Comment repenser le pouvoir d’achat

Initiative, synthèse et rédaction:
Isabelle de Laminne

Comment moderniser le pouvoir d’achat ?

Susciter le débat sur des enjeux économiques clés. Telle est la vocation de l’Economic Prospective Club. Lancé fin 2013 par notre consœur Isabelle de Laminne, ce cercle de prospective économique livre ce week-end dans “La Libre Entreprise” le fruit de ses réflexions. Après s’être penché sur les recettes, puis les dépenses de l’Etat, c’est le concept même de pouvoir d’achat qui a été au cœur de discussions animées, le temps du week-end, entre six économistes réputés de notre pays : Etienne de Callataÿ, Philippe Defeyt, Alexandre de Streel, Olivier Lefebvre, Luc Leruth et Pierre Pestieau.

Six pointures, six références, six observateurs avisés de la chose économique. Qui, au-delà de leurs divergences idéologiques ou de leurs différences de parcours, ont disséqué ce concept de pouvoir d’achat et surtout formulé un certain nombre de recommandations pour le rendre à la fois plus fidèle à la réalité de ce que vivent les Belges dans leur quotidien et moins inégalitaire entre les populations les plus favorisées et celles qui le sont moins. Car la volonté d’une plus grande équité par rapport à la situation actuelle a été au cœur de ces discussions de haut vol entre ces professionnels de l’économie.

“Ce concept de pouvoir d’achat est au centre des débats dans les journaux mais aussi dans la sphère politique. Il évolue en fonction du revenu disponible et de l’indice des prix. Ces économistes proposent un certain nombre d’ajustements pour moderniser ce concept et ses deux composantes principales”, explique notre consœur Isabelle de Laminne. Et cela au bénéfice des générations futures. Un débat qui prend d’autant plus de pertinence en ces temps de croissance économique toujours faiblarde et alors que vont bientôt s’ouvrir de nouvelles discussions interprofessionnelles sur la norme salariale.

Comme on le lira par ailleurs, parmi les propositions des économistes figurent notamment l’idée de créer un indice de “protection sociale”, ce qui permettrait d’ajuster l’indexation des salaires, des prix, des loyers aux modes de consommation des plus défavorisés. Objectif : corriger une situation actuelle par trop favorable aux classes sociales aisées et protéger la partie de la population la plus défavorisée contre des baisses de pouvoir d’achat. D’autres recommandations – lire dans les pages suivantes – ont également été avancées. Des recommandations globalement bien accueillies par Marc Goblet, secrétaire général de la FGTB, et Vincent Reuter, administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises (UWE) dont on lira les réactions sur lalibre.be. Preuve qu’il est possible avec des réflexions non partisanes de trouver un point de dialogue entre représentants syndicaux et patronaux dans ce pays.

V.S.

Nos 6 experts

Copie à revoir pour le revenu disponible !

Il convient d’analyser le pouvoir d’achat à travers ses deux composantes : le revenu disponible réel et le coût de la vie. Or, à bien des égards, le pouvoir d’achat objectif n’est pas bien mesuré. En matière de revenu disponible, plusieurs déficiences peuvent ainsi être relevées. En Belgique, les statistiques relatives au calcul des revenus des habitants sont lacunaires et la mesure du pouvoir d’achat n’est, de ce fait, pas toujours cohérente. Une première remarque peut être apportée concernant les échelles d’équivalence (voir définition ci-contre). En effet, on constate que les échelles d’équivalence qui sont utilisées pour définir les revenus minima ou les allocations sociales diffèrent selon les types d’allocations.

NB : Le tableau se lit de la manière suivante. Supposons une personne seule dans différentes situations. Que devient son revenu si elle accueille une personne adulte supplémentaire sans revenus ?

Ces échelles d’équivalence ne sont cependant jamais remises en cause. Or, les notions d’inégalités sont biaisées par des mesures qui sont imparfaites. Nous sommes également face à un autre défi : en Belgique, nous ne connaissons pas la répartition exacte des revenus. Malgré cette carence, les études révèlent des inégalités. On constate qu’à situations de ménage égales et à revenus égaux, les gens ne paient pas la même somme d’impôts selon la provenance de leurs revenus : salaire, pension, loyers, revenus mobiliers,…

Une autre lacune peut être relevée. Le pouvoir d’achat des individus d’une nation ne tient pas compte d’une composante essentielle : la consommation de biens collectifs tels que, par exemple, l’enseignement, la culture, les soins de santé, l’infrastructure routière,… Si un contribuable paye proportionnellement beaucoup d’impôts par rapport aux habitants d’un autre pays, son revenu disponible et son pouvoir d’achat seront apparemment moindres que ceux du contribuable de cet autre pays. Cependant, si grâce à ce prélèvement fiscal plus élevé, ce citoyen bénéficie d’un accès à l’enseignement supérieur gratuit, à des soins de santé de qualité dont le coût est majoritairement supporté par l’Etat ou à un réseau d’autoroutes et de transports en commun de qualité, son pouvoir d’achat sera, en réalité, supérieur à celui du contribuable d’un autre pays qui aura payé moins d’impôts mais qui ne bénéficiera pas d’un accès à autant de biens collectifs de qualité. Il faut donc revoir et ajuster la façon dont le revenu disponible est calculé.

Les propositions de l’Economic Prospective Club

Les économistes préconisent plusieurs pistes pour améliorer l’appréhension du revenu disponible. Le problème des échelles d’équivalence a été souligné et il paraît urgent de les harmoniser pour tous les types de revenus. Il faut accorder la manière dont on tient compte de la taille des ménages dans le calcul des revenus sociaux quels qu’ils soient. Une réflexion sur l’échelle d’équivalence devrait ainsi être entamée dans les institutions appropriées, et en particulier à l’OCDE. Il convient aussi d’harmoniser les montants des allocations sociales liés à la présence d’un second adulte dans les ménages.Une recherche devrait aussi être lancée sur la pertinence d’une différenciation des échelles d’équivalence selon les catégories sociales et selon les niveaux de revenus.

Il serait aussi souhaitable d’avoir une approche plus juste et plus fine des finances publiques qui tienne compte de la composante intergénérationnelle. Doit-on défendre le pouvoir d’achat actuel à tout prix ? Et surtout au prix du pouvoir d’achat des générations qui nous suivent ? En effet, dans le cadre de la transmission intergénérationnelle, l’importance des dépenses publiques différées aura un impact sur les générations futures. Il y a lieu d’analyser et de faire les corrections nécessaires concernant les éléments qui ont un impact sur le pouvoir d’achat transgénérationnel.

Il faut aussi tenir davantage compte dans le calcul du pouvoir d’achat des services reçus par les citoyens grâce aux impôts payés et de construire un indicateur qui calcule de façon exacte cet impact (indicateur Molinari corrigé). Une fois de plus, les recommandations vont dans le sens d’accroître la vitesse du désendettement public. En marge de ce désendettement souhaité, l’attention est une nouvelle fois attirée sur la nécessité de rendre les données publiques accessibles à tous en toute transparence de façon à pouvoir effectuer les mesures de façon correcte et pour prendre les décisions les plus appropriées à la situation économique réelle des personnes.

Pour un indice de « protection sociale »

Avec le revenu disponible, l’indice des prix est la deuxième composante du pouvoir d’achat. Cet indice des prix est calculé en fonction d’un panier de biens qui est défini de façon objective. Les produits retenus, les témoins et les méthodes des relevés font l’objet de tractations au sein de la Commission de l’indice. Ceci ne veut pas dire que les choix qui en résultent sont arbitraires, mais ils sont, en tout cas, le résultat de compromis socio-économico-politiques. On constate qu’en réalité, on ne tient pas compte, dans ce panier, ni des prix relatifs ni des comportements des consommateurs.

Ces calculs ont des effets négatifs pour les populations les plus fragilisées car leus paniers réels sont souvent assez rigides. En effet, pour cette partie de la population, le loyer, la nourriture et l’énergie correspondent souvent à plus de 80% du revenu disponible et ces biens ont eu tendance à augmenter davantage. L’inflation d’un panier moyen ne correspond pas à celle du panier des plus faibles revenus. On a ainsi assisté à une diminution des prix des voyages, des loisirs et des biens électroniques qui sont plutôt consommés par la population la plus aisée. Les personnes de milieux défavorisés habitent en général dans des logements moins bien isolés qui induisent des frais de chauffage plus élevés. Il est courant de dire que les pauvres payent tout plus cher. A titre d’exemple, ne bénéficiant pas de voitures, ils sont souvent contraints de faire leurs achats en moindre quantité ou à la pièce (dont le prix est plus élevé), dans des commerces de proximité plus chers que les grandes surfaces. La stricte indexation sur base d’un panier moyen défini arbitrairement ne correspond donc pas au mode de vie des plus défavorisés. En général, on constate que le mécanisme d’indexation sur base d’un panier de consommation moyen aura tendance à être plus favorable aux classes sociales aisées.

Par ailleurs, le panier moyen auquel il est fait référence est un concept qui ne fait pas la distinction entre les besoins et les préférences. On peut ainsi distinguer plusieurs types de consommation : la consommation contrainte et la consommation plaisir. Dans la consommation, il y a une part de biens et services qui sont achetés sur base de la contrainte sociale. On distingue alors le pouvoir d’achat du « vouloir d’achat ». Le vouloir d’achat est présent surtout dans la consommation contrainte pour des raisons de statut social (il « faut » que les enfants portent tel type de chaussures, il « faut » avoir un téléviseur à écran plat, il « faut » avoir un Smartphone pour être reconnu socialement). Comment tenir compte de toutes ces données dans le calcul du pouvoir d’achat ? Comment rendre ce calcul plus subjectif ?

Les propositions

Bien qu’il ne soit pas toujours indiqué de créer une multitude d’indices différents, les économistes estiment cependant qu’il semble opportun, pour des questions d’équité, de créer un indice des prix sur base d’un panier de biens qui correspondrait mieux à celui de la classe aux revenus les plus faibles. Il permettrait ainsi d’ajuster l’indexation des salaires, des prix, des loyers aux modes de consommation des plus défavorisés. Cet indice que l’on peut qualifier de « protection sociale » devrait permettre de protéger cette partie de la population contre des baisses de pouvoir d’achat. En effet, l’indexation actuelle n’est pas garante de cette protection sociale puisqu’elle se base sur un panier qui ne correspond pas à celui des plus démunis. Tous les mécanismes d’indexation en Belgique se baseraient dès lors sur ce nouvel indice de protection sociale.

La construction de cet indice adapté devra se faire sur base d’une analyse des habitudes de consommation de ces ménages-types : loyers, énergie, dépenses alimentaires, de vêtements,… Il conviendra aussi d’intégrer dans cet indice les dépenses contraintes ou imposées à cette classe sociale comme, par exemple, l’achat des fournitures scolaires. Le but poursuivi par la création d’un tel indice serait d’éviter que la situation des plus pauvres ne s’aggrave en raison d’une mauvaise prise en compte de leurs habitudes de vie. Cette méthode de calcul permettrait d’ajuster, de rendre plus juste et plus équitable le calcul de l’indice des prix des plus démunis et donc d’ajuster leur pouvoir d’achat à leurs réalités quotidiennes.

L’immobilier un tabou à abattre !

Dans le calcul du pouvoir d’achat la composante immobilière intervient à différents niveaux. D’une part, il y a les loyers payés par les locataires qui sont imputés dans les charges. Ces loyers sont perçus par les propriétaires et sont, à ce titre, aussi des revenus. Il y a également ce que l’on appelle les loyers imputés, c’est à dire une estimation de ce que les propriétaires de leur maison d’habitation paieraient comme loyer s’ils devaient louer cette maison au prix du marché.

Tous les éléments de cette composante immobilière font état de lacunes importantes. D’une part, les loyers payés par les locataires sont sous-estimés. En cause : une très mauvaise visibilité de l’évolution du prix des locations faute d’instruments de mesure adéquats. Or, cette part du loyer est nettement plus élevée en bas de l’échelle des revenus. De plus, les ménages précaires à faibles revenus qui sont locataires ont subi des hausses de loyers plus fortes que celles reflétées par les indices officiels et d’autant plus probables que ces ménages déménagent souvent. On constate également qu’un ménage pauvre qui n’a pas accès au logement social est défavorisé par rapport à un ménage à revenu identique bénéficiant d’un tel logement. Les mesures des inégalités sont donc biaisées par de tels éléments. Du côté des revenus, les loyers génèrent également des rémunérations pour les propriétaires d’immeubles. Ces revenus ne sont pas pris correctement en compte dans le calcul des revenus disponibles. Un autre élément engendre des inégalités dans ce domaine : l’absence de péréquation cadastrale qui induit des effets pervers dans le calcul du pouvoir d’achat. La notion des loyers réels est donc très floue. Alors que c’est obligatoire, les baux ne sont pas enregistrés systématiquement et il n’y a, de ce fait, pas de possibilité de mesurer de façon objective l’évolution des loyers. Par ailleurs, l’indice des prix à la consommation belge ne tient pas compte de ce que les économistes appellent les loyers imputés qui sont une forme de revenus pour les propriétaires de biens immobiliers dans lesquels ils résident. A revenu disponible identique, un pensionné qui est propriétaire de son habitation qui est déjà payée a un pouvoir d’achat supérieur au pensionné qui est locataire.

Les propositions

Pour prendre en compte de façon plus correcte les loyers à la fois en tant que revenus et en tant que composante de l’indice des prix, l’enregistrement systématique des baux permettrait d’avoir une meilleure visibilité sur cette composante du pouvoir d’achat. Il est évident qu’une normalisation des loyers payés dans le calcul de l’indice des prix va augmenter la pondération du loyer dans l’indice des prix. Par ailleurs, pour ne plus favoriser ceux qui bénéficient d’un logement social par rapport à ceux qui n’y ont pas accès, pourquoi ne pas créer des chèques logement en remplacement de l’attribution des logements sociaux ?

Une péréquation cadastrale devrait enfin être mise en place de façon à ne plus induire d’effets pervers dans le calcul du pouvoir d’achat. L’indice des prix ne tient pas compte non plus des propriétaires qui remboursent leurs prêts hypothécaires. A titre d’exemple, au Royaume-Uni, les remboursements hypothécaires sont intégrés dans l’indice des prix. Pourquoi ne pas s’inspirer de cette méthode britannique ? Une estimation des revenus imputés (à savoir le « bénéfice » économique qu’apporte le fait d’être propriétaire de son logement, a fortiori quand on a fini de le payer) fait partie des données qui doivent également être réunies.

Cette variable, très importante dans un pays où pratiquement 70% (80% pour les ménages âgés) des ménages sont propriétaires n’est pas exploitée en Belgique. Pourquoi s’obstine-t-on, en Belgique, à ne pas tenir compte de ces revenus pour estimer le taux de pauvreté ? L’impact de la prise en compte des loyers imputés sur le taux de pauvreté a été estimé en 2009 à -1,7% pour le taux de pauvreté global et quasiment -10% pour le taux de pauvreté des 65 ans et plus. Toucher à l’immobilier en Belgique est semble-t-il un tabou, un tabou qui pénalise souvent les classes les plus pauvres de notre société.

Marc Goblet :
Se focaliser sur la réduction des inégalités

Le secrétaire général de la FGTB reconnaît que le panier de biens qui sert de référence au calcul de l’indice des prix reprend des éléments qui ne sont pas nécessairement utiles. « Dans la commission de l’indice, nous défendons la prise en compte des besoins des plus défavorisés. Or, on constate qu’il n’y a pas de politique des loyers et que les prix de l’énergie doivent aussi être plus correctement appréhendés. L’indexation depuis 1985 ne couvre plus l’évolution réelle des prix », estime Marc Goblet. Cet écart entre le coût de la vie et les revenus se marque encore davantage dans les classes les plus défavorisées. La création d’un indice de protection sociale qui permettrait de mieux prendre en compte le niveau de vie réel des classes les plus faibles est donc saluée.

En ce qui concerne la prise en compte de la composante immobilière dans le pouvoir d’achat, ce représentant syndical reconnaît aussi la nécessité de revoir les cadastres, ce qui n’a plus été fait depuis 1974. « Il faudrait d’une part remettre les valeurs cadastrales réelles et, d’autre part, ajuster les loyers aux valeurs réelles des biens. Cela permettrait, dans certains cas, d’éviter les agissements des marchands de sommeil », ajoute Marc Goblet. Une autre idée avancée par la FGTB serait de taxer les loyers réels (après déduction des charges immobilières) comme les revenus du travail. C’est ici un plaidoyer pour une globalisation de tous les revenus qui est avancé mais avec une taxation qui serait plus progressive. Cette suggestion avait été présentée lors des travaux de la première édition de l’Economic Prospective Club. Mais le discours syndical se focalise une fois de plus sur la diminution des inégalités par l’intermédiaire d’une taxation du capital. « Pour réduire les inégalités, il faut une taxation plus juste. Les revenus du capital évoluent de façon plus importante que la croissance. Nous sommes donc pour une globalisation des revenus mais aussi pour l’application d’un impôt sur le patrimoine. Cela devrait se faire au niveau européen et ne devrait pas forcément être très élevé mais progressif par tranches », propose Marc Goblet. Aujourd’hui, le secrétaire général de la FGTB regrette que les baisses de charges sociales ne profitent pas aux travailleurs. « Je ne vois pas de créations d’emplois ; je vois une hausse du temps partiel et des inégalités qui se creusent en défaveur des femmes. Pour régler le problèmes des inégalités, il faut que le bénéfice des baisses de charges sociales ne tombent pas dans les poches des actionnaires mais soient vraiment créatrices d’emploi ».

I. de L.

Vincent Reuter
Le pouvoir d’achat, un sujet majeur !

Pour l’administrateur délégué de l’Union Wallonne des Entreprises (UWE), le pouvoir d’achat réel et la définition du revenu disponible sont des sujets majeurs dans les discussions interprofessionnelles et dans le débat sur les finances publiques. « C’est un beau sujet que les économistes ont traité cette année. Nous sommes constamment confrontés à des discussions en raison du manque de clarté dans la notion de pouvoir d’achat. Dans un contexte de croissance atone, ce sujet prend encore plus d’acuité et tout ce qui permet de clarifier le débat est bienvenu », reconnaît Vincent Reuter. Selon notre interlocuteur, ce document vient bien à point alors que vont bientôt s’ouvrir de nouvelles discussions interprofessionnelles sur la norme salariale. Ce représentant du patronat wallon regrette aussi la vision trop statique du pouvoir d’achat. Selon lui, les normes salariales sont fixées pour des périodes trop longues et, parfois, les ajustements se font avec des mois de retard ce qui ne permet pas de refléter la réalité. « A côté d’une redéfinition et d’une clarification des données, il faut aussi avoir une approche plus dynamique et l’on devrait prévoir des mécanismes d’adaptation au cours de la période que couvre l’accord », estime Vincent Reuter.

En ce qui concerne l’aspect transgénérationnel, le discours patronal reprend ses droits. Faut-il à tout prix préserver le pouvoir d’achat actuel et ce, au détriment de celui des générations
qui nous suivent ?
« Il est exact qu’en se souciant essentiellement du bien-être de ceux qui ont du travail, cela se fait au détriment des générations qui nous suivent. Les coûts du travail sont trop élevés et les jeunes ont des difficultés à trouver du travail. Les mouvements radicaux vont dans le sens opposé au développement d’une société durable et de la responsabilité sociétale », ajoute Vincent Reuter.
Et que penser de la création d’un indice des prix qualifié de « protection sociale » ? Notre interlocuteur y est favorable dans la mesure où cet indice a pour but de protéger les populations les plus défavorisées en ce compris bon nombre de petits indépendants. « En revanche, cet indice ne devrait pas s’appliquer à toute les classes sociales car il entraînerait une hausse des revenus des classes les moins défavorisées. Nous serions face à une indexation intenable. Il faut absolument que cet indice soit concentré sur les plus faibles », insiste Vincent Reuter. Une façon de se prémunir contre une indexation intenable serait d’apporter des correctifs à l’indexation des salaires moyens et plus élevés.

I. de L.

Nos 6 experts

Etienne de Callataÿ

Etienne de Callataÿ est diplômé en économie de l’Université de Namur et de la London School of Economics. Il est également senior fellow de l’Itinera Institute et chargé de cours invité à l’Université de Namur. Il est Président de la Société Royale d’Economie politique de Belgique et du Centre d’Etude et de Recherche universitaire de Namur. Il est administrateur d’associations non-marchandes et de sociétés savantes. Il a travaillé à la Banque nationale de Belgique (1987-1992) et au Fonds Monétaire International (1992-1996). Il est ensuite devenu chef de cabinet adjoint du Premier Ministre (1996-1999) et chef de cabinet du Ministre des Finances (1999). Il a été membre du Comité de Direction et chief economist de la Banque Degroof de 1999 à 2015.

Philippe Defeyt

Né à Menen (Flandre) en 1953, Philippe Defeyt a fait des études d'économiste aux Facultés de Namur. Après avoir vécu et travaillé un an en Inde, il a consacré sa carrière à des activités académiques (recherche et enseignement), de conseil et politiques. Il est actuellement Président du CPAS de Namur, Président du Conseil supérieur du Logement (Wallonie), Vice-Président du Conseil de la Fiscalité et des Finances (Wallonie) et Vice-président de l'UCL. Il est l'auteur de nombreuses publications (thèmes: prix, revenus, logement, pauvreté, protection sociale, énergie, emploi...). Ses thèmes de prédilection actuels sont la lutte contre la pauvreté, le vieillissement socio-démographique et l'allocation universelle. Il est co-fondateur de l'Institut pour un Développement Durable, qui va fêter en 2016 ses 20 années d'existence.

Alexandre de Streel

Alexandre de Streel est professeur à l’Université de Namur et directeur du CRIDS (Centre de recherche Droit, Information et Société). Il est également professeur invité à l’UCL, co-directeur académique du Centre on Regulation in Europe, chercheur associé à l’Institut européen d’administration publique à Maastricht et assesseur à l’autorité belge de la concurrence. Il a un doctorat de l’Institut universitaire européen de Florence.

Olivier Lefebvre

Olivier Lefebvre est Docteur en économie de l’UCL et MBA (Cornell University). Ancien chef de cabinet du Ministre des Finances (1990-1996), il est un des co-fondateurs d’Euronext et ancien président de la Bourse de Bruxelles, Euronext Bruxelles. Il a donné cours à l’UCL et à l’Université de Namur. Aujourd’hui, il exerce ses compétences de « Change management » dans divers secteurs : banques, spinoffs et sociétés innovantes en intervenant principalement comme administrateur.

Luc Leruth

Luc Leruth est mathématicien (ULg) et économiste (UCL, ULB). Il a enseigné dans plusieurs universités et travaillé pour plusieurs organisations internationales (ADB-Banque Asiatique de développement, FMI-Fonds Monétaire International), dans différents pays à travers le monde (Philippines, USA, Iles Fiji, Gabon, Ghana, France, Inde). Il est également professeur à l’ULg. Ce mathématicien-économiste est aussi romancier. Il a publié deux romans chez Gallimard, « La 4éme note » et « La machine magique ».

Pierre Pestieau

Pierre Pestieau a obtenu son doctorat en économie de l’Université de Yale. Après avoir enseigné à l’Université de Cornell, il est devenu de 1975 à 2008 professeur d’économie, à l’Université de Liège. Il est depuis 2008 professeur émérite. Il est, entre autres, membre du CORE (Center for operations research and econometrics) et membre associé du PSE. Il est, en outre CEPR et CESIfo fellow. Ses principaux sujets d’intérêt sont l’économie publique, l’économie de la population et la sécurité sociale. Il a publié « The Welfare State in the European Union, Oxford University Press, 2005, « Social Security and retirement », MIT Press, 2005 et «L’Etat-providence en Europe. Performance et dumping social” (avec Mathieu Lefebvre), Editions du CEPREMAP, Paris, 2012.

Initiative, synthèse et rédaction:
Isabelle de Laminne

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