logo LaLibre.be

l’anti-américanisme

L’histoire d’un amour-haine envers les Etats-Unis

Le 11 septembre 2001,
la ville de New York se réveille.

La journée s’annonce splendide, sans nuage. Dans le quartier du World Trade Center, des policiers dévient la circulation pour cause de travaux. Tout à coup, les passants sont interpellés par un bruit sourd venant du ciel. Un Boeing se dirige, à très basse altitude, vers l’une des célèbres tours jumelles. Puis, c’est le crash. La deuxième tour est évacuée, car la première menace de s’écrouler. Une vingtaine de minutes plus tard, un second Boeing vient s’écraser dans la deuxième tour. La thèse de l’accident aérien s’éclipse, violement. CNN annonce que l’impensable se produit : « L’Amérique est attaquée ». Mais qui peut en vouloir à ce point aux Etats-Unis?

Plus de 3.000 pistes sont minutieusement étudiées par les services secrets américains. La plus grande investigation criminelle de tous les temps est ouverte… Pour la première fois, les Etats-Unis sont confrontés directement à l’anti-américanisme le plus extrême. Qui plus est, sur son sol.

Un choc planétaire

Photo anti-americanisme

Les chefs d’Etats du monde entier se précipitent pour présenter leur solidarité aux Etats-Unis, même Fidel Castro, l’ennemi de toujours. Pourtant, on dénombre deux absents à ce grand ballet diplomatique : Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi. Ils déclarent que ces actes sont la conséquence « normale » de la politique étrangère américaine. Plus anecdotique, une dizaine de Chinois, invités par l’administration américaine afin de renforcer leurs liens culturels et économiques, ont été surpris en pleine euphorie en applaudissant les événements qu’ils regardaient en direct sur grand écran. Le jour même, ils seront ramenés à la frontière. Les télévisions diffusent déjà les images de nombreux Palestiniens en liesse dans les rues de la Cisjordanie. Le lendemain du drame, à la Fête de l’Humanité, les militants communistes français ont émis des sifflements d’indignations lors de la minute de silence consacrée aux victimes du drame.

Photo anti-americanisme

Confusion de sentiments

Peu après cette attaque terroriste, le Président George W. Bush se posait publiquement la question suivante : « Pourquoi des gens peuvent-ils nous détester à ce point, alors que nous sommes si bons ? »

Photo anti-americanisme

Depuis, l’anti-américanisme n’a aucunement diminué. Il subsiste vis-à-vis des Etats-Unis simultanément un sentiment de rejet et d’attirance. L’ancien président de Médecins sans Frontières, Rony Brauman, indiquait que « cette confusion des sentiments n’est, au fond, que l’expression de la relation complexe que les hommes entretiennent avec la puissance. » En observant les frictions de plus près, ce n’est pas l’Amérique elle-même qui est rejetée, mais principalement son économie libérale ou ses politiques étrangère et militaire (pouvoir décisionnel au sein de l’OTAN). Il existe d’ailleurs, au sein même des Etats-Unis, de nombreuses associations qui se positionnent ouvertement contre la lutte anti-terroriste et contre la mondialisation de l’économie à partir de ce pays. A en croire Noam Chomsky, linguiste et philosophe à l’Université du Massachusetts, ce rejet est dû au « comportement terroriste des Etats-Unis dans les pays les plus pauvres. Cette violence est pratiquée au nom de la démocratie et des libertés, ce qui est… inacceptable ! »

Pour d’autres, les Etats-Unis n’ont tout simplement pas compris la véritable nature des nouveaux rapports internationaux, mais sont restés au temps de la guerre froide.

La guerre froide, berceau de l’anti-américanisme ?

Justement, si le conflit latent entre les Etats-Unis et l’URSS entre la Seconde Guerre mondiale et la dislocation du régime communiste en 1991 n’explique pas l’origine de l’anti-américanisme, il a – à tout le moins - accéléré son développement. Après la chute du national-socialisme, la montée du courant de pensée communiste et le choc des nouvelles superpuissances a exacerbé les deux principaux positionnements idéologiques à travers le monde. Après 1945, tout le monde s’accordait pour s’opposer au social-nationalisme qui avait détruit l’Europe. Nombreux sont ceux qui optèrent pour la défense de l’utopie que représentait l’URSS. Le maccarthysme, cette grande chasse aux agents et militants communistes aux Etats-Unis, a vu le jour dans ce contexte tendu de ‘peur rouge’.

Photo anti-americanisme

La bipolarisation planétaire sera perceptible dans toujours plus de domaines : course à l’armement, économie, commerce, religion, interventionnismes diplomatiques, militaires et culturels,…

Bien avant la guerre froide, quelques épisodes de la vie politique internationale ont alimenté l’anti-américanisme sans pour autant le façonner, tels que l’expulsion et l’extermination de populations indigènes et les interventions américaines armées en Amérique centrale et dans les Caraïbes.

De nombreuses interventions ont eu lieu après l’utilisation de la bombe atomique sur le Japon en 1945. Ces évènements, tels que la guerre du Vietnam (1955-1975), la crise de la Baie des Cochons à Cuba (1961), l’occupation de la République dominicaine (1965), le coup d’Etat de Pinochet (1973), les guerres d’Irak (1991 et 2003) et d’Afghanistan (2001-2014), ont davantage laissé des séquelles – parfois irréversibles - dans les consciences collectives.

Pays arabes et Israël

Dans le monde arabe, c’est le soutien souvent inconditionnel de Washington à l’Etat d’Israël depuis 1948 qui, en plus de la présence de troupes militaires américaines sur le sol saoudien, soulève les critiques les plus virulentes. Un ressentiment d’abord entretenu par de nombreux Etats dans la région, à commencer par l’Iran, l’Irak et la Syrie, avant d’être le fer de lance des mouvements fondamentalistes musulmans. Le groupe terroriste Al Qaïda d’Oussama Ben Laden fera de ces arguments le fil rouge de son violent combat.

La chute de l’Union soviétique a redistribué les cartes, puisque les Etats-Unis se sont retrouvés comme l’unique superpuissance mondiale. De quoi focaliser les critiques de toutes parts, des plus réalistes ou plus ridicules. Les Etats amis sont priés de suivre le grand-frère sans poser trop de questions…

Photo anti-americanisme

Dans l’entourage du président George W. Bush, quelques rares républicains admettent que l’Amérique souffre d’une certaine myopie en ce qui concerne les pays étrangers, leurs cultures et sensibilités politiques. D’autres regrettent que les Etats-Unis manquent d’une haute école de la diplomatie, à l’instar de l’ENA en France. Une telle institution aurait – selon eux – permis d’avoir des dirigeants plus habiles dans leurs communications sur la scène internationale. Les Américains comparent souvent leur dirigeant suprême à un chef d’entreprise. Une forme de gestion étatique que les Européens ne comprendraient pas forcément. Le clivage culturel, encore et toujours.

Ce clivage est d’autant plus clivant, qu’il est alimenté différemment aux Etats-Unis qu’ailleurs dans le monde. Et pour cause, les Européens, Asiatiques, Africains et Sud-Américains analysent tous les faits et déclarations de la Maison-Blanche, là où les Américains ne s’intéressent que très modérément – voire pas du tout – à la politique étrangère des Etats-Unis. Le sentiment d’anti-américanisme est d’ailleurs totalement incompris dans une grande partie du pays qui se sent déjà si éloignée de Washington et de Wall Street.

L’anti-américanisme dans tous ses états

Sur la forme, le ressentiment – qu’il soit économique, politique, culturel, moral ou religieux - est aisément identifiable dans le choix des arguments utilisés par ses partisans. L’accumulation de clichés (l’Américain obèse au volant de son pick-up polluant et ne se souciant aucunement de ce qu’il se passe au-delà de ses frontières) s’apparente parfois même à une forme de xénophobie. On notera aussi que dans toutes les grandes théories du complot au niveau mondial, les Etats-Unis se situent toujours en excellente position.

Les plus radicaux – on parle dès lors d’anti-américanisme ‘primaire’ - succombent très vite à la tentation de se représenter dans une bataille de Western, avec les bons et les mauvais, laissant peu de place à une argumentation nuancée ou à une critique légitime entre pays alliés.

Photo anti-americanisme

Il est étonnant de constater que l’anti-américanisme est une forme de concentration de critiques, comme on en retrouve rarement, sauf face aux principales dictatures du monde, alors que les Etats-Unis estiment être l’une des plus anciennes démocraties qui n’ait pas connu de dirigeant totalitaire.