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L'ARME

qui changea la face du monde

Les débuts berlinois

Alors qu’aujourd’hui l’armement nucléaire est une problématique environnementale, politique et morale, il fut un temps où cette dernière n’était qu’une découverte faite par trois scientifiques berlinois. Otto Hahn, Lise Meitner et Fritz Strassmann sont ainsi considérés comme les pères de la fission nucléaire, principe clé de ce qui deviendra la bombe nucléaire.

La FISSION nucléaire,
c'est à dire?
La fission consiste en l’action de séparer un atome lourd en deux ou plusieurs atomes plus petits.
Quand celui-ci est séparé, une quantité extraordinaire d’énergie est libérée.
Lorsqu'elle est bien canalisée, elle peut servir à générer de l’électricité mais si elle se retrouve libérée soudainement, c’est l’explosion nucléaire.

La découverte est publiée le 6 janvier 1939 et fait rapidement le tour du monde. Sans le savoir, ces scientifiques ont mis à jour ce qui façonnera les décennies à venir. Pourtant le timing d’une telle avancée technologique ne pourrait être pire, l’Allemagne nazie est sur le pied de guerre et l’utilisation militaire de cette percée scientifique pourrait déterminer l’issue du conflit à venir.

C’est la peur d’avoir affaire à une bombe atomique allemande qui lance alors un des projets les plus ambitieux de l’histoire de l’humanité. Cette peur motive le physicien Leo Szilard à adresser une lettre de mise en garde au président Franklin Roosevelt. Afin d’ajouter du poids à sa requête, Leo Szilard fait cosigner cette lettre par le plus grand scientifique de l’époque : Albert Einstein. La demande est acceptée et un programme de recherche sur l’uranium est lancé par le président, c’est la naissance du « Projet Manhattan ».

Un nom de code énigmatique pour un projet d’une ampleur jamais vue. Plus d’un demi-million de personnes participeront au projet.

Lancé en octobre 1941, le projet Manhattan prend véritablement son envol avec l’arrivée aux commandes du général Leslie Richard Groves en septembre de l’année suivante. Ce dernier est convaincu de la nécessité immédiate de lancer les travaux sur la bombe nucléaire, et ce, alors que les recherches sont encore très peu avancées sur le sujet.

La mystérieuse boîte postale numéro 1663

C’est au Nouveau-Mexique que le général Groves et le fraîchement nommé directeur scientifique du Projet Manhattan, Robert Oppenheimer, vont décider de créer le "site Y". Un complexe secret qui accueillera des milliers d’employés et qui développera les trois premières bombes atomiques dans les années qui suivent sa création.

C'est à Los Alamos que le complexe s'installe.

C'est à Los Alamos que le complexe s'installe.

La ville de Los Alamos, en plus d’être parfaite par sa situation géographique reculée du reste du monde (pour des questions de sécurité), permettra de centraliser les recherches qui jusqu'alors étaient dispersées à travers le pays. Une ville coupée du monde, si ce n’est par une boîte postale, la boîte 1663 de Santa Fe.

Nombreux sont les obstacles qui se dressent sur la route des scientifiques de Los Alamos, parmi les plus grands : l’uranium lui-même.

À trois chiffres près…

Alors que l’Uranium que l’on retrouve dans le sol est de type U238, les scientifiques se rendent compte que seul le U235 permet la création d’une bombe atomique. Malheureusement, le U235 ne compose qu’une infime partie du U238 (environ 0,10%). Il est donc nécessaire de séparer les deux substances, et le processus est extrêmement long. Alors que la production d’uranium continue, le chimiste Glenn Seaborg découvre une alternative : le Plutonium.

Ce dernier a un avantage certain : il est possible de le produire facilement et rapidement.

Face à cette alternative, Groves décide directement de construire un autre complexe dédié à sa production, mais tout prend du temps et il en manque. Sur les deux fronts, la situation est inquiétante: dans le Pacifique avec la guerre contre le Japon mais aussi en Europe avec l’incertitude de l’avancée nazie sur la bombe nucléaire.

Nous sommes au printemps 1944 et les scientifiques de Los Alamos ont finalisé le design de la bombe nucléaire, ce sera une bombe nucléaire à insertion.

Une bombe nucléaire à insertion ?
Cette dernière se base sur une réaction en chaîne au sein du combustible nucléaire.

Pour faire simple, une masse d’uranium (3) est projetée vers un bloc qui lui aussi est fait d’uranium (4) par une charge explosive (1).
Les deux entités sont à une masse critique qui déclenche une réaction en chaîne au niveau atomique, incontrôlée, la puissance énergétique produite est immense, c’est l’explosion atomique.

Malgré un design désormais définitif, il est impossible de tester l’engin. En effet, la quantité d’uranium nécessaire pour une seule bombe prend des années à être produite. Tous les espoirs sont tournés vers le Plutonium dont la production est bien avancée. Le physicien Emilio Segrè va pourtant faire une découverte dévastatrice: le plutonium dans une bombe à insertion n’explosera pas, mais fera fondre l’engin. Le projet est dans l'impasse.

Le physicien italo-américain Emilio Segrè ©wikimedia

Le physicien italo-américain Emilio Segrè ©wikimedia

Implosion et trahison

À la suite de cette découverte, Oppenheimer hésite à démissionner, mais ne s’y résout finalement pas. Il faut trouver une autre solution pour la bombe au plutonium, seule alternative réaliste dans la création rapide d’engins nucléaires. En collaboration avec le gouvernement britannique qui envoie de nombreux scientifiques, les chercheurs de Los Alamos tentent de trouver une alternative.

Parmi ces derniers, le chercheur Klaus Fuchs renseigne secrètement l’URSS sur les avancées américaines dans la mise au point de la bombe atomique.

                                      Klaus Fuchs                      ©wikimedia

                                      Klaus Fuchs                      ©wikimedia

Alors que la Seconde Guerre mondiale est sur le point de se terminer au début de l’année 1945, une seule chose manque: l’uranium. Ce dernier sera enfin disponible en quantité suffisante dans quelques mois. Pour ce qui en est du plutonium, les scientifiques s’accordent sur un modèle à implosion qui devrait permettre de faire fonctionner une telle bombe.

Trinity:
le jour où tout a commencé

Après 3 ans de développement et près de deux milliards de dollars dépensés, la toute première bombe est enfin prête à être testée. Entre les câbles et les batteries, on peut distinguer une sphère métallique, la première bombe atomique que l'on surnomme “gadget”. Au centre de celle-ci, une boule de plutonium de la taille d’un raisin subira une implosion qui devrait enclencher la plus grande explosion jamais créée par l'Homme.

Une reproduction de la toute première bombe atomique "gadget" 

Une reproduction de la toute première bombe atomique "gadget" 

Le 16 juillet 1945, une voiture amène une boîte depuis Los Alamos qui contient le cœur de plutonium d’une valeur de 350 millions de dollars. Une fois placé dans l’engin, commencera alors la plus grande expérience scientifique jamais réalisée. Le test aura lieu dans le désert « Jornada del Muerto » au Nouveau-Mexique. Avant l'explosion, personne ne sait vraiment à quoi s’attendre. A 5h29 du matin, l’Histoire nucléaire est en marche : la première explosion atomique vient d’avoir lieu.

La nouvelle de ce succès parvient au président Truman qui se trouve être à la conférence de Postdam, au côté de Joseph Staline. Le président américain lui annonce alors qu’il possède maintenant une arme d’une puissance inégalée, Staline réagit à peine, il est déjà bien renseigné par ses espions au sein du projet Manhattan.

Joseph Staline (à gauche) et Harry S. Truman (à droite) durant la conférence de Postdam 

Joseph Staline (à gauche) et Harry S. Truman (à droite) durant la conférence de Postdam 

Aux États-Unis, certains scientifiques qui étaient pourtant à la base de l’initiative d’armement nucléaire américain (Leo Szilard par exemple) s’inquiètent de la moralité de l'utilisation d’une telle bombe. En plus des préoccupations sur le plan éthique, certains scientifiques s’inquiètent d’une possible course à l’armement nucléaire avec d’autres grandes puissances à la suite d’une utilisation militaire de la bombe atomique.

Face à un Japon qui semble ne pas connaître la capitulation, Truman envisage ce qu'il considère être le "moindre mal" face à une invasion terrestre du pays du soleil levant, et décide d’utiliser une des armes produites à Los Alamos, se faisant il lance une des opérations militaires les plus controversées de l'histoire américaine.

Fat Man et Little Boy

Le 26 juillet 1945, les États-Unis envoient un dernier ultimatum au Japon avec un message simple : capitulez sans condition ou faites face à la destruction. Le 6 août, suite à un rejet japonais, un bombardier décolle de l’île de Tinian dans le Pacifique, direction : Hiroshima.

À bord du bombardier : la bombe atomique surnommée «Little Boy» pèse plus de 4 tonnes et fait près de 3 mètres de long. À l’intérieur de celle-ci, tout l’Uranium amassé ces dernières années. Quelques heures plus tard, l’ogive tombe sur la ville d’Hiroshima, faisant plus de 70 000 morts.

Little Boy

Little Boy

Pourtant les Japonais refusent toujours de capituler. Trois jours plus tard s'envole alors un second bombardier direction : Kokura. Ce n’est en effet originellement pas sur Nagasaki que la bombe atomique « Fat Man » devait abattre sa puissance, mais celle de Kokura à plus d’une centaine de kilomètres de là. Une mauvaise visibilité suite à une couverture nuageuse serait la raison de ce changement de dernière minute. Plusieurs dizaines de milliers de personnes meurent ce jour-là à Nagasaki.

Fat Man

Fat Man

Les deux bombardements mèneront à la signature de la capitulation japonaise le 2 septembre 1945.

Les deux bombes d’Hiroshima et Nagasaki ont ainsi auguré la fabrication de milliers d’autres dans les décennies qui suivirent avec un apogée notable en terme de puissance avec le test soviétique de la Tsar Bomba en 1961.

illustration du champignon atomique provoqué par l’ogive soviétique en 1961 en comparaison avec celles de 1945 au Japon.

Une super ogive, vieille de plus de 50 ans maintenant qui fait froid dans le dos. Pour se représenter l’impact des différents engins de destruction massive, le Steven’s Institute of Technology a réalisé une carte interactive (en anglais) permettant de voir l’impact des différentes bombes nucléaires, si celles-ci venaient à tomber près de chez vous.