La Belgique fédérale encore en selle en 2046


Derniers sujets à débattre pour les protagonistes de notre série d’été : la Belgique et la politique. Et ça tombe bien, à ce propos, ils devraient en connaître un rayon. N’est-ce pas leur job de faire tourner notre plat pays, voire de nous réconcilier avec la démocratie et ses élus ? Mais, finalement, ce boulot, il y a mille manières de l’envisager : parmi des citoyens tirés au sort, pour seulement deux mandats, par delà les frontières linguistiques…

Aymeric de Lamotte

26 ans

Conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre et avocat.


En 2046, nous avons compris qu’il fallait renouer le lien avec le peuple en lui redonnant le pouvoir qui lui appartenait, en diminuant la distance qui séparait les gouvernants des gouvernés. Et, pour ce faire, nous avons opéré de trois manières : lors des élections, nous avons supprimé l’effet dévolutif de la case de tête et des suppléants, pour que les partis ne puissent plus décider à l’avance qui serait élu ou pas et pour que les remplacements se fassent par les candidats non-élus qui ont eu le plus de voix. Ensuite, nous avons instauré des référendums à tous les niveaux de pouvoir, posant aux niveaux locaux et régionaux des questions précises concernant notamment l’urbanisme et la mobilité et, au niveau fédéral, des questions sociétales et éthiques. Enfin, nous avons tiré au sort le Sénat. Le tirage au sort n’est que l’aboutissement de la démocratie : chacun peut présider aux destinées de la Nation. Tout cela, j’en avais déjà parlé dans une carte blanche en 2016.

D’un point de vue général, la Belgique a connu un regain unitaire et patriotique. Cela s’explique par le fait que notre génération était peu séduite par le discours séparatiste. Sans plus d’aigreur ou de volonté de revanche, cela nous a permis de bâtir de belles choses en commun, dont un grand processus de simplification institutionnelle : les communautés ont disparu, le nombre de députés au Parlement bruxellois a été réduit, comme le nombre d’échevins par commune…

Christophe De Beukelaer

29 ans

Echevin cdH de la jeunesse à Woluwé-Saint-Pierre et CEO d’Allofruits.


Avec la réduction du temps de travail, les gens ont de l’énergie à consacrer à la gestion de la société. Ce qui fait que les institutions publiques sont remplies de citoyens. C’en est donc fini des hommes et des femmes politiques de métier en 2046. Après tout, pourquoi pas ! En tout cas, on ne vote désormais plus pour des personnes, mais davantage pour des projets. Les élus (voire des gens tirés au sort) n’ont dès lors pour seul mandat que de réaliser des projets qui auront été défendus avant les élections.

Même si en 2016, on ressentait un certain pessimisme au CDH quant à l’avenir de la Belgique – nous disions parfois que si les Flamands demandaient le divorce, nous n’allions pas nous battre –, trente ans plus tard, nous nous rendons compte que notre Etat fédéral reste un bel outil. Quoiqu’il ait bien sûr fallu le faire évoluer : la Fédération Wallonie-Bruxelles a ainsi été supprimée, et il ne reste que les trois régions. Les francophones se sont-ils dès lors écrasés face aux Flamands ? Pas du tout. Aujourd’hui, la réflexion politique est orientée vers l’efficacité, et nous sommes quittes des débats communautaires.

Tout comme la Belgique, la monarchie reste un bel outil. A ce titre, je me rappelle du discours du roi Philippe du 21 juillet 2016. Il s’est adressé aux jeunes, pendant 5 minutes, les encourageant à réaliser leurs projets avec énergie et conviction. Un tel message dépassait déjà les frontières linguistiques.

Sophie Rohonyi

29 ans

Présidente de DéFI périphérie et Attachée parlementaire à la Chambre des représentants.


Il y a trente ans, les gens avaient perdu espoir en la politique. Mais allaient-ils au fond des choses ? Ou ne consultaient-ils que les titres accrocheurs de la presse en ligne ? Toujours est-il qu’aujourd’hui, cela a changé, grâce à différentes mesures. En 2046, par exemple, pour qu’on ne puisse plus dire que ce sont toujours les mêmes qui dirigent le pays, on ne peut plus occuper qu’à deux reprises un poste de ministre au gouvernement fédéral, et puis on doit laisser sa place à un autre député qui paraît prometteur. De plus, la population est beaucoup plus souvent consultée et, désormais, on tient compte de son avis.

Au sein d’une Belgique toujours fédérale, on a aussi réparti de façon plus intelligente les compétences entre les différentes entités de pouvoir. Par exemple, on s’est rendu compte que cela n’avait aucun sens de régionaliser la mobilité ou le droit pénal. Quant à l’enseignement et la culture francophone, ils sont toujours aux mains de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui a été fortifiée. Après un référendum, on a aussi décidé d’élargir Bruxelles aux six communes à facilités de la périphérie.

Nous avons par ailleurs un nouveau centre fédéral pour traiter des discriminations linguistiques, à l’image d’Unia qui s’occupe toujours des discriminations raciales et sexuelles. Enfin, à l’instar du Conseil d’Etat en 2016, la Cour constitutionnelle contrôle non seulement les lois une fois votées, mais également les projets de loi discutés au Parlement, afin d’assurer une plus grande sécurité juridique.

© Belga

Nawal Ben Hamou

29 ans

Députée Fédérale, membre du PS de la Ville de Bruxelles.


Déjà en 2016, j’avais le plus grand respect pour les générations d’hommes et de femmes politiques qui nous avaient précédés. Ils s’étaient battus pour mettre en œuvre des projets auxquels ils croyaient et, en 2046, cela n’a pas changé.

A quelques différences prés tout de même : les formes d’actions politiques ont évolué suite à l’émergence des réseaux sociaux. Personnellement, je m’en sers énormément pour être en contact direct avec les citoyens, tout en continuant aussi d’être beaucoup sur le terrain.

De fait, ces trente dernières années, le citoyen a joué un rôle de plus en plus direct dans l’organisation de la société. Les partis politiques existent toujours, car la nécessité de se rassembler en fonction des valeurs qu’on partage et des idées qu’on défend persiste. Mais les consultations populaires sont de plus en plus fréquentes. Tous les conseils communaux, tous les parlements du pays, donnent une place de plus en plus grande aux citoyens, leur permettant de participer à des débats sur des sujets de société et de formuler des propositions.

Cela étant, la Belgique en sort plus forte que jamais. On ne parle pas d’une solidarité Nord-Sud. La solidarité belge, c’est la solidarité entre les travailleurs et ceux qui ne travaillent pas ou plus, qu’ils vivent au Nord ou au Sud du pays. C’est la solidarité entre les bien portants et les malades, qu’ils vivent au Nord ou au Sud du pays…

© Ecolo

Hugo Périlleux-Sanchez

25 ans

Conseilleur communal Ecolo à Watermael Boitsfort et activiste.


Pour arriver à la société idéale de 2046, on a eu besoin de mouvements sociaux forts, qui n’ont pas hésité à passer à l’action, à faire le choix de la désobéissance civile… Je me rappelle d’ailleurs qu’il y a trente ans, étant moi-même activiste, j’avais participé au blocage d’une mine de charbon géante en Allemagne. J’avais également répondu présent aux différents appels du mouvement “TTIP Game over”, et ce en vue de renverser les rapports de force jusqu’alors dominés par les lobbies, les multinationales et les industries.

Mais, par ailleurs, je n’ai jamais abandonné les institutions, restant membre du parti politique Ecolo, un parti où j’ai pu porter des opinions radicales. Est-ce que je me suis parfois senti enfermé dans une structure particratique ? Non, je ne crois pas. Ecolo a toujours possédé une vraie culture de la démocratie. On ne sait d’ailleurs jamais ce qu’il va ressortir des assemblées générales.

Et, finalement, à quoi ressemble-t-elle cette société idéale de 2046 ? La Belgique s’est redonné les moyens de ses ambitions, privilégiant le collectif et non les entreprises privées. On a globalisé les revenus et taxé le capital. Ce ne sont dès lors plus seulement quelques personnes qui détiennent la majeure partie des richesses. Attention, la Belgique est cependant redevenue un Etat fort, tout en évitant les dérives autoritaires. Avec des espaces propices aux discussions, on fait très attention à ce que l’avis de chacun pèse dans la balance.

©LaLibre.be - 2016