suivi possible des patients.

"Le personnel est vraiment ultra-professionnel tout en étant compréhensif et très accessible. C’est un service familial en quelque sorte. Il y a une grande cohésion entre les différents membres et c’est très important pour les patients", insiste Thierry.

Martine (prénom d'emprunt) a quant à elle été admise au centre des brûlés au mois de janvier pour un tout autre motif. "J'ai eu une énorme infection dermatologique qui a attaqué tout le bas de mon corps", explique-t-elle. Depuis son entrée au centre, la retraitée est placée dans une chambre à part, où masques et combinaisons stériles sont indispensables pour quiconque souhaite y pénétrer, dû à la vulnérabilité de la patiente. Martine, qui sortira bientôt, garde les mêmes souvenirs que Thierry quant à son expérience ici. "Je n’ai jamais rencontré un personnel aussi disponible, attentionné et délicat", reconnaît-elle.

Étant donné la gravité de certaines brûlures et malgré les soins pratiqués pour réduire les marques, les cicatrices sont bien souvent inévitables pour les brûlés. Au-delà de la douleur physique, l'aspect psychologique est également un point non-négligeable dans le suivi des patients. "Ce qui est spécifique pour les grands brûlés, à l'inverse d'autres pathologies, c’est qu’il y a souvent des cicatrices visibles. L’image du corps va donc être beaucoup plus bouleversée que dans d’autres maladies. C'est un aspect qui peut se révéler difficile pour les patients et qui doit être travaillé", détaille Pascaline Gomez, psychologue au sein du Centre de Traitement des Brûlés.

Quand on parle de grands brûlés, on imagine souvent le pire. Pourtant la majorité des patients admis au centre de Loverval sont bien souvent hospitalisés pour des brûlures mineures.

"On parle de grands brûlés à partir du moment où 15 à 20% de la surface de la peau est brûlée. À titre indicatif, la face d’une main représente uniquement 1% de la surface totale de la peau. On traite principalement des patients souffrant de brûlures mineures, qui ont moins de 15% de surface brûlée", explique Serge Jennes, chef de service du Centre de Traitement des Brûlés.

Ce centre, créé initialement en 1974 pour faire face aux catastrophes qui pouvaient survenir dans les industries sidérurgiques du bassin carolo, accueille à présent de moins en moins de patients pour cause d’accidents professionnels, et davantage de cas d’accidents domestiques. "Les accidents professionnels sont devenus plus rares, de l’ordre de 5 à 10%, selon mes estimations. Ce pourcentage a diminué car il y a de moins en moins d’industries à risque et que la prévention s’est améliorée", précise Serge Jennes.

"Actuellement, la plupart de nos patients sont admis suite à un accident domestique et majoritairement pour des brûlures partielles", continue le chef de service.

Un traitement au cas par cas

Lorsqu'un patient atteint de brûlures arrive au centre, il est directement pris en charge par l'équipe médicale qui entame alors la procédure de soins, commune à tous les brûlés. "On commence par anesthésier le patient de manière à diminuer la douleur occasionnée lors des soins prodigués, à savoir le lavage du patient et la désinfection des brûlures", détaille Serge Jennes. Lors de l'admission, il peut aussi arriver que certains brûlés doivent subir une intervention chirurgicale en fonction de la blessure. "Lorsque les brûlures sont circulaires (toute une main y compris les plis des doigts par exemple), il faut opérer car il y a un risque pour que les brûlures s’accompagnent d’une exsudation, et donc d’un gonflement qui va comprimer la circulation sanguine", poursuit le chef de service.

Une fois les soins réalisés, le patient est réveillé, dans la mesure où les médecins estiment qu'il ne souffrira pas de manière excessive une fois conscient.

Le traitement et les soins qui seront prodigués aux personnes brûlées sont adaptés au cas par cas en fonction de la gravité et du type de brûlure. "On les classe généralement en fonction de leur profondeur (1er-2e-3e degré), du pourcentage de surface qui a été touché ou encore suivant la cause de la brûlure (flamme, contact, produits chimiques, radiations...)", explique Serge Jennes.

"Le pronostic du patient est souvent lié à la surface brûlée et à la profondeur. Une personne brûlée à hauteur de 80%, même si elle est dans la force de l’âge (20-40 ans), aura un taux de mortalité de 50%", continue-t-il.

Loverval en chiffres

"Il faut un peu casser cette légende qui dit que ce sera toujours mieux à Bruxelles"

Dans l'ombre du prestigieux centre de Neder-Over-Heembek, le service des grands brûlés de l'IMTR de Loverval est assez méconnu. Pourtant, ce centre public est le plus grand de Wallonie pour sa capacité d’accueil. Pour Serge Jennes, le Hainaut doit être fier des soins proposés à Loverval. "Je pense que le Hainaut doit être content et satisfait d’avoir un centre des brûlés à proximité et de ne pas devoir monter à Bruxelles à chaque fois, comme c’est le cas pour d’autres pathologies".

"Je pense qu’il faut un peu casser cette légende qui dit que ce sera toujours mieux à Bruxelles. Même si le centre des grands brûlés de Neder-Over-Heembeek est excellent, on fait du très bon travail ici", explique celui qui a également été chef de service de l’hôpital bruxellois.

"Parfois, des brûlés de Mons, de La Louvière sont envoyés dans les centres bruxellois alors qu’il y a un excellent centre à Loverval. Bruxelles, pour certains visiteurs wallons, c’est beaucoup plus compliqué en termes d’accès. En venant à Loverval, ils ne perdent pas deux heures dans leur voiture", continue Serge Jennes.

Du renouveau en 2024

En juin 2024, le nouvel Grand Hôpital de Charleroi sortira de terre, et regroupera les 5 complexes hospitaliers qui dépendent du GHdC et qui sont actuellement disséminés dans la région. Le service des grands brûlés déménagera également.

"Le 6 juin 2024, on aura les différents services de soins sur le même plateau technique. Ce sera le centre le plus récent en Belgique. Tous les hôpitaux du GHdC vont se retrouver sur le site des Viviers à Gilly", précise le chef de service. Le centre de traitement des brûlés conservera son actuelle capacité d'accueil de 10 lits mais "déménagera pour côtoyer les services des soins intensifs, de chirurgie… Ce qui en fera le centre wallon le plus performant en la matière", conclut Serge Jennes.