Dans son « guide pessimiste » publié en décembre 2017, Bloomberg a annoncé la fin du pétrole à court terme. Dans une société où l’écologie prend une place de plus en plus importante, les panneaux photovoltaïques semblent tout indiqués pour contribuer à la ville du futur, intelligente, humaine et connectée.
Le défi des panneaux solaires de demain ne réside en réalité pas dans la rentabilité de sa production d’énergie, comme le souligne Eric Franssen, patron de Finale 24, fabricant belge de panneaux photovoltaïques, mais plutôt dans sa forme : « Les modules vendus en 1997 voire même avant cela avaient une puissance de 250 - 260 Watts. Aujourd'hui, on arrive à 290 voire 300 Watts. Il y a donc eu peu de progrès contrairement à ce qu’on croit. L’innovation est principalement liée à des arrangements physiques ».
Lalibre.be vous dévoile quelques exemples des innovations les plus prometteuses de ces cinq prochaines années.
Zephyr Solar est une ambitieuse start-up fondée par deux designers industriels français. Julie Dautel et Cédric Tomissi avaient pour ambition de faire voler des panneaux solaires. Un pari réussi puisqu’en 2017, ils ont reçu le label « La France s’engage » des mains de son bienfaiteur, François Hollande, pour leur invention. En plus de cette récompense, Zéphyr Solar a déjà reçu plusieurs prix lors de concours d’innovation.
L’idée est simple : développer des ballons auxquels sont accrochés des panneaux solaires permettant d’amener l’électricité à un générateur au sol.
Dans un entretien accordé au magazine We Demain, la co-fondatrice explique leurs motivations : « Pour l’heure, plus d’un milliard de personnes sur Terre n’a toujours pas un accès régulier à l’électricité. Et quand c’est le cas c’est souvent à l’aide d’un générateur qui pollue, fait du bruit et pose des problèmes d’approvisionnement en pétrole dans les zones reculées ».
La solution qu’ils proposent est « facile et rapide à déployer » : une heure suffit à son installation. En effet, il faut simplement gonfler le ballon avec de l’hélium et régler sa hauteur, variable entre 15 et 150 mètres. Le ballon solaire est relié par un câble à un accumulateur au sol qui transmet l’électricité produite.
Sunpartner est une PME française qui s’est lancée dans la création de panneaux photovoltaïques entièrement transparents. Ce système ne se limite pas seulement à fournir de l’énergie à des bâtiments mais peut également être utilisé pour alimenter les smartphones, ordinateurs, tablettes et autres objets connectés.
Baptisés Wysips (« What you see is photovoltaic surface »), ces panneaux solaires d’un nouveau genre peuvent couvrir l’ensemble d’un building. Ils ont l’avantage de capter l’énergie et de laisser passer la lumière.
La start-up a ouvert son premier site de production de vitrage solaire en octobre 2017 près d’Aix-en-Provence. La gamme de produits ne se limite pas aux fenêtres de bâtiment mais va des hublots d’avion aux fenêtres de train en passant par les toits des voitures.
Fin 2016, Tesla présentait son projet Solar Roof, « toit solaire ». Exit les grands panneaux noirs sur les toitures. Bientôt, les tuiles seront elles-mêmes de mini panneaux photovoltaïques. L’entreprise d’innovation technologique a développé quatre modèles qui permettent ainsi de s’adapter à tous les styles de maison. Les précommandes ont été lancées et en fonction de sa place dans la file d'attente, le client recevra ses tuiles courant 2018.
Pas besoin cependant d’aller si loin puisqu’en Belgique, quelques sociétés se sont déjà lancées dans la commercialisation de systèmes similaires. Chez Smartroof, on assure que seuls 35 m² de tuiles intelligentes sont nécessaires pour créer un véritable rendement, soit 2.700 kWh par an représentant la consommation d’une famille moyenne.
Les premières commercialisations ont été négociées en juin 2017 mais ces tuiles restent néanmoins moins puissantes que des panneaux traditionnels.
Tesla n'a pas donné suite à nos demandes concernant les tarifs et la technique de production de ses tuiles. Quant à Smartroof, elle a indiqué qu’elle ne fournissait ses tarifs que sur base d’un devis.
Selon Eric Franssen de Finale 24, la plus importante contrainte des panneaux photovoltaïques est « la disparité entre la production du panneau et l'utilisation de l'électricité. Le panneau produit beaucoup en été et durant la journée. Or, on consomme beaucoup plus en hiver et plutôt le soir ».
Face à un tel enjeu, de nombreux chercheurs se sont intéressés à la question. Et la solution est déjà presque trouvée. L’Université nationale australienne et l’Université de Berkeley aux Etats-Unis ont développé de nouveaux nanomatériaux innovants pouvant produire de l’électricité dans le noir et donc, pendant la nuit ou par temps nuageux.
Comment ça marche ? Les cellules thermophotovoltaïques microscopiques ne captent plus la lumière mais la chaleur environnante. Ces cellules, à base d’or et de fluorure de magnésium (notamment utilisé pour les lentilles), sont en effet plus sensibles aux infrarouges qui rayonnent la nuit. Avec les matériaux classiques comme le verre, la dispersion des ondes électromagnétiques est importante. Mais grâce à cette cellule thermophotovoltaïque, la dispersion magnétique se fait de manière hyperbolique, cela signifie que les ondes sont rassemblées dans une même direction permettant de diriger la chaleur vers une cellule qui va transformer cette énergie en électricité.
Ces nouveaux panneaux solaires pourraient donc fournir jusqu’à dix fois plus d’énergie que les panneaux actuels.
Quand cela sera-t-il commercialisé ? Les chercheurs travaillent sur la stabilisation du matériau. Aucune date n’est encore avancée.
Le pérovskite pourrait bien sonner la fin du traditionnel silicium. Cette cellule a en effet l’avantage d’absorber plus de photons que sa sœur. En plus d’être plus rentable, sa production est également plus facile et meilleure marché.
De nombreuses universités du monde entier travaillent actuellement sur le matériau : Belgique, Singapour, Etats-Unis, Israël, Royaume-Uni, Suisse…
L’efficacité de ces cellules est en constante augmentation. Depuis 2009, elle est passée de 3,8% à 22,1% en 2016, ce qui en fait la technologie solaire au développement le plus rapide de l’histoire.
« Si la question du rendement semble avoir trouvé réponse, d’importants travaux restent à effectuer au niveau de la stabilité des matériaux et de la répétabilité des performances en production avant de passer à la commercialisation », reconnaît Tyler Ogden, associé chez Lux Research et auteur d’une récente étude portant sur l’avènement des pérovskites.
Malgré la fin des primes et la faillite de nombreux installateurs indépendants, peut-on encore croire en l’avenir des panneaux photovoltaïques ? « Bien entendu, l'avenir est énorme. Quand j'ai investi deux lignes de fabrication de panneaux en 2013, on m'a pris pour un fou. Pourquoi investir quand tout le monde s'arrête ? Sincèrement, je ne pense pas qu'on pourra se passer d'énergie renouvelable à l'avenir », assure le patron de Finale 24, producteur de panneaux photovoltaïques.
D’ailleurs, son coup de poker a payé : « Nous avons vendu pour la seule année 2017 autant que les 3 années précédentes. C'est une sérieuse progression. Les raisons : le prix des installations qui a diminué et le prix croissant de l'électricité ».
Cependant, l’ingénieur regrette la politique gouvernementale de ces dix dernières années en matière de taxation sur l’énergie verte. Selon lui, l’imposition des ménages reste un frein au développement photovoltaïque : « La plupart de nos clients sont écœurés par la politique menée qui pousse les citoyens à investir dans du renouvelable et puis qui vous taxe quelques années plus tard pour avoir fait une démarche écologique ».
Il émet également ses réserves quant à la lourdeur administrative : « Cela ralentit souvent l'initiative personnelle. Par exemple, il y a 6 ans, j'avais proposé de remplir les décharges et friches polluées de champs solaires mais la situation est restée bloquée. Si vous vous voulez lancez dans la construction d’une route avec un revêtement photovoltaïque en Wallonie, vous devez passer par tellement de procédures administratives… C’est décourageant ».
Malgré ces obstacles, Eric Franssen voit le secteur évoluer et s’émerveille de toutes les nouveautés : « Il y en a tous les mois ! Les panneaux flottants, recouverts de béton, transparents, les mini cellules, les cellules sous vide... Je lis et je vois avec grand plaisir ces installations un peu hors du commun ». Mais il reste réaliste : « J’attends que cela soit produit à grande échelle. Car durant dix ans, j'ai tout entendu et tout lu sur les nouveautés possibles avec à chaque fois la même conclusion : ‘Tu verras, dans 2 ou 3 ans, ce sera encore plus performant’. Dix ans plus tard, l'industrie n'a pratiquement pas changé et il y a toujours autant de suppositions et de miracles espérés, mais sans vrai résultat. Je reste malgré tout positif et impatient de voir ce que l’avenir nous réserve ».