Alfred Hitchcock et ses oiseaux
Alfred Hitchcock, ses phobies, audaces et excès : L’homme derrière la légende

Alfred Hitchcock,

ses phobies, audaces et excès :

L’homme derrière la légende

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Il existe peu de réalisateurs qui ont marqué le monde du cinéma autant qu’Alfred Hitchcock. Celui qui, au fil du temps, a gagné le titre de « maître du suspens » réalisera au cours de sa longue carrière plus de cinquante longs-métrages. Parmi ceux-ci, quelques chefs-d’œuvre qui ont laissé leur empreinte sur le 7e art.

Il réalisa des films de tous les styles durant ses nombreuses années en tant que cinéaste. De ses débuts dans le cinéma muet à petit budget aux grandes productions hollywoodiennes aux prix exorbitants, Hitchcock impose sa patte. Pourtant l’homme derrière ces chefs-d’œuvre est torturé, parfois incertain et ne rencontrera pas que des succès sur son chemin.

Dans le cadre de notre rendez-vous dominical « Il était une fois », la rédaction de LaLibre.be vous propose de découvrir la vie tumultueuse de ce grand réalisateur.

Fear

Phobies et insécurités

Phobies et insécurités

Né dans une famille de classe moyenne en 1899, rien ne destine le petit Alfred à devenir l’illustre réalisateur que l’on connaît aujourd’hui. Benjamin d’une fratrie de trois, il grandit au sein d’une famille assez ordinaire avec un père strict et une mère très protectrice.

Hitchcock, comme de nombreux grands artistes, a une vie d’homme torturé par ses insécurités. La liste de ses phobies est longue et variée. De la peur de l’échec à la crainte des forces de l’ordre, en passant par la claustrophobie, l’agoraphobie ou même la phobie de se faire percuter par une voiture, toutes sont des sources d’inspiration pour ses films.

La peur des policiers d’Alfred Hitchcock prend ses racines très tôt dans sa vie. Bien que l’histoire soit assez floue, car il n’a que 4 ou 5 ans, celle-ci le marque à jamais et est à la base de sa défiance face à l’autorité. Ainsi, alors que le petit Alfred n’est pas sage à la maison, il se retrouve au poste de police avec un petit papier écrit par son père avec pour instruction de le donner au policier. Celui-ci, après lecture du message, conduit alors le jeune garçon vers une cellule dans laquelle il l’enferme pendant 5 minutes. Une fois le temps écoulé, le policier finit cette courte peine un : «  c’est ce que l’on fait aux garçons qui se comportent mal ! » Une histoire, dont la véracité est invérifiable, mais que Hitchcock utilise souvent pour expliquer sa peur et son refus de l’autorité. Ce sentiment d’être accusé à tort ou traité durement se retrouve d’ailleurs dans plusieurs de ses films.

début

Premiers pas dans le monde du cinéma

Premiers pas dans le monde du cinéma

À l’âge de 15 ans, son père décède, il doit alors quitter l’école jésuite pour commencer à travailler. En 1920, après quelques années à faire des petits boulots, Hitchcock, qui a alors 21 ans, s’apprête à rejoindre le monde merveilleux du cinéma. Il entend qu’une compagnie américaine arrive à Londres et décide d’y postuler. Il gravit alors les échelons très rapidement jusqu’à devenir assistant-réalisateur. C’est dans ce studio qu’il rencontre la personne qu’il considère être la plus importante de sa vie, Alma Reville. Celle-ci deviendra sa femme, mais aussi sa collaboratrice la plus précieuse.

Alors que Hitchcock débute au bas de l’échelle salariale dans le studio, Alma occupe déjà une position importante. Il avouera plus tard que, malgré le coup de foudre instantané qu’il ressent, ce n’est qu’une fois promu au rôle d’assistant de réalisation qu’il osera lui proposer d’aller boire un verre.

En 1925, il part en Allemagne pour recevoir l’enseignement qui fera de lui un réalisateur d’exception. Il y apprend l’art de tirer profit des ombres, des angles de caméra les plus farfelus, mais aussi des techniques de montage révolutionnaires. Hitchcock voit dans ces procédés un moyen efficace de créer des œuvres qui instiguent des émotions chez le spectateur. Le but premier de ce réalisateur en herbe est clair : avant tout il veut manipuler son public et les émotions de celui-ci.

Anecdotes d’une carrière bien remplie

Anecdotes d’une carrière bien remplie

En plus de ces quelques anecdotes, on ne peut parler d’Alfred Hitchcock sans évoquer ses apparitions dans ses propres œuvres. Tout commence en 1927 avec le film « Les Cheveux d’or » (« The Lodger ») dans lequel, dès la première scène, on peut voir un figurant au premier plan qui ressemble étrangement au réalisateur. Cette apparition incongrue sera la première d’une longue série.

Vidéo reprenant toutes les apparitions de Hitchcock dans ses films

Blackmail Hitchcock
Alfred Hitchcock

Doublage en anglais, sur de l’anglais

En 1929, Hitchcock se retrouve à réaliser le premier film anglais parlant, « Chantage ». Et encore une fois, l’ingéniosité du réalisateur est mise à rude épreuve. En effet, la star du film, Anny Ondra, est censée jouer une jeune fille anglaise, mais il se trouve qu’elle a un accent tchèque. Ce problème n’arrivait évidemment jamais au temps des films muets. Hitchcock doit donc être inventif.

Il engage alors une autre actrice, qui se place en dehors de la scène avec un micro et qui double Anny Ondra en direct. Cette dernière bouge alors uniquement les lèvres quand elle joue, mais ne produit aucun son.

Directing

Renommée internationale

Renommée internationale

Hitchcock est, à l’époque, de plus en plus connu par le grand public grâce aux nombreux films qu’il réalise en Angleterre jusque 1938. Il fonctionne sur un principe simple : on le laisse seul faire son film selon ses propres idées et son propre montage et il produit le film à l’heure et selon le budget déterminé au départ. Une formule bien rodée qui convient à tout le monde.

Avec plus de 20 films à son actif, Hitchcock devient une autorité en la matière et s’impose sur les tournages qu’il dirige. Il faut comprendre qu’Alfred Hitchcock n’improvise pas. Lorsqu’il arrive sur le tournage, tout est déjà défini à l’avance, tout est sur papier. Dans sa tête, dès le début du tournage, le film est déjà terminé. Il compare d’ailleurs souvent son processus de création à celui d’un compositeur de musique. En effet, on trouverait inconcevable que ce dernier compose avec l’orchestre juste devant lui. Dans le cas d’Hitchcock l’orchestre ce sont les acteurs, et le script remplace la partition.

Le rêve américain ?

Vers la fin des années 30, Hitchcock est de plus en plus tenté de rejoindre les États-Unis et Hollywood, car seul cet eldorado du cinéma a les ressources nécessaires pour satisfaire sa créativité. Pourtant une crainte subsiste, partir là-bas lui ferait peut-être perdre son indépendance gagnée si difficilement en Angleterre. En 1939, il signe finalement avec David O. Selznick, producteur américain, avec qui il s’engage pour une durée de 7 ans.

Il ne faut pas longtemps pour que ses peurs se concrétisent. En effet, Selznick est, tout comme Hitchcock, obsédé par le contrôle et n’a pas l’habitude de déléguer le pouvoir à d’autres. Un véritable problème face à l’indépendance fondamentale du réalisateur anglais et qui crée de nombreux conflits. Une relation compliquée qui commence durant la production du premier film hollywoodien d’Hitchcock : « Rebecca ».

Pour l’anecdote, ce film que Selznick veut qu’Hitchcock réalise doit à la base coûter 750 000 dollars pour 30 jours de tournages. Mais il prendra finalement 63 jours pour un budget de 1,2 million de dollars.

Hitchcock sur le tournage du film Rebecca en 1940

Hitchcock sur le tournage du film Rebecca en 1940 

Transatlantic Pictures

En 1946, les 7 années de contrat avec Selznick se terminent et Hitchcock se lance alors dans une nouvelle aventure : Transantlatic Pictures. Une nouvelle page de sa vie qui dure pendant quelques années et durant laquelle il sort du système pour financer lui-même ses productions. Les trois films produits ne fonctionnent pas au box-office et Hitchcock est obligé de déclarer en faillite l’entreprise.

Psycho

L’âge d’or

L’âge d’or

Après la débâcle des années 50, Hitchcock se cherche un nouveau studio. Après quelques hits pour Warner Bros il se lance dans un partenariat avec Paramount avec qui il créera notamment « Fenêtre sur cour », « Sueurs froides » et « Psychose ».

« Psychose » figure parmi ces chefs-d’œuvre créés lors de l’âge d’or d’Hitchcock et pourtant sa conception est très compliquée. Alors que Paramount refuse tout simplement de le produire, c’est Hitchcock lui-même qui finance le projet en demandant uniquement à Paramount de le distribuer. Il crée ce film et c’est le plus grand pari de sa vie. Alors qu’il coûte 800 000 dollars à Hitchcock pour le produire, au final il rapporte 11 millions de dollars. C’est son premier grand jackpot. Psychose est créé avec une audience toute particulière dans la tête du réalisateur : son nouveau public acquis fraîchement grâce à la série télévisée « Alfred Hitchcock présente ».

En effet, cette série le rend immensément célèbre auprès d’une tranche d’âge plus jeune. Les presque 300 épisodes de 26 minutes qui la composent font la légende du réalisateur. En plus des twists finaux surprenants, ce qui fait entrer ce show dans la légende ce sont les introductions de chaque épisode présentées par Alfred Hitchcock lui-même.

Compilation en musique de plusieurs de ces célèbres introductions

L’âge d’or d’Alfred Hitchcock continue avec « Les Oiseaux » en 1963. Un film audacieux et qui rejoint immédiatement le panthéon des chefs-d’œuvre du cinéma. Pour cette production, Hitchcock nous dévoile un nouvel aspect de sa personnalité et de sa volonté de tout contrôler. Au lieu de prendre une actrice établie et célèbre pour le rôle principal, il décide de se trouver quelqu’un qu’il pourra maîtriser, formater. C’est ainsi qu’arrive dans la vie d’Hitchcock Tippi Hedren qu’il déniche dans une publicité qu’il voit à la télévision. Choisir quelqu’un n’ayant aucune expérience d’actrice est un choix audacieux, mais calculé de sa part.

oiseaux 1
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Une des scènes mythiques de ce film est celle de l’attaque des oiseaux sur l’actrice principale dans le grenier. Cette scène prend 5 jours à tourner et, durant toutes ces journées, des oiseaux sont lancés vers l’actrice qui doit se défendre réellement. Une technique ultra-réaliste qui laisse la jeune actrice au bout du rouleau et l’oblige à rester alitée 3 jours après le tournage de cette scène. Ce film grandiose et innovant est pourtant un des plus difficiles pour Hitchcock qui, pour la première fois, décide d’improviser durant le tournage. Il change la fin complètement, mais aussi ajoute continuellement des détails. Une approche nouvelle pour le réalisateur qui le laisse pour la première fois sans véritable vision arrêtée du film dans son ensemble.

Un couple inséparable

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Le mode de vie du couple Hitchcock est tout sauf hors du commun. Alma et Hitchcock vivent dans une petite maison jamais trop luxueuse, même pendant l’apogée de sa carrière. Alma est son bras droit et sa conseillère, qui travaille étroitement avec Alfred sur tous ses projets, validant et retravaillant les scripts. Le couple n’est pas très mondain et ne se présente qu’aux soirées des gens qui leur sont proches. Une vie simple donc pour un couple extraordinaire.

Psycho

La fin d’une ère

La fin d’une ère

Tippi Hedren, forte de son succès en tant qu’actrice principale dans « Les Oiseaux », se retrouve contractuellement la star du long-métrage suivant d’Hitchcock. Mais la relation entre les deux se détériore rapidement. Hitchcock, fidèle à lui-même, est possessif et a besoin de tout contrôler, même la vie de celle qu’il considère avoir créée de toute pièce.

Le film suivant, « Marny », devient le champ de bataille de leurs querelles qui en viennent à un point où Tippi Hedren demande de démissionner, ce qu’elle ne peut faire selon son contrat. Les tensions sont telles qu’ils en viennent aux mots, et dans un accès de rage les insultes fusent. Une querelle verbale qui entraînera une conséquence simple : Hitchcock jure qu’il fera tout pour détruire la carrière de l’actrice. Ce qu’il fait. En effet, Hedren étant toujours sous contrat pendant les quelques années qui suivent, il lui bloque l’accès à tout autre rôle.

Marny fait un flop au box-office et les deux films suivants d’Hitchcock aussi. Une lente descente aux enfers s’amorce alors, avec de vaines tentatives de se réinventer, que ce soit dans le style ou la forme.

en plus

En 1972, un de ses derniers films, « Frenzy », est le premier à montrer à nouveau un peu de la magie d’antan, mais le couple Hitchcock va très mal, Alma fait une crise cardiaque, à laquelle elle survit, durant la production du film et Hitchcock souffre le martyre d’arthrite. Après quelques derniers films moins notables, qui amènent son compteur à 56 réalisations, Alfred Hitchcock meurt en mai 1980.

La mort d’un grand homme de cinéma, un être compliqué et torturé certes, toujours dans le contrôle de soi et des autres, mais qui laisse derrière lui des films qui ont changé à jamais la face du 7e art.

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